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L'Iran : une superpuissance régionale au cœur des conflits mondiaux (4/4)

Le Président Emmanuel Macron accueille le Premier Ministre Benjamin Netanyahou à l’Elysée pour parler de l’Iran, le 16 Juillet 2017 - Haim Zach / GPO

Article écrit par Henri et Clément.

UN RÉGIME AUTORITAIRE FACE AU XXI SIÈCLE 

Comme nous l’avons vu, l’Iran est au cœur d’une région du monde elle-même au centre de nombreuses attentions. Comme toute nation, le pays compte des alliés et des ennemis ayant chacun un intérêt derrière leurs agissements. Dans le cadre des relations internationales, l’Histoire a démontré que les intérêts priment sur la fraternité ; un adage valable pour chaque État souverain dans le monde, et la France n’y fait pas exception.  

Les relations entre l’Iran et la France sont complexes. Une volonté de rapprochement de la part des deux pays se fait sentir, et ce, pour une raison principale : se libérer du diktat américain (qui, rappelons-le, est sorti unilatéralement du traité de Vienne et a ainsi condamné toute relation économique entre l’Iran et l’Europe, et par extension la France). La France peut-elle pousser l’Europe à passer outre la permission américaine afin d’aider l’Iran à sortir de son marasme économique ?  

Afin d’apporter une réponse complète à cette question, il est nécessaire d’étudier deux facteurs contemporains affectant la République islamique. L’Iran est loin de l’image que certains médias dressent : le pays bouge, et vite. Sa population est l’une des plus jeunes de la planète : en 2016, 39 % des iraniens avaient moins de 25 ans. Cette génération est née après 1979, la fondation de la République, et la guerre contre l’Irak. Ce facteur n’est pas le seul à changer les choses. Depuis l’avènement d’Internet un nouveau champ de bataille s’est ouvert : le cyberespace. La Russie et son vivier de hackers sont de notoriété publique, mais la plus grande attaque commise contre un État via le cyberespace n’est pas à attribuée à Vladimir Poutine. Dans cet article venant clore cette série sur l’Iran, nous reviendrons successivement sur le cyberespace, la jeunesse de la population iranienne, et le rôle la France.  

LE CYBERESPACE : UN NOUVEAU CHAMP DE BATAILLE  

L’accord de Vienne avait un objectif : stopper la production nucléaire militaire de l’Iran. Alors que le pays a depuis l’époque du Shah développé le nucléaire civil, avec l’aide notamment de la France, le nucléaire militaire a quant à lui toujours était interdit. Cette prohibition démontre une logique perverse venant des pays possesseurs de bombes. En effet, tour à tour, chacun des pays en mesure de proférer la menace nucléaire a toujours été clair : « moi oui mais pas les autres ». Américains, Anglais, Français, ou Chinois, chacun défend son « droit » à la dissuasion nucléaire en reniant celui des autres. Bien évidemment, l’Iran n’échappe pas à cette logique.  

C’est avec cette volonté de saboter le programme nucléaire iranien qu’un virus nommé Stuxnet fut lancé. Cette attaque fut conduite contre la centrifugeuse nucléaire de Natanz et la centrale de Bushehr. Elle fut d’une efficacité redoutable. En visant le système interne de contrôle des ordinateurs Siemens qui gèrent le programme iranien, le virus a pu rester caché. Et c’est là que se trouve sa subtilité : pendant des mois et des mois le virus ne modifiant que très légèrement la collecte d’uranium. Ce changement, trop léger pour être repéré par le système de sécurité, a ainsi pu déstabiliser la production iranienne sans provoquer aucun accident, ni incendie. Même les gardiens de la révolution, corps d’élite du pays, n’ont rien vu pendant des mois. Ce virus a permis un retard significatif dans le plan de production de l’Iran, et lui a ainsi fait perdre un précieux temps avant d’atteindre, un jour peut-être, la dissuasion nucléaire.  

