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Crimée : annexion illégale ou récupération légitime ? (1/4)

Prise de la tour de Malakoff par le général Mac-Mahon, le 8 septembre 1855 - Adolphe Yvon

La Crimée est une région d’Europe de l’est de plus de 2 millions d'habitants dont l'appartenance est aujourd'hui incertaine. Si l’on demande à Google, la réponse varie étrangement. Vu de Russie, la Crimée lui appartient et une frontière la sépare du reste de l'Ukraine. Vu d’Ukraine, c'est l'inverse, la frontière disparaît. Vu du reste du monde cependant, le tracé est incertain et on se contente d'un petit liseré gris discontinue comme un aveu d'incertitude de la part du géant d'internet. Ce premier article explique les causes du conflit de 2014 autour de la Crimée. Les prochains à ce sujet résumeront le conflit et prendront position pour l’un et l’autre des deux camps.

Causes du conflit

Au cours de l’histoire, les territoires qui composent l’Ukraine d'aujourd'hui ont été sous l'influence de différentes puissances extérieures et partagés le long d'une ligne qui coïncide grossièrement avec le cours du Dniepr. À l'ouest du fleuve, la domination des lituaniens, des polonais puis des austro-hongrois ancre ces régions en Europe. À l'est du Dniepr, en revanche, ce sont les Russes qui affirment leur emprise sur ces terres qui, via la mer noire, leur offre un débouché sur les mers chaudes. Plus tard, au cours du 18e siècle, la Russie conquiert finalement la plupart des terres occidentales. En 1917, à la chute de l'empire russe, l'Ukraine proclame brièvement son indépendance. 5 ans plus tard, elle est incluse dans l'Union soviétique. La collectivisation forcée et la répression stalinienne culmine avec la grande famine des années 30 qui fait plus de 6 millions de victimes en grande partie dans l'ouest du pays. Quelques années après, pendant la 2nde Guerre Mondiale, l'Ukraine devient l'un des théâtres majeurs de la Shoah et connaît des combats d'une extrême violence. Plus de 8 millions de personnes perdent la vie. Ces deux tragédies sont fondatrices d'une mémoire ukrainienne éclatée.

L'Ukraine soviétique atteint progressivement sa taille actuelle. En 1991, à la chute de l'URSS, elle retrouve son indépendance. Même si durant plusieurs années, le pays reste sous le contrôle d'un régime pro-russe. C'est l'année 2004 qui change la donne à l'issue de l'élection de Viktor Ianoukovitch jugée frauduleuse. La Révolution orange menée par Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko porte au pouvoir des forces politiques libérales et pro-occidentales. Lors d'un nouveau scrutin, la fracture électorale entre est et ouest est net. Si l'élite politique ukrainienne se rapproche alors de l'Union européenne, l'influence russe reste très présente. En terme stratégique, l’Ukraine est un atout majeur pour le gouvernement russe, notamment la province autonome de Crimée (qui bénéficie d'une situation idéale sur la mer noire) et dans le port de Sébastopol, ville majoritairement russophone. De plus, un accord entre les 2 gouvernements garantie à Moscou le maintien d'une importante base navale.

La dépendance énergétique est un autre élément qui limite l'autonomie du pays face à la Russie : 58% du gaz consommé en Ukraine est Russe. Ce levier est utilisé par Moscou pour faire pression sur Kiev comme en 2006 et en 2009 quand la Russie avait fermé ses « robinets ». En 2010, Viktor Ianoukovitch revient au pouvoir dans un pays affaibli par la crise financière, les lourdes factures gazières et la corruption. L'Ukraine en crise est néanmoins courtisé par ses voisins avec lesquels elle entretient de fortes relations commerciales. À l'ouest, l'Union européenne (voisine directe de l'Ukraine depuis les élargissements de 2004 et 2007) envisage d’intégrer l’Ukraine dans son partenariat oriental : un projet qui cible plusieurs anciennes républiques soviétiques avec un double accord d'association et de libre-échange à la clef. À l'est, Vladimir Poutine s'emploie à reconstruire l'ère de domination russe et fait de l'Ukraine une pièce maîtresse de son union douanière. C’est la préfiguration d'une union eurasienne qui réunirait de nouveau plusieurs républiques de l'ex-urss. Tandis que Ianoukovitch joue entre les 2 propositions, Moscou s'emploie à faire pencher la balance de son côté. La stratégie est double : proposer une aide financière et une baisse du prix du gaz tout en bloquant aux frontières certaines exportations ukrainiennes. Mais à la fin 2013, Ianoukovitch annonce brusquement l'arrêt des négociations avec Bruxelles et choisit de se rapprocher de la Russie. La volte-face du régime provoque la colère d'une partie des ukrainiens qui y voient une trahison et occupent la place de l'indépendance de Kiev. Face à la violente répression policière, le mouvement se radicalise et la contestation s'étend dans d'autres régions, particulièrement à l'ouest. En février 2014, un énième blocage politique provoque un regain de tension. Les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants font plus de 80 morts et des centaines de blessés. Après la fuite de Viktor Ianoukovitch et sa destitution le 22 février, une partie des ukrainiens de l'est refuse de reconnaître les autorités de transition. Le spectre d'une partition de l'Ukraine inquiète, éviter la sécession sera le principal défi du nouveau pouvoir.



Sources :

Futura-science:https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/epoque-contemporaine-sont-causes-guerre-crimee-5492/

Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Crim%C3%A9e

Open Edition : https://journals.openedition.org/echogeo/13917

Radio Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1014582/6-points-pour-comprendre-guerre-ukraine-russie-crimee

La revue géopolitique : https://www.diploweb.com/La-crise-en-Ukraine.html

Agora vox : https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/bien-comprendre-les-crises-russo-188593