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La France en grève ou la crise des décisions en démocratie

Macron, lors de son discours des voeux pour la nouvelle année, a insisté sur la nécessaire réforme des retraites, objet des grèves.

La démocratie peut se résumer très simplement en quatre temps : le temps des élections, le temps des délibérations, le temps des décisions et enfin le temps des redditions de comptes. En France, on adore les élections, allant même jusqu’à organiser des primaires. On apprécie également les délibérations tout comme les redditions de comptes, bien que l’on fasse ces dernières le plus souvent au moment même des faits et non a posteriori. Le véritable problème se trouve alors dans les décisions. Et pourtant, toute la démocratie tourne autour d’elles : les décisions sont par essence l’action en politique. Sans décision, la politique stagne, et les conflits s’accroissent. La décision semblerait alors condition sine qua non à toute politique. Pourquoi alors les décisions politiques provoquent-elles le plus souvent le chaos que la résolution ?

Rien n’ existe avant la décision. Elle est en elle-même le commencement, c’est-à-dire qu’elle existe par elle-même et qu’elle va en direction de quelque chose : la résolution des conflits. Elle est une sorte de cause première. Cependant, la décision traîne avec elle tous les préjugés politiques, maintes fois confirmés : elle serait corrompue, opportuniste, égoïste, et bien d’autres adjectifs souvent alloués à nos hommes politiques. Mais alors, comment lui faire confiance ? La réponse est simple : on ne le fait pas. L’exemple parfait est absolument contemporain : la réforme des retraites n’a jamais pu, jusqu’ici, aller jusqu’à son terme. Cette décision est extrêmement lourde de conséquences : il faut une confiance totale en son Président pour pouvoir accepter ses principes et certains sacrifices qu’elle impose. Mais cette confiance s'avère impossible, et c’est tout le paradoxe de la démocratie. Cette dernière s’écrit comme le gouvernement du peuple par le peuple. Le peuple, par définition, n’ est pas un, il est multiple, divers. Le peuple pense différemment, possède des convictions opposées. Le peuple est finalement un amas d’individus dissemblables. Comment gouverner alors cette entité si chaotique ?


Une fois encore, la réponse peut décevoir. Pour gouverner l’ingouvernable, il ne faut pas prendre de décisions, ou alors réformer de manière minime, subtile, sans apporter de grands changements. Il est impossible de mettre d’accord la France, tout comme la plupart des démocraties. En outre, si la confiance faite à son Président n’est pas à son paroxysme, l’affaire devient ingérable et le pays stagne encore plus. Car à travers toutes ces grèves, qu’en ressort-il ? De l’indécision, et celle-ci est bien pire que la décision en elle-même. L’indécision expose toute la fragilité d’un gouvernement, ce qui est le plus grand danger pour la démocratie : le peuple est trop instable qu’il ne peut être géré que par une construction solide, à l’allure indestructible. Un seul signe d’affaiblissement et les conséquences peuvent être graves. Nous en faisons les frais aujourd’hui. Mais alors, quel équilibre entre décision et indécision ?

L’équilibre est précaire. Il suppose à la fois une confiance en son gouvernement, un respect vis-à-vis de celui-ci et un sentiment de force et de robustesse de l’Etat. S’en suit une exécution rigoureuse, bien expliquée, précise, rapide et enfin un commandement subtil du Président sur ses citoyens pour permettre justement la pleine application de la-dite décision. Mais cette application réside surtout dans la lucidité du peuple face au caractère toujours tragique de la politique et par conséquent de la décision.

Si l’homme doit prendre une décision, c’est qu’à l’origine de cette action se pose un problème, une instabilité. Dès lors, il faut être lucide quant à l’impossibilité de la décision parfaite du fait : d’un de la multitude du peuple qui impliquera toujours la diversité des regards face à cette décision ; de deux le fondement fragile sur lequel repose cette décision, c’est-à-dire sur une base déjà défectueuse. Ainsi, savoir décider, ce serait savoir choisir entre le pire et le moins pire. Si les hommes politiques possèdent (pour la plupart) cette lucidité, en ne penchant pas vers l’usage de décisions utopiques, les hommes, trop souvent idéalistes, s’en détachent complètement. Le seul moyen pour leur faire gagner cette clairvoyance face au caractère tragique immanent à la politique est donc par le biais de la communication. Et c’est bien là la faille du système. Convaincre n’a jamais été si difficile pour un gouvernement. Cette théorie politique arrive donc à une impasse : sans bonne communication, la décision, au caractère déjà pénible et laborieux, reposant sur des bases instables, ne peut et ne pourra voir le jour d’une manière absolument démocratique, c’est-à-dire avec l’accord de la majorité, sans persuasion de cette dernière. Clémenceau avait vu juste :