Sans surprise, aucun pays n’a revendiqué l’attaque. Mais compte tenu de la complexité, de la longueur et de l’exécution de l’opération, aucun doute n’est permis quant à la qualité de l’agresseur : ce type d’attaque provient d’un État. Même s’il faut se méfier des conclusions hâtives, les premiers doigts ont désigné les États-Unis. Le pays s’est toujours attaqué au nucléaire iranien, et fait partie de « l’Axe du mal » depuis l’allocution de George W. Bush à l’ONU. Un autre ennemi de l’Iran a vite été désigné : Israël. L’existence de l’unité 8200 de l’armée de Tsahal fut évoquée, et une collaboration avec les États-Unis serait loin d’être surprenante. Mais la plus grande menace pour le régime iranien ne vient peut-être pas de l’extérieur.      

UNE POPULATION POST RÉVOLUTION

Avant de parler de la jeunesse iranienne, il convient dans un premier temps de comprendre un changement dans cette société : l’effondrement du taux de fécondité. Autrefois un des plus forts au monde avec un pic de 7 enfants par femme, ce taux n’a cessé de baisser. En 2016, une femme iranienne avait en moyenne 1,66 enfant. Cette vertigineuse chute s’explique par un meilleur accès à la contraception et un meilleur niveau de vie, mais surtout par la fin de la guerre. Le conflit contre l’Irak a permis au pays de s’unifier face à un ennemi commun. En tant que nation le sacrifice de ses enfants par la voie du martyr était une fierté. Ce sont les moins de 25 ans d’aujourd’hui qui n’ont jamais connu cette génération, qui n’ont jamais connu leurs grands frères. Et c’est peut-être cette absence de repère et de modèle, qui pousse la jeunesse à s’interroger sur la légitimité du régime.  

Cette jeunesse, facteur de développement économique dans de nombreux pays, pourrait être un handicap pour le régime. En effet cette dernière n’a pas connu les évènements fondateurs de la République Islamique. Cette absence de vécu délégitime un régime liberticide, qui n’hésite pas à la critiquer, jamais assez respectueuse à son goût des traditions. Mais cette partie de la population se conjugue au pluriel : pris entre modernité et coutumes, les iraniens sont loin d’avoir un avis uniforme sur leur régime. Au-delà des différences, des points communs ressortent et parmi eux de nombreux démêlés avec les autorités, et l’espoir. L’élection d’Hassan Rohani en constitue un : en tant que modéré il incarne l’espérance d’ouverture dont la jeunesse a cruellement besoin et envie. Mais le président de l’Iran n’est pas arrivé à son poste par hasard, il est l’un des compagnons de première heure de l’ayatollah Khomenei, déjà à ses côtés lorsque celui-ci effectue son passage à Neauphle-le-Château. De toute évidence, l’ouverture demandé par la jeunesse iranienne ne sera pas le fait de Rohani, le régime ayant beaucoup trop à perdre à l’intérieur du pays pour s’ouvrir à l’extérieur du monde. Et c’est peut-être justement de l’extérieur que provient l’influence occidentale et libertaire dont se méfie tant les gardiens de la Révolution.  

Si l’Iran s’est refermé sur elle-même après une marche forcée vers la modernité, imposée par le Shah et l’Occident, ça n’est pas pour se laisser dévorer culturellement par la suite. L’identité iranienne est forte et à part sur l’échiquier mondial et au Moyen-Orient. Déjà à l’époque du Shah les mœurs et coutumes étaient différentes, la jupe trouvait tout autant sa place que le voile. Les mollahs ne souhaitent surtout pas voir le pays s’occidentaliser. Cette agression culturelle fut grandement dénoncée suite à la guerre contre l’Irak, et continue d’être surveillée. Chose intéressante et contradictoire avec cette politique, les films de propagandes des Gardiens de la Révolution reprennent traits pour traits les super productions occidentales. Le régime ne veut pas de ces codes mais les utilisent pour séduire sa jeunesse.  

