terra bellum

View Original

Comment la BoJ affronte la crise sanitaire ?

Banque du Japon

L’impact du coronavirus sur l’économie n’est pas à démontrer. Dans un monde où chaque moment est optimisé afin d’emprunter davantage et ainsi assurer une production toujours plus conséquence, le moindre coup d’arrêt peut avoir d’énormes conséquences. Hors période de crise, l’investissement privé constitue le moteur de la croissance économique d’un pays. Mais lorsque le privé failli à son rôle de leader le public peut se substituer. John Maynards Keynes est l’auteur emblématique de sa réponse à la crise : si le secteur privé n’est pas prêt à dépenser suffisamment pour maintenir le plein emploi, le secteur public doit prendre la relève. Le gouvernement doit emprunter afin de financer de grands travaux, permettant à une large partie de la population de retrouver une activité, donc un salaire et du pouvoir d’achat alimentant une consommation permettant de pousser l’économie à la relance. Le meilleur exemple est bien évidement la politique du New Deal mise en place par Franklin Delano Roosevelt, pour face aux conséquences désastreuses de la Grand Depression découlant du jeudi noir d’octobre 1929.

Cette approche fut mise en pratique par le Japon pour tenter de répondre à l’éclatement de bulle spéculative de 1990. Comme l’explique Paul Krugman « Au cours des années 1990 le gouvernement adopta un train de mesures incitatives, empruntant de l’argent pour construire des routes et des ponts […] Ces mesures ont créé des emplois directs et ont donné un coup de fouet à l’ensemble de l’économie toutes les fois où elles ont été tentées ». Mais malheureusement pour le Japon, l’âge de sa population joua en sa défaveur : les personnes âgées qui représentent une lourde charge fiscale pèsent tout simplement trop sur la maîtrise du budget. En 97 le premier ministre Ryutaro Hashimoto décide de tout arrêter et de revenir à une rigueur budgétaire que nous autres européens qualifieront d’allemande.

Cette solution presque miracle ne peut pas marcher pour le Japon, heureusement cette option n’a pas été choisi par la BoJ pour faire face à la crise sanitaire. La Bank of Japan a choisi la même solution que d’autres banques centrales (la BCE pour ne citer qu’elle) en baissant ses taux directeurs. Pour ne prendre qu’un exemple, le taux directeur sur les dépôts des banques auprès d'elle, déjà négatif (-0,1%) n’a pas était modifié. La principale particularité de sa politique est son rachat d’actif. La BoJ achète à tour de bras. Elle s’est engagée à racheter des obligations d’Etats sans se fixer aucune limite. Cela peut laisser perplexe, mais grâce à cette pratique les coûts d’emprunts sont maintenu à des niveaux bas, ce qui permet au gouvernement d’augmenter sa capacité d’emprunt. Le site Zonebourse nous donne d’autres exemples :

  • Son objectif annuel de rachats de fonds négociés en Bourse (ETF) a été ainsi doublé à 12'000 milliards de yens (110 milliards de francs suisses), contre 6000 milliards de yens précédemment

  • Ses rachats de titres de créances d'entreprises de courts et longs termes vont par passer à 7400 milliards de yens maximum par an, contre 5400 milliards de yens jusqu'à présent.

L’intensité avec laquelle la BoJ tente de maintenir à flot l’économie japonaise est impressionnante. Il ne serait pas étonnant de voir d’autres banques centrales l’imiter. Si le virus semble avoir passer son chemin en Europe et les Etats-Unis posséder assez d’armes pour s’en sortir (à travers la FED et la puissance du Dollar notamment), des pays d’Amérique du Sud pourrait ne pas avoir la même « chance ». Il est possible que la Banco Central do Brasil ou la Banque du Mexique adopte une politique semblable à la Bank of Japan.

 

Sources :

https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/japon-la-boj-renforce-son-soutien-monetaire-face-au-coronavirus-1906436.php

https://www.zonebourse.com/BANK-OF-JAPAN-103499263/actualite/La-Banque-du-Japon-muscle-ses-rachats-d-actifs-face-au-coronavirus-30166176/?utm_medium=RSS&utm_content=20200316

https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/japon-la-boj-renforce-son-soutien-monetaire-face-au-coronavirus-1906436.php

Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, 2008, W. W. Norton & Company