La menace russe pour les pays nordiques européens ?

 
Le Président Finnois Sauli Niinistö rencontre le Président Russe Vladimir Poutine à Saint Petersbourg, on 9 April 2019, avant la session plénière du forum L’Arctique : Territoire de Dialogue - Katri Makkonen/Office of the President of the Republic o…

Le Président Finnois Sauli Niinistö rencontre le Président Russe Vladimir Poutine à Saint Petersbourg, on 9 April 2019, avant la session plénière du forum L’Arctique : Territoire de Dialogue - Katri Makkonen/Office of the President of the Republic of Finland

 

En 2014, le Russie annexe illégalement la Crimée et provoque l’indignation internationale. En première ligne, les pays limitrophes de la Russie et membres de l’Union Européenne tel que les Pays Baltes, la Norvège, la Suède, le Danemark et la Finlande ont condamnés d’une même voie ces actions illégales. Un climat de tensions s’installe alors en Mer Baltique appuyé par l’intensité des manœuvres militaires Russe ne faisant qu’empirer les relations bilatérales entre les pays du bassin et Moscou.  

Etude des relations géopolitiques passés et actuelles entre les pays nordiques et la Russie. Nous excluons de notre analyse les Pays Baltes qui feront l’objet d’un autre article.

SUÈDE  

Durant des siècles, la Russie a constitué le principal obstacle géopolitique de la Suède. Les deux puissances se sont affrontées lors de nombreuses guerres, et ont partagé une frontière commune jusqu’à l’indépendance de la Finlande. Durant les deux guerres mondiales, la Suède a choisi la neutralité absolue et est restée non alignée pendant et après la guerre froide, malgré un positionnement tacite en faveur du camp occidental. Dans le contexte actuel, la question sécuritaire prédomine dans le débat stratégique suédois, avec un accent particulier sur la Baltique. Le ton est généralement très critique envers la Russie, ce qui conduit l’ambassadeur russe en Suède à appeler les deux pays à « conclure la paix dans les esprits ». En pratique, aucun dialogue de haut niveau n’a eu lieu entre 2014 et la visite de la ministre des affaires étrangères à Moscou en février 2017. Deux autres rencontres ont suivi, dans le cadre de l’ONU en septembre 2017 et dans le cadre du Conseil euro-arctique de Barents en octobre 2017.  

La Suède est un pays très bien connecté au monde et à l’Europe. Elle est victime de près de 300 cybers attaques chaque année visant médias, entreprises et gouvernement officiel. Il est en général très difficile de retrouver l’auteur des cybers attaques, mais plusieurs révélations accusent la Russie d’avoir commandité bon nombre d’entre elles. Le gouvernement suédois a d’ailleurs affirmé que la Russie, la Chine et l’Iran sont les principaux foyers de menaces dans ce domaine. 

Actuellement, les relations entre Stockholm et Moscou sont extrêmement tendues. Le gouvernement suédois soutient les sanctions contre la Russie depuis l’annexion de la Crimée. De son coté, Moscou multiplie les exercices militaires et les manœuvres en Mer Baltique. Inquiète, la Suède a décidé de revoir son budget militaire à la hausse après 20 ans de désinvestissements. Elle a rétabli le service militaire obligatoire, et distribué des manuels de secours pour savoir comment agir en cas de guerre. L’un des objectifs principaux du pays est de remilitariser l’île de Gotland, point stratégique au cœur de la Baltique. Celui qui contrôle cette île contrôle les aires et mers de toute la région. La remilitarisation de l’île pourrait être vue comme une provocation par Moscou, mais le pays ne veut prendre aucun risque. La Suède s’était promis la paix éternelle mais doit désormais tenir ses positions. Aucun doute, un parfum de guerre froide règne sur la Mer Baltique. 

FINLANDE 

Pendant 108 ans, la Finlande faisait partie de l’Empire russe avant d'obtenir son indépendance à la suite de la Première guerre mondiale et de la révolution d’octobre. Le 6 décembre 2017, profitant du désordre causé par la révolution Bolchévique, la Finlande déclare son indépendance, reconnue par le pouvoir soviétique le 4 janvier 1918. C'est alors le début de la guerre civile Finlandaise entre Rouges soutenus par le pouvoir révolutionnaire russe jusqu'au traité de Brest-Litovsk, et Blancs alliés à l'Allemagne. Le baron Carl Gustaf Emil Mannerheim, général de l'armée impériale russe d'origine finlandaise, commande les troupes gouvernementales blanches et profite du renfort de troupes allemandes. Celles-ci l'emportent sur les Gardes Rouges à Vyborg le 30 avril 1918.  

Les deux pays se sont aussi opposés lors de la Guerre d’hiver. L’Union Soviétique déclare la guerre à la Finlande en 1939 pour protéger son territoire d’une éventuelle attaque allemande par le flanc finlandais. En 1941, quand l'Allemagne attaque l'URSS (opération Barbarossa), la Finlande veut prendre sa revanche et joint ses troupes à celles de l'Allemagne nazie pour attaquer l'URSS et récupérer les territoires perdus ou plus si possible. Rapidement repoussée, le front se stabilise autour de l’ancienne frontière et un traité de paix est signé entre les deux belligérants au grand désespoir d’Hitler.  

