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Histoire militaire de la France (1/3)

Mérovée en vainqueur du champs de bataille

La France est le pays le plus belliqueux et victorieux de l’histoire humaine. Au terme d’innombrables guerres et batailles, la renommée de ses armées s’est faite mondiale. Mais au-delà de tels exploits, on oublie souvent que c’est la guerre qui a forgé notre pays ; la guerre contre l’Europe, contre l’islam, contre la décentralisation du pouvoir. Considérer la France en tant que nation militaire, c’est embrasser pleinement une histoire aujourd’hui trop peu mise en avant – à dessein.

Les Champs catalauniques : naissance de la « terre des Francs »

Un peu d’étymologie. « France » est la contraction de « Francie » : « la terre des Francs ». Avant la prise de pouvoir des guerriers germaniques, le territoire de l’actuelle nation française était appelé « Gaules » par les Romains et les habitants eux-mêmes. Au cours du IIIème siècle chrétien, différents peuples en provenance de Germanie infiltrèrent les corps constitués de l’Empire – à commencer par la Légion. Le désintérêt des citoyens romains pour le service militaire conduisit l’armée impériale à recourir au mercenariat, notamment chez les populations païennes et limitrophes comme les Francs. Progressivement, ces guerriers d’élite profitèrent des troubles étatiques et du relâchement de l’autorité centrale pour s’imposer comme de véritables seigneurs provinciaux. Cependant, à l’instar des Gaulois, les Francs ne constituent pas un peuple uni et homogène. On distingue ainsi deux groupes remarquables : les Saliens et les Rhénans, tous deux localisés à proximité du Rhin – de Mayence à Rotterdam. Sur le modèle de leurs voisins gaulois, les Francs comme d’autres tribus et peuples germaniques, vont entretenir des relations diplomatiques denses avec leurs frontaliers romains jusqu’à devenir « fédérés ». Au service de l’Empereur, les Francs s’illustrent à l’image de Richomer, chef des Francs saliens devenu général et consul de Rome à la fin du IVème siècle.

C’est donc dans la guerre que les Francs vont s’illustrer au sein des armées impériales romaines. Et c’est grâce à elle qu’ils imposent leur autorité sur leurs terres et peuples respectifs. Le premier roi des Francs consigné par l’Histoire serait ainsi Gennobaud dès les années 280 ! Par le caractère clientéliste de la société romaine, l’Empire instaure progressivement un système pseudo-féodal dans lequel les rois fédérés le serviraient. Conséquence de cette décentralisation (comme à chaque fois dans l’histoire humaine étatique) : les provinces ainsi autonomisées s’émancipent. Les rois francs se succèdent et affermissent leur puissance jusqu’à Clodion qui, à la tête d’une armée franque, pénètre en Gaule belgique. Défait, il se voit toutefois octroyé des terres au nord-est de la France actuelle.

Son fils, Mérovée, va jouer un rôle capital dans l’émergence de la France comme territoire indépendant. Au milieu du Vème siècle chrétien, l’Empire d’Occident est victime des invasions hunniques. Attila et ses hordes menacent désormais la Gaule romaine et franque. Face à la menace, le roi païen n’a d’autre choix que de s’allier aux autres Germains ainsi qu’aux Gallo-Romains commandés par le général Aetius – vainqueur de son père Clodion. La bataille de Châlons-en-Champagne, plus connue sous le nom de « bataille des Champs catalauniques » va mettre un coup d’arrêt décisif aux ambitions hunniques. Attila, qui meurt deux ans plus tard (453 EC), est forcé de replier ses forces derrière le Rhin. Les Francs saliens ont démontré leur puissance aux côtés des Wisigoths, Saxons, Bretons et Burgondes. L’Empire, quant à lui, signe son dernier coup d’éclat avant de se dissoudre en une multitude de royaumes germaniques. Les vainqueurs s’installent à Tournai où ils s’affairent à renforcer leur autorité sur la population gallo-romaine pour qui ils constituent une meilleure protection que Rome. Cette bataille restée célèbre marque l’ascension, disons même l’émancipation, des Francs face aux Romains.

