Fiers d’être français : La Marne (1914)
LE SUBLIME RÉVEIL TRICOLORE
Depuis 1870 et la défaite de Napoléon III face à l’Allemagne, la France vit une véritable crise existentielle. Amputée de l’Alsace-Moselle, provinces françaises depuis plus de 200 ans, la nation française a vécu dans l’ombre de son voisin germanique devenu un Empire unifié et conquérant. Préparant une revanche à demi-mot, la France de cette fin de XIXème siècle hésita longtemps entre renonciation (colonisation de l’Afrique pour faire oublier la perte de l’Alsace-Moselle) et vengeance (boulangisme, affaire Dreyfus…). Si le début du XXème siècle est marqué par la constitution d’alliances européennes préparant la Grande Guerre à venir, la France s’engagera définitivement sur la voie du réarmement à partir du début des années 1910 par une série de mesures préventives : allongement de la durée du service militaire à 3 ans, réorganisation des régiments (notamment de cavalerie), introduction de l’aéroplane, plans annuels de mobilisation générale, alliance avec la Russie et le Royaume-Uni, etc.). Ces mesures font suite à l’hostilité allemande, héritée de Bismarck, notamment quant au Maroc français.
Finalement, la guerre débute à l’été 1914 par un concours d’alliances. L’Allemagne, attaquée par la Russie, déclare la guerre à la France qui se lance alors dans une guerre offensive pour reconquérir les provinces perdues du nord-est. La doctrine offensive héritée de 40 ans de réflexion sur la défaite de 1870 se révèle être un échec. Les Français, mal commandés et mal préparés malgré toutes les mesures prises en amont, sont mis en échec lors de ce que la postérité appellera « la bataille des frontières ». Les troupes allemandes percent le front et s’approchent dangereusement de Paris, ravivant les douloureux souvenirs de 1870. Alors que Paris se prépare à un nouveau siège et que les armées franco-britanniques fuient la Belgique pour éviter un écrasement, le généralissime Joffre entame une série de réorganisations et de purges, limogeant ses officiers les plus « timides » et promouvant des adeptes de l’offensive à outrance, convaincu qu’une contre-offensive décisive pourrait renverser la situation.
Coup de théâtre le 3 septembre 1914 : des aviateurs français affectés aux missions de reconnaissance affirment que les armées allemandes ont infléchis leur marche et ne se dirigent plus sur Paris comme c’était le cas précédemment. Ils rendent compte à un officier de leur découverte, Alfred Dreyfus, le fameux, qui les introduit à la hiérarchie militaire suprême. Lorsque le lendemain, l’information est confirmée, Joffre tente sa chance. Le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, ordonne à ses troupes de prendre l’ennemi de flanc. Le 6 septembre, Joffre lance toutes les forces françaises et alliées, réserves comprises, dans la bataille décisive. De l’Ourcq à Revigny, sur un front de 200 km de long, 64 divisions françaises appuyées par 6 divisions britanniques (soit plus d’un million d’hommes) vont se livrer à une lutte sans merci contre les 51 divisions qui composent l’armée allemande d’Helmuth von Moltke.
Une semaine après ces combats d’une intensité rare, la France et ses alliés emportent la victoire qui permet de sauver Paris. Et pour cela, 227 000 Français et 37 000 Britanniques auront été perdus dont 112 000 morts et disparus. Côté allemand, ce sont 256 000 pertes qui sont à déplorer dont 83 000 morts et disparus.
LE JOUR OÙ L’ALLEMAGNE PERDIT LA GUERRE
La bataille de la Marne ne fut pas qu’une simple contre-offensive. Elle fut l’offensive qui écarta le risque de défaite française et défît le plan d’invasion allemand appelé « Schlieffen ». Lourde et coûteuse en pertes humaines pour la nation française, elle ne se révéla pas décisive au point de vaincre l’Allemagne en 1914 mais initia une série de manœuvres qui aboutiront à la victoire finale en 1918. Privée d’une défaite rapide de la France (comme en 1870), l’Allemagne sera écartelée sur deux fronts jusqu’en 1917 et l’armistice avec la Russie. Véritable traumatisme pour une génération entière d’Allemands, militaires comme enrôlés, la bataille de la Marne fut une des motivations d’Adolf Hitler et de la Wehrmacht en 1940 pour écraser rapidement la France et tenter de remporter la Seconde Guerre mondiale.
En France, cette bataille est célèbre pour l’utilisation des « taxis », des automobiles utilisées pour transporter les troupes vers le front avec rapidité. Si ce fait d’armes signe l’avènement de la guerre motorisée puis mécanique, il reste à nuancer tant ce fut le chemin de fer et l’excellent réseau ferré français qui permirent la victoire logistique en 1914.
Symbole, comme Verdun, de la détermination et de l’abnégation du citoyen français à combattre pour son pays et sa terre natale, la Marne sera l’objet de toutes les idéalisations après-guerre. Oubliée par l’historiographie anglo-saxonne qui suivra la Seconde Guerre mondiale, la bataille de la Marne est sans doute l’une des victoires françaises les plus méconnues et pourtant, les plus décisives sans quoi un nouveau 1870 aurait eu lieu… Là, les Français démontrèrent, comme ils le feront ensuite à Verdun, dans la Somme ou encore au Chemin des Dames, toute la puissance et la robustesse patriotique de ce peuple millénaire.
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_la_Marne_(1914)
https://www.histoire-image.org/fr/etudes/bataille-marne-infanterie-combat