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Fiers d’être Français : la bataille de Verdun (1916)

Ossuaire de Douaumont

LA MÈRE DES BATAILLES

Aucune bataille française n’a, dans l’imaginaire collectif, autant symbolisé l’esprit de défense nationale, d’abnégation et de sacrifice du peuple français. Neuf mois de combats acharnés y ont opposé l’Armée républicaine française à l’Armée impériale allemande pour un véritable bain de sang : 700 000 victimes dans les deux camps dont presque 400 000 Français (163 000 morts). Cette bataille, qui devait « saigner à blanc » l’Armée française selon les dires du commandant en chef allemand Falkenhayn, fut le plus brillant exemple de la férocité guerrière des Français lorsqu’il faut défendre leur pays.

UN AFFRONTEMENT TYPIQUE DE LA GRANDE GUERRE

Depuis la fin de l’année 1914, les armées françaises et allemandes sont engagées dans une guerre de positions où chaque camp défend le terrain conquis, retranché et barbelé. Confrontées à la puissance de feu industrielle, les puissances occidentales européennes sont incapables de briser le front. On assiste alors à de violents et incessants échanges d’artilleries tandis que l’infanterie, harcelée et démunie, ne peut qu’encaisser. Les doctrines offensives mises au point depuis 1871 au sein de l’Armée française pour venger la défaite contre la Prusse n’ont pour l’instant fait qu’augmenter la liste des victimes. Les charges d’infanterie, baïonnettes au canon, se soldent toutes par des massacres à la mitrailleuse lourde. Même si les Français affichent des taux de réussite bien supérieurs à leurs alliés anglais (en témoigne la bataille de la Somme, concomitante à celle de Verdun), il n’en reste pas moins des pertes gigantesques : d’aucun dirait « industrielles ».

Car c’est toute la spécificité de cette Grande Guerre : une guerre nouvelle, ancrée dans la Révolution industrielle où tout est à échelle massive. Les pertes, les hommes mobilisés, les productions ; tout est rationalisé et industrialisé en masse.

UNE OFFENSIVE ALLEMANDE POUR DÉTRUIRE LA FRANCE

Depuis deux ans donc, France et Allemagne se toisent, face à face, tentant ci et là de percer le front de l’autre. Les Allemands, engagé dans une guerre sur deux fronts, l’un contre l’alliance franco-britannique et l’autre contre l’Empire russe, doivent mettre un terme rapide à la guerre en réduisant leurs efforts sur un seul front. Il convient donc d’anéantir ou l’Orient ou l’Occident. Dans cette guerre qui implique toute l’Europe, les immensités russes sont bien plus intimidantes que le nord-est de la France. De plus, l’Armée française est en pleine restructuration, effectuant une montée en puissance progressive qui a commencé par le remplacement des uniformes par exemple et l’introduction du casque Adrian modèle 1915 en remplacement des képis bleus et rouges sans doute trop voyants.

Le 21 février 1916, l’Allemagne aligne 1 250 000 hommes et 1 257 pièces d’artillerie contre les 1 400 000 hommes et 281 pièces d’artillerie français. La France n’est pas prête et ne s’attend absolument à une offensive massive dans le secteur de Verdun. Au contraire, elle prépare avec son allié anglais une offensive destinée à percer le front dans le secteur de la Somme. Les Allemands veulent annihiler la France en lui infligeant des pertes pharamineuses tant et si bien que Paris sera obligé de signer un armistice, laissant le Royaume-Uni seul avec la Russie en Europe. Les Germaniques ne s’attendent cependant pas à ce que les Français soient vaincus facilement ; ils connaissent leur fierté et savent qu’ils n’abandonneront pas le terrain national sans combattre. Qu’à cela ne tienne ! Les Français s’épuiseront à défendre une ville symbolique (Verdun) qui apparaît difficile à tenir.

Ce lundi 21 février donc, très tôt le matin, les Allemands commencent un intense bombardement d’artillerie dont on dira qu’il était entendu jusque dans les Vosges voisins de 150 km ! Deux millions d’obus tombent sur les tranchées françaises en deux jours. Pour autant, la stupéfaction est grande chez les Allemands qui se voient opposer une résistance française miraculeuse. Malgré une pluie d’acier, les Poilus sortent des tranchées en ruines et mitraillent les attaquants allemands. Cette résistance héroïque n’empêchera cependant pas la prise, le 25 février, par les Allemands du fort de Douaumont. Cette victoire sera l’objet d’une intense propagande. Les Germains ne sont plus qu’à 5 km de la ville de Verdun. Pour autant, leur progression est ralentie : les Allemands sont victimes de leur propre offensive.

