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La guerre de Sécession expliquée

Représentation des combats intense de La Bataille de Gettysburg - John Parrot

Si l’historiographie américaine affirme que la « guerre de Sécession » (1861-1865) fut une lutte entre l’Union nordiste avide de libertés publiques et la Confédération sudiste, suprémaciste et esclavagiste, la réalité est bien plus complexe comme à chaque fois avec l’Histoire humaine…


Une construction asymétrique

Les États-Unis d’Amérique sont nés d’une guerre d’indépendance contre le pouvoir colonial britannique. Une fois le conflit achevé et la souveraineté gagnée, le pays annonce (1805-1808) la fin de la traite négrière en place depuis le XVème siècle. La population d’esclaves américains sera donc endémique. Dans le même temps, le gouvernement fédéral répand la législation abolitionniste des États du nord au grand dam des États du sud qui craignent un déséquilibre législatif à long terme.

Contrairement à une idée reçue, l’esclavagisme racialiste (prétendant une supériorité raciale des Blancs sur les Noirs) est extrêmement minoritaire au sein des futurs membres de la Confédération. L’esclavage tel que connut en Louisiane, au Kentucky ou encore en Virginie a des fins avant tout économiques : ce sont des territoires agricoles avec une place prépondérante du coton, du tabac ou encore des céréales maltés (production de bière et de whiskeys). À une époque où les machines agricoles n’existaient pas ou peu, le besoin de main d’œuvre est énorme et l’esclavage répond à cette problématique.

Enfin, il convient de rappeler que le Nord est principalement industriel et protectionniste, avec une économie s’inscrivant dans la Révolution industrielle tandis que le Sud est rural et exportateur (avec ses principaux clients en Europe comme le Royaume-Uni ou la France). De 1783 à 1820, le nombre d’États abolitionnistes et esclavagistes se maintient égal. C’est la procédure d’entrée du Missouri qui va conduire à un premier affrontement idéologique entre les deux Amériques.



Le compromis du Missouri

Pour la première fois de son existence, l’Amérique est au bord d’un basculement idéologique. Alors que l’équilibre entre Nord et Sud avait réussi à se maintenir, l’entrée du Missouri risque de faire des États esclavagistes la majorité au sein de la jeune république fédérale. Après des mois de discussions, un accord historique est trouvé : les futures adhésions à l’Union se feront par paire avec un État libre et un autre servile. Le 36ème parallèle sert de « ligne de démarcation » pour déterminer la législation du nouvel État-membre.

La situation, stable pendant des décennies, empire à partir de 1854. Pourtant au nord du 36ème parallèle, la population du Nebraska se prononce majoritairement en faveur de l’esclavage. Le compromis de 1820 est abrogé au nom de la « souveraineté populaire » : c’est l’acte Kansas-Nebraska. L’actuel Parti républicain trouve ses origines dans cette loi en vue de l’annuler et de mettre fin à la montée de l’esclavagisme au sein de la Fédération.



Lincoln, abolitionniste convaincu ou pragmatique intéressé ?

Les tensions se cristallisent au cours de l’élection présidentielle de 1860. Abraham Lincoln, avocat et membre du Parti républicain, est annoncé favori. Affichant des positions abolitionnistes, il provoque un vent de révolte au sein des États du sud dominés par le Parti démocrate. Élu président des États-Unis avec la seule participation des États du nord, il déclenche un mouvement de sécession quasi-immédiat.

Abraham Lincoln est régulièrement montré comme un humaniste anti-esclavage. Pourtant, cette affaire ne l’intéressait peu. S’il défendait l’abolition, c’est bien parce qu’il défendait la primauté fédérale sur la législation locale (donc celle du Sud) ainsi que le modèle de développement en cours au Nord. C’est donc bien le désir de transformer les esclaves en ouvriers, et non en hommes libres, qui va motiver le président américain pendant ses cinq années au pouvoir.

L’ayant bien compris, et ne pouvant être en accord avec les positions du Nord, les États du Sud déclarent leur sécession dès le 20 décembre 1860 (Caroline du sud). Le 4 février 1861, au moment de leur création, les États confédérés d’Amérique (ECA) compteront sept membres combattant politiquement puis militairement l’Union nordiste.

Du 12 avril 1861 au 9 avril 1865, la guerre de Sécession opposera les 2,2 millions d’hommes du Nord au million d’hommes de la Confédération. Au total, l’un des premiers conflits industriels de l’Histoire accouchera de 600 000 morts et de l’abolition de l’esclavage.



Conséquences

Aujourd’hui, la guerre de Sécession est toujours un traumatisme profond ancré dans la mémoire collective américaine. Amplifiant le sentiment de culpabilité historique envers l’esclavage, elle a contribué à la marginalisation des puissances sudistes au profit des forces nordistes. L’Amérique sera une nation industrielle et le Sud ne pourra que se défendre idéologiquement par la mise en place de la Ségrégation et des réactions suprématistes (Ku Klux Klan, racisme scientifique, etc.). Pis encore, la mondialisation va amplifier la mise à l’écart de ces États ruraux, qui ne trouveront leur revanche qu’avec l’élection, ironie de l’Histoire, d’un républicain : Donald Trump en 2016.





Sources :

Histoire des États-Unis, René Rémond (1959)

L’indépendance américaine (1763-1789), André Kaspi

La Guerre de Sécession : les États désunis, André Kaspi (1992)

Histoire des États-Unis, Jacques Binoche (2003)