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Chypre : « vers une patrie unifiée ? »

Point de passage de Lefka (Chypre)-Photo by Iakovos Hatzistavrou/AFP

Article écrit par Henri.

Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, l’histoire de Chypre est complexe. Cette difficulté de compréhension des différents acteurs et enjeux rend l’avenir incertain : la réunification de l’île est-elle la seule solution ? Si oui, sous quelle forme ? Une démocratie directe ne prenant plus en compte les spécificités de l’île ? Alors même que la Constitution de l’île prévoit un droit d’intervention du Royaume-Uni, de la Grèce et de la Turquie, Chypre pourra- t-elle se défaire de ses mères-patries ?

L’île qui, selon la légende aurait accueilli la naissance d’Aphrodite, voit naître des motifs d’espoirs de paix et d’apaisement depuis une décennie. La volonté commune de retrouver les propriétés et lieux de vies de leur enfance, ou encore l’économie chypriote à rebâtir, vont dans le sens d’une réunification.

Mais une analyse du présent ne saurait être envisagée sans prendre en compte le passé. Le passé de l’île joue vraisemblablement en défaveur d’une réunification. L’échec des différentes tentatives de paix tout au long du conflit ainsi que l’origine de l’opération Attila (à savoir la volonté des Chypriotes grecs d’appliquer l’Enosis), sont autant d’obstacles à la paix. Malgré ces oppositions, la volonté commune des Chypriotes d’aller de l’avant maintien l’espoir.

POURQUOI LA RÉUNIFICATION N’AURA PAS LIEU A CHYPRE

L’Enosis

Aujourd’hui Chypre compte un peu plus d’un million deux cent mille habitants. Mais cette population, répartie entre les deux communautés, est loin d’être égale : les Chypriotes grecs sont très largement majoritaires. La solution face à cette disparité réside dans la Constitution : les Chypriotes grecs votent pour leurs représentants (obligatoirement orthodoxes), alors que les Chypriotes turcs votent pour les élus (obligatoirement musulmans).

Une solution qui ne résout pas le problème de fond : l’Enosis.

La volonté de voir Chypre réunie avec la Grèce est la cause de nombreux conflits sur l’île. Entre 1864 et 1954, ce désir est alors un doux rêve pour les Chypriotes grecs, mais tout s’accélère en 1955 avec le refus du Royaume-Uni de reconnaître un référendum.

En 1973, la Turquie signifie son accord en faveur de la réunification de l’île. La condition ? Que l’Enosis ne se réalise pas. Mais suite à l’intervention des colonels grecs et la mise en place du rattachement de l’île à la Grèce, la Turquie intervient militairement.

Aujourd’hui encore, l’Enosis est au cœur du conflit : les deux parties l’édifiant en une condition non-négociable, sur laquelle aucun des deux camps ne semble prêts à faire de concessions.

Les échecs successifs des plans de paix

Depuis l’opération Attila en juillet 1974, l’île est scindée en deux. Le meilleur exemple pour illustrer cette scission est l’aéroport de Nicosie. Déclaré zone protégée par l’ONU, ce complexe est abandonné, et personne ne peut y accéder. Un aéroport délabré au cœur d’une capitale, symbole des différents échecs des tentatives de règlement du conflit.

Parmi les différentes négociations bilatérales n’ayant jamais abouti, la tentative la plus célèbre date de 2004 : le « plan Annan » (du nom de l’ancien secrétaire de l’ONU). En plus d’une réforme constitutionnelle, l’ajout de nouveaux organes gouvernementaux était prévu (Par exemple : un parlement bicaméral). Un drapeau ainsi qu’un nouveau nom fut proposé. Si 65% des Chypriotes turcs ont accepté ce plan, les Chypriotes grecs l’ont rejetés à hauteur de 75,83 %.

La dernière tentative a eu lieu en Suisse en 2015. Ce plan consistait en la coexistence de 2 entités égales sous la forme d’un état confédéral. Et même si cet essai a de nouveau failli, l’espoir n’est pas pour autant perdu. Un point essentiel aide les deux communautés à tendre vers un accord : la restitution des propriétés.

 LA RÉUNIFICATION : UNE QUESTION DE TEMPS

 Une volonté commune

Malgré ces années de conflits, les deux communautés s’accordent à vouloir coopérer. Avant l’opération Attila, le rapprochement fut compliqué mais présent. La présence militaire a anéanti toute confiance en l’autre, chacun accusant son voisin de tous les maux de l’île.

Mais depuis quelques années, la volonté d’aller de l’avant, de ne plus vivre dans la méfiance ou la haine, l’emporte. Nombreux sont les Chypriotes ayant dû quitter le lieu de leur enfance ou de toute une vie. 45 ans plus tard, ils sont tout aussi nombreux à vouloir retourner sur la terre de leurs ancêtres. La restitution des anciennes propriétés serait un début de réunification. A défaut, d’autres solutions pourraient être envisagées, comme une indemnisation.

Le meilleur exemple de cette volonté de retrouver ces territoires perdus, est la ville de Famagouste et notamment le quartier de Varosha. Ancienne station balnéaire de renom, la ville est majoritairement composée de chypriotes grecs. Lors de l’opération Attila, elle est envahie par l’armée turque. En août 1974, un cessez-le-feu est déclarée sous l’égide de l’ONU : la Turquie contrôle la ville. Entourée de barbelés, la ville est depuis une cité fantôme. Mais ces dernières années, les deux communautés commencent à exprimer une volonté commune : le partage de la ville. En plus du symbole que représenterait l’ouverture de Famagouste, un autre aspect vient pousser les Chypriotes à dialoguer : l’économie.

Une économie à réinventer

Chypre commence à se relever. En 2008, l’île connaît la crise, et ne passe pas loin de la faillite en 2013. A ce moment, le taux de chômage s’est élevé jusqu’à 18 %. Les deux communautés en souffrent. Elles souffrent ensemble, mais à des degrés différents.

Déjà sous l’égide de Makários III, les Chypriotes grecs profitaient d’un port et du tourisme de l’île. Depuis, cette disparité entre les deux communautés n’a cessé de s’accroître. Ce fossé ne fait que creuser le ressentiment des communautés l’une envers l’autre, mais peut-être également la lumière au bout du tunnel.

Les atouts de Chypre doivent être mis en valeur et les Chypriotes l’ont bien compris. De plus en plus de discussions et propositions sont mises en avant afin de rendre l’île compétitive. La ville de Famagouste a déjà vu plusieurs projets mettant en avant son passé, son potentiel, et la volonté des chypriotes de travailler ensemble. Les habitants de l’île souhaitent améliorer leur niveau de vie, et c’est peut-être cela qui la poussera à ouvrir un dialogue.

En plus de cette détermination, un événement a accéléré le processus : la découverte en 2010 d’un immense champ de gaz naturel appelé Léviathan. Cette découverte a changé le cours des choses pour Chypre, ainsi que pour tous les acteurs de la région.

 

Sources:

https://www.touteleurope.eu/pays/chypre.html http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/chypre.htm https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9unification_de_Chypre https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nosis https://www.youtube.com/watch?v=JA8SxhkjUAc https://www.youtube.com/watch?v=xFUc-AaUSqA https://www.youtube.com/watch?v=0cREc3k1LyM https://www.youtube.com/watch?v=aWWoUFi-7QU