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Allemagne, ennemi public n°1 (1/3)

Ouverture du Reichstag dans la Salle Blanche du palais de Berlin par Guillaume II

Quelles sont les plus grandes menaces pour l’avenir de la France ? L’islam communautaire, l’américanisation des mœurs, l’esprit d’abandon au profit de l’Europe fédérale, et bien sûr la soumission à l’Allemagne. Depuis le grand retournement d’alliances de la guerre de Sept-Ans (1756-1763), la Prusse puis l’Allemagne unifiée n’ont eu de cesse de s’opposer à la France en Europe et dans le monde. Du duc de Brunswick menaçant de réduire Paris en cendres à Bismarck proclamant l’Empire dans la Galerie des Glaces du château de Versailles en passant par la percée des Ardennes et la bataille de Verdun, l’Allemagne prussienne s’est imposée comme une menace mortelle pour notre pays. Encore aujourd’hui, son hégémonie industrielle et économique sur l’Union européenne et la nouvelle collaboration d’État d’une élite française servile ont fait chuter la France. Comprendre les relations franco-prussiennes puis franco-allemandes constitue dès lors un premier accomplissement dans cette prise de conscience : l’Allemagne, en tant qu’État unifié et dominé par la culture militariste et impérialiste prussienne, est, pour la France, un ennemi à combattre et abattre, peu importe l’époque.

La montée en puissance prussienne sur l’Europe

En Europe, le Royaume de Prusse est un État-nation « neuf ». Fondée le 18 janvier 1701, la Prusse est déjà une union en soi, celle de l’Électorat de Brandebourg – constitutif du Saint-Empire romain germanique – et du duché de Prusse relevant de l’État polonais. Fruit d’une union personnelle, le Royaume de Prusse est concédé à Frédéric III de Brandebourg par l’Empereur Léopold Ier en 1700. Cependant, comme personne ne peut être couronné roi dans le Saint-Empire, Frédéric profite de l’extraterritorialité du duché de Prusse pour obtenir une sorte d’exception : il devient roi en Prusse. Il élit alors Berlin comme capitale de ce nouveau pays dont l’existence même va changer l’histoire de l’Europe tout entière.

Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette fondation royale, il convient de comparer la situation prussienne à celle de l’Angleterre du Moyen-Âge. Conquis par les Normands de Guillaume en 1066, le Royaume d’Angleterre constitue une autorité concurrente au pouvoir central français qui considère toujours la Normandie comme un territoire vassal. L’extraterritorialité de l’île britannique vis-à-vis du Royaume de France n’empêchera pas la confrontation entre Paris et Londres. C’est le même cas de figure entre Vienne – qui domine alors le Saint-Empire – et Berlin. De fait, il existe dès la fondation de la Prusse un profond respect pour la France de Louis XIV et son modèle absolutiste qui constitue un modèle politique à suivre. Le début du XVIIIème siècle voit la poursuite de cette politique francophile et l’instauration d’une véritable machine de guerre : 76 000 hommes constituent l’armée permanente prussienne tandis que la France compte 150 000 soldats pour une population plusieurs fois supérieure. Pour s’imposer face à l’Autriche et la Pologne, Berlin étudie et s’inspire du génie militaire français tout en innovant de façon autochtone. Pour le moment, les Prussiens sont les alliés de la France qui poursuit une politique antiautrichienne traditionnelle héritée de Richelieu. Lors de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), la Prusse est le principal bénéficiaire des victoires françaises que les armées de Louis XV ne cessent d’accumuler dont la fameuse bataille de Fontenoy. La paix est d’autant plus profitable que le roi de France renonce à la rive gauche du Rhin pour ne pas froisser les Britanniques et ainsi déclencher une guerre européenne perpétuelle ; sa mansuétude lui sera fatal.

