« Et toi, tu le vis comment ? »
Mardi 21 avril, trente-sixième jour du confinement. Nous avons demandé aux français, de différents âges et différentes situations, comment ils le vivaient : leurs espoirs, leurs craintes, ces petites réflexions du quotidien parce que oui, en ce moment, nous avons enfin le temps pour réfléchir.
Présentez-vous.
Je m’appelle Claudine, j’ai quatre-vingt-six ans et suis retraitée depuis bien longtemps… J’habite à Bourg-La-Reine (92) dans un pavillon avec jardin, que j’apprécie beaucoup en ces temps difficiles. L’après-midi, je m’installe sur mon transat, dans le jardin et je ne suis, ma foi, pas à plaindre.
En 3 mots, comment vivez-vous le confinement ?
Difficile parce que j’aime marcher, je suis encore très vive, je m’ennuie même dans mon jardin. Je ne vois personne à part mon mari, ça m’est très difficile de ne plus être en contact avec mes amis et ma famille.
Démoralisant parce qu’on se pose des questions et on ne sait pas pour combien de temps on gardera notre santé. Je suis quand même très âgée et j’ai peur.
Triste parce que toutes les relations sont quasi-inexistantes. Le téléphone ne me suffit pas. J’ai beaucoup de mal à m’endormir la nuit.
Quels changements par rapport à votre vie personnelle ?
Bien sûr, je sors beaucoup moins. Je ne vois plus mes anciens collègues. Au fond, je ne ris plus. Je suis seule avec mon mari, il faut que je fasse tout : le ménage, la cuisine. A mon âge, c’est du sport et cela s’avère très compliqué : avant le confinement, j’avais une femme de ménage qui venait 3h heures par semaines. Tout ce travail m’incombe aujourd’hui. La salle de bain, les toilettes au rez-de-chaussée, à l’étage, faire les deux chambres que nous occupons séparément mon époux et moi-même ; et mon chien, un gros boxer, qui me donne beaucoup de travail mais aussi, il en va sans dire, de réconfort.
Vos plus grandes craintes ?
Que l’un de nous deux attrape ce virus… De perdre un être cher de ma famille… Et en plus, avec ce que l’on voit à la télévision, le fait d’être privé d’enterrement ! Il faut avouer que c’est l’horreur. Une crainte également pour mes enfants qui ne gagnent rien en ce moment et s’apprêtent à vivre une situation économique catastrophique.
Ce que vous voulez dire, qui n’est pas assez dit ?
Les médias nous rabâchent tellement toujours la même chose, que je ne sais plus. J’entends tout, tout le temps, des milliers de fois : qu’ils racontent moins souvent ce qu’ils nous disent à longueur de temps, et qu’ils précisent enfin leurs propos lors de rendez-vous médiatiques. En ce moment, l’information est présente de manière systématique et on en devient fou. Cette obsession médiatique me rend malade : on ne peut plus allumer notre poste de télévision pour se divertir. J’ai donc envie de dire : stoppez cet amoncellement d’informations déprimantes. Qu’ils expliquent plus plutôt que de nous donner sans cesse des chiffres.
L’aspect positif du confinement selon vous ?
Au moins, j’ai le temps de lire. De plus, je relis des vieilles lettres de nos ancêtres, du XVIII et XIXème siècle, et on dirait de la calligraphie… C’est magnifique de se replonger dans ces époques. C’est un régal d’écriture. On se demande même si ce n’est pas imprimé tellement c’est bien écrit. J’en sors très fatiguée tellement je me concentre lors de ces lectures. C’est mieux que de repasser ! D’ailleurs, mon linge s’accumule, j’ai privilégié certaines occupations plutôt que d’autres… C’est une chance d’avoir le temps de revivre ces histoires, ces vies retracées à l’écrit. L’aspect positif, ce ne sont finalement que des petits plaisirs…
Qu’est-ce que ce nouvel usage du temps vous a permis ?
Au fond, j’étais retraitée, donc ce nouveau tempo ne m’a pas beaucoup changée. Si, il m’a rajouté de l’angoisse. Mon mari est diabétique, et je suis obligée de sortir faire les courses et lui élaborer un menu équilibré. Je suis donc très stressée de part mon obligation de sortir et en même temps, par la crainte de le contaminer. Pour sa part, il jardine, et il attend que ça se passe… Des projets, j’en ai plein la tête, mais le courage me fait défaut, et cela m’attriste. Je m’occupe de moi, c’est déjà assez. Jusqu’au bout, s’occuper de son corps, même en temps de confinement. Et je garde le morale grâce à mes petits-enfants qui me redonnent la pêche.
A la fin du confinement et de la pandémie, un nouveau regard sur la vie ?
Non, je serais seulement heureuse de retrouver ma vie d’avant. Je n’ai pas forcément envie de changement. Je me contente absolument de ce que j’avais avant le confinement.
Votre conclusion.
J’aimerais que le gouvernement arrête de nous raconter des histoires, qu’on nous dise la vérité. Je n’ai plus aucune confiance en nos politiques. A chacun donc d’y mettre du sien, de respecter les consignes, car je vois bien que tout le monde ne les respecte pas. J’attends juste de retrouver ma petite famille pour être de nouveau heureuse.