La France est un pays d’Europe occidentale de tradition chrétienne, de droit civil et de culture latine. Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le pays connaît une immigration massive en provenance d’Europe (Espagne, Portugal) mais aussi de ses anciennes colonies principalement africaines (Maghreb et Afrique noire). En moins d’un siècle, la population immigrée de France a triplé, entraînant d’inévitables tensions culturelles.

En 1945, la population immigrée de France représentait 4% de la population française (2 millions de personnes). En 2020, cette proportion est montée à 10% de la population totale (7 millions). Dans le même temps, de nombreuses tensions culturelles ont émaillé l’histoire contemporaine du pays ; en témoignent l’abandon du modèle assimilationniste traditionnel (années 1970-1980) sous l’impulsion du modèle multiculturel américain ainsi que les insurrections populaires de 2005 et les attentats islamiques des années 2010-2020. Comment qualifier ce phénomène ?

En 1996, le scientifique américain Samuel Huntington théorise le concept de choc de civilisations. Cette œuvre vise à établir un nouveau modèle géopolitique après celui du monde bipolaire imposé par la Guerre Froide. Dans son analyse, Huntington décrit un inévitable affrontement des blocs civilisationnels qui composent le monde. Les clivages idéologiques ne seraient plus politiques – comme ce fut le cas au siècle précédent – mais culturels et historiques. Il part d’un postulat simple : après la chute du mur de Berlin, le sentiment national s’est dilué dans un sentiment d’appartenance à un ensemble culturel, historique et civilisationnel comme c’est le cas en Europe avec la construction politique du continent par exemple. Les frontières sont de plus en plus floues et de plus grands ensembles semblent se dessiner.

Huntington définit neuf civilisations au total : occidentale, bouddhiste, latino-américaine, africaine, islamique, chinoise, hindoue, orthodoxe et japonaise. Quasiment toutes sont définies par un héritage culturel commun incarné par la religion – sorte de ciment idéologique fondamental – et l’héritage historique. Ainsi, la civilisation occidentale se définit comme chrétienne (catholicisme et protestantisme) et héritière de l’Empire romain d’Occident. La civilisation islamique, quant à elle, se définit comme musulmane et héritière des empires arabe, ottoman ou perse.

Considérant la France comme appartenant à la culture occidentale car pays de tradition chrétienne (catholicisme romain), de droit civil (code civil napoléonien) et de culture latine (héritage culturel de Rome), les autres cultures et civilisations existant sur son sol seraient de facto incompatibles. Les tensions ethniques, culturelles et religieuses que connaît la France depuis les années 1980, renforcées voire exacerbées au troisième millénaire, sont dès lors la conséquence d’un impossible métissage – une faillite du multiculturalisme.

Sources :

The Clash of Civlizations and the Remaking of World Order, Samuel Huntington (1996)

https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212#graphique-flux_radio1