Durant la guerre froide, la Finlande a conservé une stricte neutralité, en poursuivant ainsi l’approche dite de Paasikivi-Kekkonen (du nom des deux présidents au pouvoir entre 1946 et 1981). L'Accord d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle signé entre Moscou et Helsinki en 1948 (et renouvelé en 1955, 1970 et 1983) a limité la marge de manœuvre de la Finlande en termes de politique de sécurité mais a aussi permis de préserver la démocratie et l’économie de marché. La Finlande devient alors rapidement un pays très prospère. Son développement subit néanmoins une crise majeure dans les années 1980 et 1990, alors que le chômage touche 20 % de la population active. Mais grâce à une relance de l'activité dans le secteur des nouvelles technologies (Nokia, F-Secure et des laboratoires de biotechnologie par exemple), elle renoue avec la croissance et atteint un taux de chômage inférieur à la moyenne de l'Union européenne. Finalement, la Finlande adhère à cette dernière en 1995 et participe à la zone-euro. Contrairement à de nombreux autres pays, notamment la Suède, Helsinki n’a jamais cru à la « fin de l’histoire » après 1989 et a toujours préservé un outil militaire significatif. Il considère cependant Moscou comme « un voisin à qui il faut parler, qu’on le veuille ou non ». La politique de la Finlande est ainsi caractérisée par son pragmatisme : autant de coopération que possible, tout en restant vigilant et intransigeant sur les fondements de l’ordre de sécurité européen.  

Mais il y a quelques années, un incident diplomatique aggrave les relations entre les deux pays. Helsinki signale deux possibles intrusions de territoires par deux appareils de type Soukhoï la même journée. Les faits rapportés ont lieu au-dessus du golfe de Finlande et sont aussi signalés par l’Estonie. La Russie est le premier suspect mais contredit toute accusation, renforçant finalement les tensions dans la région. Au-delà des incidents diplomatiques, la Finlande n’a jamais cessé de moderniser son armée et son équipement militaire. De la même façon, elle intensifie ses partenariats militaires avec ses alliés de la région. En mars 2019, un important exercice militaire est réalisé à la frontière entre la Finlande et la Suède regroupant pas moins de 10 000 soldats des deux pays. L’objectif est de pouvoir répondre de façon organisée à une attaque extérieur (sous-entendue russe). Ce type de manœuvre n’était pas arrivé depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale entre les soldats finlandais et suédois. 

NORVÈGE 

L’histoire des relations bilatérales entre la Norvège et la Russie est relativement courte, la Norvège n’ayant acquis l’indépendance qu’en 1905. Le pays partage des frontières terrestres et maritimes avec la Russie et se préoccupe surtout de la situation sécuritaire et des activités de Moscou dans l’Atlantique nord. La Baltique n’est pas vraiment au cœur de ses inquiétudes. Oslo mise principalement sur l’Alliance atlantique et Washington, arguant que « la Norvège, c’est l’OTAN dans le Nord ». En parallèle, il s’efforce de ne pas provoquer la Russie, considérant que « la réassurance dans le Nord passe avant tout par la réassurance de la Russie ». Les deux pays ont résolu leur contentieux portant sur les frontières en mer de Barents en 2010. Ils sont très intéressés par l’Atlantique Nord et l’Océan Arctique, ils ont donc un point commun. Ils verraient de nombreux avantages à créer de nouvelles routes maritimes traversant cette partie du globe. Mais d’autres sujets pèsent sur les relations. En premier lieu le conflit en Ukraine et ses conséquences. La Norvège ayant fortement dénoncé l’attaque russe et l’annexion de la Crimée tout comme ses voisins européens. En second lieu, la présence de forces américaines sur le sol norvégien depuis 2017 est source de tensions. Moscou estime aussi que la Norvège pourrait être « plus coopérative » dans le Grand Nord.  

 DANEMARK 

Le Danemark apparaît moins préoccupé par la Russie que les autres pays nordiques. Pendant des années, le voisinage immédiat ne faisait pas partie des priorités danoises, a fortiori depuis le rattachement des pays Baltes au camp occidental. Cependant, les activités russes en région baltique et notamment la situation militaire à Kaliningrad, mais aussi les menaces cyber et informationnelles réoccupent de plus en plus Copenhague, qui recentre actuellement son attention sur la Baltique. 

Sources :

L’express : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/si-la-russie-attaque-l-europe-du-nord_2023343.html 

PDF ministère des armés : https://www.defense.gouv.fr/content/download/545831/9326630/file/CC%202015-03%20Russie%20-%20L'Europe%20du%20Nord%20face%20%C3%A0%20la%20Russie.pdf 

Le Monde : https://www.lemonde.fr/europe/article/2014/04/23/l-europe-du-nord-face-a-la-menace-russe_4405673_3214.html 

Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/04/10/97001-20150410FILWWW00083-les-pays-scandinaves-des-agressions-russes.php 

Forcesopérations.com : http://forcesoperations.com/face-a-la-russie-finlandais-et-suedois-poussent-pour-integrer-lotan/ 

Spotnik : https://fr.sputniknews.com/international/201504101015592451/ 

Nemrod : https://nemrod-ecds.com/?p=3186 

La Croix : https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Suede-renforce-positions-contre-Russie-2019-07-03-1201033081 

https://www.la-croix.com/Monde/Face-reveil-russe-Suede-remilitarise-ile-Baltique-2019-04-17-1301016260 

La Tribune : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-russie-menace-t-elle-l-union-europeenne-750661.html 

Franceinfo : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/nouvelles-grandes-manoeuvres-militaires-en-scandinavie-face-a-la-menace-russe_3216443.html