La Suisse et l’Europe
Article par : Ernesto W.
La Suisse, bien qu’au centre de l’Europe, ne fait pas partie de l’Union Européenne ni du marché commun. Depuis le refus de la population par voies référendaires à l’entrée dans l’Espace Economique Européen le 6 décembre 1992 entrave la démarche d’adhésion à l’UE et met le Conseil fédéral (Pouvoir exécutif) en porte-à-faux par rapport à ses projets. Pour ne pas se faire enclaver au milieu de l’Europe, la Suisse continue alors son association par la voie bilatérale. On peut remarquer qu’un Röstigraben (barrière de rösti en français est une expression pour marquer la différence culturelle et idéologique entre la Suisse francophone et germanophone) s’est formé sur la carte avec les cantons suisses romands qui acceptent et les suisses alémaniques qui refusent.
Il faut savoir que la majorité des partis suisses soutenaient le oui ( « Parti libéral-radical » de droite libérale, « Parti socialiste » de gauche, et « Parti démocrate-chrétien » au centre) sauf « l’Union démocratique du centre » de droite conservatrice et souverainiste.
Ainsi le 11 décembre 1998, les négociations aboutissent à la création aux « Accords bilatéraux I ». Ces accords sont l’embryon des futures relations suisso-européenne et régissent les domaines suivants :
– l’agriculture
– la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE
– la suppression des obstacles au commerce
– la recherche
– le transport aérien
– le transport terrestre
Le 21 mai 2000, l’ensemble de ces accords sont soumis au référendum et accepter à 67,2% des électeurs ce qui lui confère une grande légitimité. L’extension de l’UE en 2004 avec un « convoi » de 10 nouveaux membres fait évoluer les accords et est à nouveau soumis au référendum. Les accords sont étendus sans opposition avec une approbation de 56%.
À la suite de l’extension de l’UE, les négociations reprennent entre la Suisse et l’UE et aboutissent le 26 octobre 2004 aux « Accords bilatéraux II ». Ces nouveaux accords confèrent à la Suisse un statut de quasi-membre et renforcent la collaboration entre les deux identités en matière juridique, d’asile et de migration (convention de Schengen et de Dublin). La Suisse devient membre de plusieurs agences européenne dont l’agence européenne pour l’environnement, Europol, … La Suisse accepte même de verser des aides aux nouveaux membres de l’UE. Comme la Constitution suisse le prévoit, l’entièreté des accords est soumise au référendum et à nouveau acceptée par la population.
Début des difficultés
Cependant en 2014, à la suite du vote fédéral sur l’initiative de l’UDC « contre l’immigration de masse » acceptée à 50,3% qui demande la réintroduction de quotas en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse brisant ainsi les « Accords bilatéraux II ». L’UDC était le seul parti d’envergure nationale à porter le projet. En effet, l’ensemble des autres partis ont mené une campagne pour le non en soulignant que si cette initiative était acceptée il pourrait avoir des conséquences sur les relations avec l’UE.
En effet, l’UE rétorque par la suspension de la participation de la Suisse à Erasmus ce qui provoque la colère des étudiants. La Confédération a rapidement mis sur pied un financement spécial afin que les étudiants suisses ne soient pas lésés. La Suisse se voit aussi exclure du programme européen pour la recherche « Horizon 2020 ».
Où en sommes-nous actuellement ?
Le 4 décembre 2014, un accord est signé et la Suisse est réintégrée au programme « Horizon 2020 ». Depuis le début de l’année 2019, les deux parties négocient âprement « l’Accord institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne ». La commission européenne a fait pression sur celle-ci pour qu’elle accepte de nouvelles concessions notamment sur la protection des salariés ce qui est inacceptable selon les syndicats et le Parti socialiste. Pour accentuer le tout, l’UE met fin à l’équivalence boursière qui permettait à la bourse suisse d’accéder à la bourse européenne et exige également que cette dernière soit affiliée à la directive sur la citoyenneté européenne.
Le 7 juin 2019, la Suisse demande une clarification à la Commission européenne concernant les éléments ci-dessus et évite soigneusement de parler de renégociation. L’UE est opposée à toutes discussions concernant l’accord-cadre en utilisant les mêmes méthodes de non-négociation que pour le Brexit.
Finalement, le peuple devra très certainement voter dans quelques mois sur cet accord-cadre qui ne satisfait pas les intérêts suisses. Seul le Parti socialiste propose encore une adhésion de la Suisse à l’UE pour ne pas avoir ce genre de situation. Les autres partis politiques qui avaient une tendance européiste l’ont oublié car la majorité de la population ne souhaite pas dépendre de décisions prises à l’étranger.
De tous temps, la Suisse a toujours su trouver son indépendance et jusqu’il n’y a pas très longtemps une adhésion à l’ONU était considérée comme une entorse à la neutralité helvétique et par conséquent à son indépendance.
Une Suisse au milieu de l’Europe, OUI ! Mais pas à n’importe quel prix.