Le Brexit : la victoire du souverainisme
Le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sortait officiellement de l’Union européenne après cinq décennies d’adhésion. Les européistes les plus fanatiques n’ont pas oublié de vanter un accord de sortie « favorable » à Bruxelles alors qu’en réalité, les Européens sont les grands perdants du Brexit.
La première défaite est d’abord contractuelle : l’accord de sortie laisse à part belle au Royaume-Uni qui obtient toutes les concessions de l’Union. Cette dernière avait affirmé refuser catégoriquement tout abandon du dossier irlandais : la frontière anglo-irlandaise sera donc fermée à la libre-circulation des marchandises et des personnes. Autre dossier, la pêche dans les eaux britanniques de la Manche principalement. La « période de transition » demandée par l’UE est passé de 14 à 5 ans avec un péage établi à 25% des prises soit 160 millions d’euros par an (800 millions d’euros en 5 ans !). Pour le reste, c’est une victoire totale des Britanniques : ces derniers profitent de tous les avantages de l’Union (accès au marché européen notamment) tout en se préservant des inconvénients (libre-circulation des biens et des personnes). En résumé, les Anglais pourront imposer des droits de douanes à l’entrée sur leur territoire tout en ayant accès au marché européen sans restriction – l’Union européenne étant déjà incapable de mesures à ses frontières extérieures sans être elle-même victime de ses décisions (cf. les sanctions contre la Russie dès 2014)…
Mais la plus importante défaite de l’Union européenne est politique. Depuis sa création institutionnelle en 1957 avec le traité de Rome, l’Europe n’avait jamais vu partir un État-membre. Il y avait bien le cas complexe du Groenland dans les années 1970, cas particulier car l’île arctique est une dépendance autonome du Danemark, mais ce dernier n’avait pas quitté la communauté européenne. De plus, la Grande-Bretagne était un membre puissant de l’Union : deuxième puissance militaire et nucléaire, deuxième puissance économique, troisième population, cinquième nation la plus développée (IDH), etc. Avec la France et la Russie, c’était également le seul pays d’Europe à disposer d’un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Le départ des Britanniques fait de facto chuter le PIB de l’Union européenne de 20% (3 000 milliards d’euros sur 15 000 milliards). Loin d’être une catastrophe pour les Britanniques qui peuvent profiter – à l’instar de la France avec la Francophonie ou la Françafrique – d’un gigantesque marché mondial incarné par le Commonwealth (union internationale ayant pour origines leur ancien empire colonial), la sortie du Royaume-Uni est un coup d’arrêt violent vis-à-vis de l’économie européenne mais aussi du projet européen lui-même !
Effectivement, la sortie des Britanniques marque un précédent historique que les nations membres de l’Union européenne ne négligeront pas à l’avenir. Car si une sortie signifie finalement un statut avantageux économiquement tout en écartant les désavantages communautaires, fort à parier que les électorats nationaux ne s’y tromperont pas. Pour l’Italie, la Grèce ou encore la France et même jusqu’à l’Allemagne, cette « Europe à la carte » n’est pas sans charme quand on sait, par exemple, l’hostilité croissante des Allemands à payer pour les Européens. Et d’une certaine manière, c’est la logique des choses.
Le projet européen, fédéraliste, ne résiste pas au poids des siècles. Depuis la chute de l’Empire romain d’Occident en l’an 476, les rois de naguère n’ont eu de cesse de fédérer les cendres encore fumantes de Gaules, de Germanie, d’Hispanie ou encore d’Italie pour finalement créer des États et des nations indivisibles, insolubles. Chaque peuple a vu naître sur son sol une identité nationale et un destin commun qu’une construction artificielle inspirée d’outre-Atlantique ne saurait démanteler en quelques décennies. Comme l’affirmait un certain Charles de Gaulle, « on ne fait pas d’omelette avec des œufs durs » - il en va de même des nations et des peuples d’Europe. La sortie du Royaume-Uni est alors moins la traduction d’un quelconque « populisme » que le signe de la renaissance des consciences nationales et historiques fondamentales. En reprenant leur destin en main, l’arrachant aux griffes de Bruxelles, les Britanniques sont redevenus les maîtres incontestés de leurs vies, réhabilitant dès lors un mot devenu tabou et pourtant consubstantiel de notre Vieux-Continent : la souveraineté.