Tolbiac ou la France « fille aînée de l’Église »

Les royaumes francs existent désormais comme entités politiques autonomes. Ils possèdent des armées, des élites romanisées et des territoires fertiles. Cependant, ils ne constituent toujours pas un ensemble uni et centralisé. Tout va changer sous Clovis, petit-fils de Mérovée. Roi des Francs, il fait taire les autres membres de sa famille ainsi que les chefs rivaux. Ceux qui ne se soumettent pas sont emportés par les armes. La guerre unifie tous les royaumes francs. Puis, le jeune souverain tourne son regard vers le sud-ouest où règnent Burgondes et autres Wisigoths. Malgré le manque d’informations écrites concernant cette période, il est plus que probable que Clovis ait été appelé à l’aide par les populations gallo-romaines catholiques pour se débarrasser de ces concurrents ariens. En quelques années, tout le nord de l’ancienne province romaine est sous domination franque. Bientôt, grâce à un subtile jeu d’alliances avec les royaumes méridionaux, Clovis règne sur la Gaule. Déjà fortement romanisé, lui et sa cour remplacent aisément une élite latine démissionnaire.

Mais une nouvelle bataille va constituer un pilier majeur de la construction française par les armes : Tolbiac. En 496, le roi des Francs affronte une coalition germanique constituée d’Alamans près de la ville de Cologne. Alors que l’issue de la bataille semble scellée, Clovis l’emporte et aurait juré prêter serment au Dieu chrétien. Si on peut douter de cette image d’Épinal, Tolbiac marque un tournant majeur dans l’histoire militaire du pays : le christianisme catholique s’associe à l’aristocratie guerrière franque. Quelques temps plus tard, voilà Clovis Ier baptisé à Reims. Cet événement, passé quasi-inaperçu à l’époque, marque une étape décisive dans la construction de ce qui sera bientôt la « nation française » : alliance de l’épée franque et de la foi catholique.

Fort de cette nouvelle légitimité, le roi des Francs gagne l’adhésion d’une population gallo-romaine chrétienne. Par là-même, en tant que premier monarque barbare converti d’Europe occidentale, le premier des Mérovingiens devient dès lors « fils aîné de l’Église ». Un honneur que les Francs ne manqueront pas de faire respecter quelques siècles plus tard…

La bataille de Poitiers : quand la France devient championne de la chrétienté

Les descendants de Clovis vont régner pendant moins de trois siècles sur ce qui est désormais la « Francie », la terre des Francs. C’est un véritable empire qui s’étend sur l’Europe occidentale. Mais dès la mort du souverain, la loi salique de partage égal des terres entre les descendants mâles va constituer un terrible coup dur porté à la monarchie mérovingienne. Les guerres fratricides s’enchaînent, divisant puis réunifiant le royaume à répétition. Le refroidissement du climat et les dissensions au sein de la chrétienté européenne vont profiter à un nouveau peuple conquérant ; les Arabes. Menés par Mahomet, fondateur de l’islam, ceux-ci vont rapidement conquérir une grande partie du bassin méditerranéen avant de fondre sur la péninsule ibérique. Face à l’avancée rapide des troupes musulmanes en terre chrétienne, les Francs s’allient à nouveau et tentent de nombreuses contre-offensives. Un premier coup d’arrêt est porté à Toulouse par le duc Eudes d’Aquitaine et de Gascogne ; ce n’est qu’un contre-temps. Rapidement, les Arabes relancent leurs assauts avec succès. En fuite, Eudes trouve un allié en Charles Martel, maire du palais sous Chilpéric II et Thierry IV. C’est lui le véritable maître du Royaume des Francs. Grand chef militaire, il mène une armée en Aquitaine pour bouter les Maures de Gaules.

Charles Martel rencontre les armées musulmanes entre Poitiers et Tours. Au terme d’escarmouches répétées, les troupes s’affrontent enfin. La victoire franque est totale et marque la fin de l’expansion arabe en Europe occidentale. Le maire du palais assoit une légitimité qui profitera à son descendant Pépin le Bref, l’Aquitaine sauvée entre dans la sphère d’influence française tandis qu’aux yeux du monde chrétien, la Francie devient le champion du Christ sur Terre. Poitiers consacre la France comme défenseur de la Foi catholique. Bientôt, une nouvelle dynastie va régner sur le pays : les Carolingiens.

Conclusion

L’ère mérovingienne est fondamentale dans la compréhension de la construction française. Germains romanisés, les Francs passent du statut d’auxiliaires militaires à officiers romains puis rois. Trois batailles jalonnent l’émancipation et l’affirmation du pays franc : les Champs catalauniques, Tolbiac et Poitiers. Indépendante, catholique et défenseur de la Foi, la France devient une puissance incontournable d’Europe. Seule capable de s’opposer aux Huns, Germains et Musulmans, elle gagne déjà un prestige militaire, politique et religieux incomparable que les siècles à venir ne feront que renforcer…