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La notion de conglomérat au pays du soleil levant : Les Keiretsu (系列)

Après avoir étudié respectivement, les défis de l’économie japonaise, son arme secrète, ses forces et faiblesses, nous allons aborder un thème plus contemporain : les réponses apportées par la Banque Of Japan (BoJ) dans la crise économique du Covid-19. Mais avant de pouvoir émettre un avis sur ses décisions, il est nécessaire de rappeler comment le pays a traversé la crise de 1990 et l’éclatement de la bulle spéculative. Afin d’aborder cette crise, ces trois articles se baseront sur l’ouvrage de Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, paru en 2008 (un très bon cru pour un ouvrage parlant de crise économique).

Déjà évoqué dans l’article « Du miracle au mirage, le rôle trouble de la Banque centrale du Japon », la BoJ jouit d’un rôle prépondérant dans l’économie nippone. Mais contrairement à la BCE (Banque Centrale Européenne) ou la FED (la Réserve Fédérale des Etats-Unis), la BoJ, les instances gouvernementales et les grandes entreprises nationales possède de nombreuses accointances. Le meilleur exemple de ces relations étroites entre ces acteurs sont les Keiretsu (系列). Un keiretsu peut être qualifié de conglomérat. Pour rappel, un conglomérat est « une entreprise ou groupe d'entreprises qui gère des activités sans liens techniques ou économiques. Il est souvent constitué par acquisition d'entreprises n'ayant pas de liens entre elles ». Mais les « conglomérat japonais » sont bien plus complexes que cela.

En effet un conglomérat classique est constitué de différentes entreprises, avec ou sans lien entre elle, ce qui leur permet gagner en résilience (la capacité à encaisser des chocs et se relever). Mais au Japon ces entreprises ou groupes d’entreprises sont organisés autour d’une banque. S’achetant mutuellement des actions les unes aux autres, elles assuraient ensemble leur prospérité. La Bourse pourrait être le point faible de ces groupements, mais selon Paul Krugman « les entreprises japonaises n’avaient pas à s’inquiéter des cours de la Bourse ou de la confiance des marchés, puisqu’elles ne pratiquaient que rarement l’autofinancement par la vente de titres ; en revanche, la banque principale leur prêtait l’argent dont elles avaient besoin. Ainsi les entreprises japonaises n’avaient pas à se soucier de la rentabilité tout court ». Tout le monde connaît au moins une entreprise nippone faisant partie d’un keiretsu. Selon le journal Le Monde « Jusqu'au milieu des années 1990, le Japon comptait six grands keiretsu horizontaux - Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, Fuyo, Daiichi Kangyo et Sanwa - nébuleuse d'une vingtaine de grandes entreprises industrielles construites autour d'une banque principale, de compagnies d'assurances et d'une maison de commerce, et liées entre elles par des participations croisées. Toyota et Toshiba appartenaient, par exemple, au groupe Mitsui ». Le nom des Keiretsu ne sont pas connu en Occident, mais Toyota ou Toshiba sont des marques ayant exercé un impact fort sur le marché européen et / ou américain. 

Ces groupes ont assuré aux entreprises japonaises un contrôle sans partage sur l’économie national, et une très grande force de frappe sur les marchés étrangers. Mais l’acteur le plus dangereux ne se trouve pas dans le keiretsu. Le conglomérat possède en son cœur une banque, et une banque japonaise ne reçoit d’ordre que d’une seule institution : la BoJ.

Sources :

https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/keiretsu.html

https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/12/26/symboles-du-capitalisme-nippon-les-keiretsu-ont-ete-demanteles_347200_1819218.html

Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, 2008, W. W. Norton & Company