La guerre de Sept-Ans illustre la naissance d’une véritable rivalité entre France et Prusse. Pourtant anciens alliés, les deux pays vont s’affronter pour la domination de l’Europe. Si la guerre est principalement un affrontement franco-britannique, l’humiliation de Paris va là encore profiter à la grandeur de Berlin qui s’impose de plus en plus face à la Pologne et l’Autriche. Désormais, les Prussiens sont un peuple avec lequel il faut compter. Leur doctrine militaire s’impose même comme un modèle d’efficacité et de puissance au détriment des Français. Mais ce n’est que le commencement d’une lutte séculaire.

France et Prusse, des ennemis mortels

La paix ne dure jamais en Europe. La Révolution française éclate et menace l’absolutisme européen. Mais si la France est menacée par les monarchies européennes à l’extérieur, elle est également menacée par son propre chef d’État qui choisit de déclarer la guerre pour restaurer son pouvoir personnel. Cette traîtrise, montrée du doigt par des députés révolutionnaires comme Danton, Marat ou Robespierre, conduit à la prise des Tuileries. La captivité du roi choque l’Europe. Le duc de Brunswick envoie une menace d’annihilation au peuple parisien. Plutôt que de terroriser, cette invective alimente un sentiment de haine. L’invasion du territoire national, symbolisé par la chute de Verdun, suscite un nouvel élan de patriotisme. Finalement, les Prussiens – soldats d’élite de l’Europe – sont vaincus à Valmy par une armée de conscrits inexpérimentés. Bientôt, c’est toute la rive gauche du Rhin qui tombe dans le giron français après la victoire de Fleurus (1794) sur les Impériaux et Britanniques. La Prusse, pourtant si belliqueuse, se désintéresse de la France révolutionnaire et signe la paix en 1795, plus intéressés par le partage de la Pologne à l’est.

La guerre éclate à nouveau en 1806 – ce sera le plus important événement de l’histoire allemande. Pendant une décennie, le Royaume de Prusse a remilitarisé. Devant à l’origine participer à la Troisième Coalition, Berlin assiste à l’écrasante défaite autrichienne face à la Grande Armée de Napoléon. Le Saint-Empire, vieux d’un millénaire, est dissous et remplacé par une confédération francophile. Voilà un casus belli rêvé. Menacé par cette formation politique nouvelle, la Prusse déclare la guerre et se range aux côtés de la Russie qui continuait seule le combat en Europe. Arrogante, abusée par sa victoire à la guerre de Sept-Ans, l’Armée prussienne est confiante, trop confiante. Les combats commencés le 9 octobre, sont de facto achevés le 14. La campagne-éclair voit déferler les Sept-Torrents de la Grande Armée sur la Prusse. À Saalfeld (10/10/06), le prince-héritier Louis-Ferdinand est tué. Quatre jours plus tard, l’Empereur des Français et son brillant maréchal Davout remportent deux victoires décisives à Iéna et Auerstedt. En moins d’une semaine, toute l’Armée prussienne est anéantie. Ses maigres vestiges font retraite vers la Pologne où stationnent les troupes russes.

Le 27 octobre 1806, Napoléon entre dans Berlin. C’est un coup de tonnerre pour les Prussiens qui sont humiliés. Leur armée, la plus puissante du monde, a été vaincue en une seule semaine. Mais sans le savoir, les Français viennent de faire naître un impérialisme prussien qui leur causera bien des ennuis dans le futur. Malgré tout, l’Armée prussienne reconstituée viendra à bout de la France par les batailles de Leipzig et de Waterloo – il faudra cependant l’échec capital de la campagne de Russie pour cela. Les guerres révolutionnaires et impériales du début du XIXème siècle sont essentielles dans la compréhension du nationalisme allemand qui s’apparente plutôt à un impérialisme prussien. Profondément humiliés et meurtris dans leur propre sentiment national, les Prussiens rêvent d’un empire qui les mettrait à l’abri de la défaite pour les siècles à venir. Grands vainqueurs du congrès de Vienne qui clôt la parenthèse impériale française, ils dominent l’Allemagne septentrionale et peuvent espérer un déclin de l’influence autrichienne dans la région…