Les grands penseurs des idées politiques : Cicéron & la république

 
Statue de Cicéron devant le palais de justice à Rome

Statue de Cicéron devant le palais de justice à Rome

 

Cet écrit s'inscrit dans le cadre d'une série vouée aux grands penseurs des idées politiques. Cette série chronologique aborde les idées des auteurs dans leur contexte ainsi que leur vie personnelle. Ces essais n'ont pour seule vocation que de structurer et de faire connaître dans les grandes lignes les idées politiques de ces penseurs. Une bibliographie est proposée à chaque fois pour ceux qui voudront développer leur savoir et approfondir leurs connaissances sur ces sujets.

Cicéron où Marcus Tullius Cicero est né en 106 avant JC dans la région de Rome. Issu d'une petite famille bourgeoise il ne parvient à intégrer le cercle des familles nobles que grâce à l'union avec sa femme ce qui lui permet d'envisager une carrière dans la politique. Il étudie à Rome la philosophie, l'art oratoire et le droit tout en suivant une petite carrière militaire lors de la guerre civile qui faisait alors rage au sein de la république romaine. Désirant une faire une carrière politique il devient avocat, questeur, préteur, consul puis occupe le poste prestigieux de sénateur. Il se tient toute sa vie en tant que défendeur du peuple et contre la corruption qui ronge alors le pays. Il doit faire face à des tentatives de coups d'états et entre en conflit d'influence avec d'autres politiciens. Poussé par le richissime Pompée et le stratège César en pleines manigances politiques il doit s'isoler de la politique en Grèce pour un temps. En – 51 avant JC Cicéron est nommé proconsul de la région comprenant le sud de la Turquie actuelle, Chypre et une partie de la Syrie actuelle, il applique ses idées et théories politiques à ce territoire durant son mandat. Après ce mandat il revient en Italie et assiste à la guerre civile annonçant la fin de la république romaine, il prend le parti de Pompée puis de César, vainqueur de la guerre. Après cette guerre civile et l'assassinat de César un autre conflit commence entre les politiciens Octave et Marc Antoine ce qui oblige Cicéron a s'écarter de la politique. Mais du fait de son attitude vis à vis de Marc Antoine il est assassiné en -43 avant JC. Il aura vécu tous les événements précipitant la république romaine vers l'empire.

Son travail le plus remarquable est sans nul doute l'ouvrage De Republica écrit en -54 avant JC dans lequel il fait les louanges du système politique qu'est la république, notion clef qui nécessite des Hommes particuliers permettant le bien de la république entière en tant qu'entité distinguée des individus en eux mêmes.

Comment Cicéron explique la viabilité de la république?

 

LA RESPUBLICA, SEUL SYSTEME POLITIQUE VIABLE

Le pouvoir est bienveillant pour Cicéron, il emploie le terme de tuteur et celui de modérateur, concernant l’Homme d’Etat plutôt que les mots chef ou princeps ce qui se distingue de tous les auteurs politiques le précédant. Il base son raisonnement sur son expérience de la vie politique romaine et cite les institutions de Rome comme exemple à suivre.

Selon Cicéron la cité apparaît de manière naturelle tout comme Aristote l'exprime: il refuse l’idée de contrat social. La cité est nécessairement supérieure aux Hommes en tant qu'entité distincte, elle s’impose à eux et les Hommes ne peuvent pas décider de la destinée de cette cité. Tout doit se plier devant l’intérêt général. Cicéron met en avant un correctif avec la distinction entre droit public et droit privé. Le droit privé c’est tout ce qui attrait aux particuliers, le droit public tout ce qui regarde l’Etat et donc le droit public prévaut sur le droit privé.

Cicéron est assez proche de Polybe, un autre auteur politique romain, sur la question du régime mixte: la République c’est ce qui donne l’harmonie dans la cité. Ni la monarchie ni la démocratie ni l'aristocratie n'apportent la viabilité recherchée, seule la république mixte, empruntant des institutions et principes des autres régimes politiques est efficace.