En effet, les deux millions d’obus ont rendu le terrain lunaire, boueux et chaotique. Difficile d’y avancer rapidement et cela laisse le temps aux Français de réorganiser leurs défenses. Ces défenses sont incroyables : sans officiers, démunis, des poches de résistances tricolores harcèlent les colonnes allemandes. Une mitrailleuse lourde suffit pour arrêter une colonne entière. Le généralissime Joffre dépêche le général de Castelnau pour éviter la débandade. Et ce sera une réussite : alors que Douaumont tombe, les Français viennent de stopper l’offensive allemande. Pendant neuf mois, ce nouveau front sera témoin d’offensives et de contre-offensives violentes et sanguinaires.

L’HEROÏQUE DÉFENSE DES POILUS

La bataille de Verdun fut la bataille des Français. Cette affirmation est d’autant plus vraie que 90% des effectifs de l’Armée française connut au moins une fois le champ de bataille de Verdun. Cette rotation, inspirée du monde industriel, doit permettre d’économiser les hommes et de tenir dans la durée. L’homme à l’origine de cette stratégie ? Le général Philippe Pétain, celui qui deviendra « le lion de Verdun ». Homme sensible à l’état de ses troupes, issu de la petite bourgeoisie républicaine, il mettra tout en œuvre pour adoucir la vie de ses soldats : amélioration de l’équipement, de l’approvisionnement et permissions régulières dégagées par le système de rotation.

Le gouvernement français fait de Verdun le symbole de la résistance contre l’envahisseur allemand. Tout est fait pour exalter la fibre patriotique d’un arrière de plus en plus désabusé et inquiet. La « Voie Sacrée » vers Verdun est un véritable miracle de logistique : chaque jour, il y circule 3 000 camions (un toutes les quinze minutes). 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions y sont transportés par semaine. Pavée à la hâte, cette route est consolidée par le passage des camions qui nivellent le terrain. Tout véhicule en panne est jeté dans le fossé pour ne pas gêner le passage.

Mais le plus impressionnant est sans doute la résilience du soldat français, héritier des Gaulois de Brennus et Vercingétorix, des Francs de Clovis, des sujets de Hugues Capet à Louis XVI en passant par Philippe-Auguste et Louis XIV, ainsi que des fameux Grognards de Napoléon. Pendant neuf mois, vivant au milieu des cadavres de compatriotes en décomposition, des rats, de la boue et des maladies, le Poilu sera toujours prompt à attraper son Lebel modèle 1886-93 et défendre la Mère-Patrie de « l’envahisseur teuton ».

En juillet 1916, la bataille prend un nouveau tournant. Dans la Somme, les Français et leurs alliés Britanniques lancent un assaut conjoint contre le front allemand. La pression diminue sur Verdun du fait du dégarnissement allemand. Une offensive de la dernière chance est lancée à la mi-juillet mais se heurte au mur français. La contre-offensive tricolore commence en septembre et Douaumont est repris le 23 octobre 1916. Au 21 décembre, date retenue pour la fin de la bataille, le front de février est rétabli par une série de contre-attaques françaises.

UN SYMBOLE CRUCIAL ET POURTANT GALVAUDE

Verdun est entré dans la mémoire collective française comme la bataille de la défense nationale. Le sacrifice des Poilus et le fait que tous les combattants y font fait leurs armes transforment Verdun en un symbole d’unité nationale. Site commémoratif après 1919, Verdun est progressivement transformé en lieu de recueillement puis de paix après la Seconde Guerre mondiale. Galvaudée par le socialiste François Mitterrand qui en fera un symbole anachronique et contradictoire de « réconciliation franco-allemande », la bataille de Verdun est l’objet de tous les fantasmes tandis que le progressisme du XXIème siècle la transforme en cirque, voyant de jeunes Français courir et danser sur les tombes de leurs illustres aînés, au mépris de tout respect, tandis que leurs politiciens affirment haut et fort qu’ils sont morts pour la paix, la coopération européenne et la société progressiste dans laquelle nous vivons aujourd’hui…

Hypocrite et irrespectueuse récupération pour une bataille qui peut pourtant nous rendre fiers d’être Français. Car au-delà de l’horreur de Verdun, on y retrouve la fougue, la hargne, l’abnégation et le courage caractéristiques du peuple de France. Les Poilus deviennent alors d’illustres modèles qu’il faut transformer en héros et en modèles pour tous les Français d’aujourd’hui.

Pour en savoir plus :

Reconstitution de la bataille : https://www.youtube.com/watch?v=TOvmRyhWtDY

Infographie pédagogique : https://www.youtube.com/watch?v=iqYmkrnQYBA

Au Cœur de l’Histoire par Franck Ferrand : https://www.youtube.com/watch?v=d3xc0WICQrU

Profanation cérémonielle de la mémoire de Verdun par le progressisme : https://www.youtube.com/watch?v=RU7pVnaxCM8&t=108s