Malgré ces efforts, ce sont les iraniens eux-mêmes qui vont vers l’autre, ou plutôt sa diaspora. Les quelques centaines de milliers d’iraniens installés en Europe ou en Amérique du Nord transmettent leur nouveau mode de vie et leurs influences à leurs proches restés au pays. Ces valeurs et cette culture sont un facteur d’ouverture, et peuvent difficilement être endigués par le régime. Par exemple, une des plus grosses communautés iraniennes se trouve à Los Angeles. Il n’y a nul besoin de prouver la force du soft power américain, et cette influence arrive obligatoirement jusqu’à Téhéran.  

Et c’est peut-être grâce à cette notion de soft power que la France a sa plus belle carte à jouer.  

QUEL RÔLE POUR LA FRANCE ?  

Les relations entre la France et l’Iran sont variables au fil des évènements. Dans un premier temps favorable au Shah, avec lequel un programme nucléaire fut développé, la France décide de soutenir l’ayatollah Khomeini en acceptant de l’accueillir à Neauphle-le-Château. Mais la Révolution islamique et son rejet total de l’Occident ont stoppé net toute relation entre les deux pays. Cette tension atteint des sommets lorsque François Mitterrand accepte la vente d’armes à l’Irak de Saddam Hussein, notamment d’avions qui bombarderont des installations pétrolières iraniennes.  

L’élection du président Mohammad Khatami en 1997 permis un début d’échange entre Paris et Téhéran. Sa visite officielle fut la première d’un président iranien sur le sol français. C’est ainsi que la France fut en première ligne lors de la crise du nucléaire iranien en 2003. L’élection de Mahmoud Ahmadinejad en 2005, puis celle de Nicolas Sarkozy en 2007 et sa volonté de rapprochement avec les Etats-Unis viendront sceller les échanges jusqu’à la dernière élection en date en Iran : celle d’Hassan Rohani en 2013. L’accord de Vienne fut un remarquable pas en avant afin de solidifier l’entente entre Paris et Téhéran, mais le retrait américain entraîna la destruction de tous ces efforts.    

Dans la région Moyen Orient l’Iran est le 9ème client de la France. Les sanctions de 2004 avaient déjà porté un coup significatif, en divisant par 5 les exportations de la France vers l’Iran. En 2017 la France devient le 3ème fournisseur de l’Iran au sein de l’Europe, et le 9ème dans le monde. Le rétablissement des sanctions en 2018 a fatalement pesé sur les échanges commerciaux entre les deux pays. Face à ce dilemme, Emmanuel Macron choisi d’adopter une position gaulliste, en privilégiant une troisième voie. La France est alliée aux Etats-Unis, mais pas pour autant alignée. La venue surprise du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, lors du G7 à Biarritz en est le meilleur exemple.  

La France rentre dans le « ni Est, ni Ouest » mis en avant par Khomeini. Nous avons la chance de disposer d’une image particulière pour la République Islamique. Contrairement à la Russie ou au Royaume-Uni, la France n’a jamais eu de volonté coloniale ou impériale envers l’Iran. La culture est un domaine que nous devons développer avec l’Iran. La langue française était une langue de la cour impériale, de nombreux étudiants iraniens sont venus étudier à Paris. C’est grâce à ce type de relation que le soft power français pourra dépasser les finances américaines. C’est en tant qu’alternative et voie à part entière que la France doit apparaître aux yeux de Téhéran.  

L’histoire récente avec notamment la Corée du Nord, nous a prouvé que les sanctions n’étaient pas la solution pour combattre un régime autoritaire. Les Etats-Unis et l’Iran possèdent néanmoins un point commun : des élections présidentielles en 2020. L’Histoire nous dira qui du régime iranien, ou de Donald Trump, aura cédé le premier.  

  

  

  

Sources :  

https://www.generation-nt.com/microsoft-cyberattaque-iran-phosphorus-actualite-1969226.html http://www.slate.fr/story/30471/stuxnet-virus-programme-nucleaire-iranien https://www.populationdata.net/pays/iran/  

https://www.scienceshumaines.com/comment-peut-on-etre-jeune-en-iran_fr_2158.html https://journals.openedition.org/eps/5170  

https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/iran/relations-bilaterales/  

https://www.middleeasteye.net/fr/decryptages/les-relations-france-iran-entre-ouvertures-ettensions