En effet selon le politicien romain la république dont il fait l'adage est viable du fait de plusieurs principes et institutions se liant. Dans un premier temps la représentation du peuple est obligatoire, le Sénat romain en est l'exemple. De même les consuls élus empruntent leur pouvoir à la monarchie mais pour une période temporaire et moins absolue. De plus l'instauration de tribuns de la plèbe est vouée à créer un contre pouvoir contre les magistrats et le Sénat en faveur du peuple. Cicéron emprunte un principe oligarchique en annonçant son intérêt pour les personnes riches concernant leur accès au pouvoir. En effet dans son ouvrage la vie publique est l’affaire de plus riches, les 200 plus riches ont autant de poids politique que les 200 000 plus pauvres. Le citoyen, Homme de bien est un citoyen riche qui va consacrer sa vie, se dévouer, à la chose publique. Etant déjà riche il est difficilement corruptible par l’argent, un enjeu majeur pour l'auteur. 

La république se concrétise donc dans l’État. En effet, Cicéron considère que le droit fondé et développé par la communauté ne peut être garanti que dans le cadre de l’État. Celui-ci met fin au règne de la force qui prévalait au début de l’humanité, un état de sauvagerie primitive où le vol et le meurtre étaient courants, avant que des êtres intelligents ne rassemblent les hommes sur des principes communs. Cette république se caractérise par un régime mixte qui emprunte des institutions d'autres régimes et qui cherche à travers des logiques de contre pouvoirs à garder un équilibre viable.

Il est important de ne pas voir la république de Cicéron comme la république moderne, la démocratie ( pouvoir du peuple tout entier) étant encore mal perçu par les intellectuels de l'époque.

 

L'IDEAL DE L'HOMME AU CENTRE DE SA PENSEE

Comme dit précédemment Cicéron estime le pouvoir relatif d'une certaine élite et souhaite l'usage de contre pouvoirs comme protection des différents groupes d'individus composant la république. Ce régime politique n'est viable seulement parce que l'Homme est viable. Il décrit l’attitude que doit avoir tout honnête homme vis à vis de la Politique et il se fonde pour cela sur une analyse sociale de l’individu. En effet à travers sa vision de la politique il fait la promotion de l’Homme d’Etat, l'Homme providentiel. Pour lui, la vie publique est un devoir moral pour chaque Homme de bien : un citoyen digne de ce nom ne peut s’accomplir que dans le cadre d’une vie publique. Donc le sacrifice de sa personne pour la Respublica est important : peu de bénéfices en sont tirés, des risques sont pris et la fortune personnelle est engagée.

L’idéal de l’Homme d’Etat est donc au centre de la pensée de Cicéron, il voit dans cet Homme le sage, l'expérimenté et le vertueux. L’Homme d’Etat doit nécessairement être instruit, cette science du pouvoir n’étant pas innée. Le citoyen digne de ce nom est celui qui réunit à la fois la compétence et l’autorité. C’est l’expérience et l’hérédité qui dont l’éducation : par exemple être né dans une famille où le père exerce la fonction publique conduit le fils à s’y intéresser. Cette pensée se rapproche de celle de Platon, mais Cicéron refuse totalement l’idée de l’exclusion de la cité des gouvernants: pour lui il est totalement intégré.

Conscient que son raisonnement se basant notamment sur le groupe d'individus le plus riche peut amener la république vers un régime plus oligarchique, non viable, Marcus Tullius Cicero fait donc l'adage de la vertu de l'Homme et estime que le régime politique fait l'individu, que la viabilité de la république, notamment romaine, construit l'Homme idéal.

 

Bibliographie :

Histoire des idées politiques, la pensée occidentale de l'antiquité à nos jours de Olivier Nay

Cicéron, œuvres complètes LCI/ 38

La République de Cicéron

Cicéron, figures du savoir tome 37 de Clara Auvray-Assayas

Les idées politiques à Rome sous la République de Nicolet Claude