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Le problème irano-saoudien : une rivalité, des conflits

Photo : Mostafa Meraji - Unsplash

Depuis des centaines d'années une rivalité existe entre ethnies arabe et perse, cette rivalité s'illustre à travers le temps avec deux empires : l'Empire ottoman et l'Empire perse maintenant disparus. Aujourd'hui il n'est plus question de rivalité arabo-perse mais plutôt irano-saoudienne, dérivant d'ethnies à pays. Cette lutte a donné lieu à de nombreux conflits qui ont dessiné le visage actuel du Moyen-Orient. Véritable Guerre Froide régionale, ce duel se constitue en plusieurs conflits affectant aussi bien le Moyen-Orient que le monde entier. 

UN CONFLIT HISTORIQUE

Comme rappelé précédemment, cette rivalité remonte aux grands Empires régionaux. L'Empire ottoman et l'Empire perse étaient en constant conflit, cherchant à conquérir les régions de l'Iraq actuel, du sud du Golfe Persique et du sud du Caucase. Leurs rapports houleux, allant de guerres à fragiles paix puis à d'incessantes escarmouches ne cessent jusqu'à l'effondrement de l'Empire Ottoman en 1918 des suites de la Première Guerre mondiale. Suite à la colonisation européenne du Moyen-Orient, il n'y a plus de rival arabe possible pour la Perse et une certaine accalmie arrive. Après le départ des Européens, le conflit reprend avec dans un premier temps la Guerre Froide qui voit le Moyen-Orient subir les conflits d'influence des deux Blocs. Dans un second temps la révolution islamique de 1979 dans le désormais nommé Iran ravive les tensions régionales, cette révolution porteuse d'un message révolutionnaire et religieux chiite se heurte aux volontés de l'Arabie Saoudite et de ses voisins. Dans un troisième temps la guerre Irak-Iran de 1980 renvoie directement à un conflit religieux et politique, l'Arabie Saoudite finance l'Irak mais suite à l'affaiblissement de ce dernier le conflit passe de arabo-persan à irano-saoudien. Ce conflit historique sévit encore aujourd'hui en s'étendant à la région du Moyen-Orient et plus, timide souvenir du conflit passé des grands Empires. 

UN CONFLIT POLITICO-MILITAIRE

Les deux pays rivaux représentent deux politiques bien distinctes pouvant expliquer leur conflit. L'Arabie Saoudite est une monarchie, utilise ses ressources pétrolières pour asseoir son pouvoir et remplir ses coffres, se place sous protection américaine et essaye d'étendre son influence dans la région. L'Iran quant à lui est une « république » autoritaire, est en conflit avec les États-Unis et donc subit un blocus ce qui l’empêche de compter sur les ventes de ses ressources de pétrole. Des suites de ce blocus l'Iran est isolé sur la scène internationale, n'ayant qu'une aide possible venant de la Russie et de la Chine, mais essaye tout de même d'étendre son influence dans la région pour protéger ses intérêts. Du fait de ces deux politiques différentes, un conflit a lieu, se manifestant par une crise diplomatique et militaire. Ces pays déplorent des difficultés à régler leurs différends diplomatiquement ; par la plume. Leurs relations sont quasiment taries. Si la plume échoue c'est dont par l'épée que ces pays communiquent. Des suites de cela, leur conflit a été nommé « petite Guerre Froide ». En effet aucun conflit ouvert n'a lieu pour l'instant c'est donc par des intermédiaires que les canons tonnent. Le terme d'exportation de conflit pourrait être utilisé. Leur volonté d'étendre leur influence, de contrôler des territoires et des ressources stratégiques embrase le Moyen-Orient et transforme ce conflit politico-militaire de pays à pays en conflit régional. 

UN CONFLIT RELIGIEUX

L'Islam n'est pas uni, ce sont ses disparités qui animent une multitude de conflits au Moyen-Orient et dans le monde. Lors de la mort de Mahomet en 632 après J.C deux visions de l'Islam existent menant à terme à une scission, le Sunnisme et le Chiisme (les deux branches les plus grandes de l'Islam) se construisent et s'affrontent tout le long de leur histoire. L'Empire perse symbolisait le Chiisme et affrontait l'Empire ottoman qui symbolisait lui le Sunnisme notamment pour le contrôle des lieux saints chiites et des minorités religieuses disséminées dans les Empires. Aujourd'hui le Chiisme représente 10% de la population musulmane alors que le Sunnisme en représente 89%, parmi la population chiite environ 90% d'entre eux vivent en Iran. Le conflit irano-saoudien est donc un conflit chiite-sunnite. Il s'agit d'un combat de conversion, de protection et de conquête. De conversion parce que chaque branche de l'Islam souhaite convertir ou bien éteindre l'autre branche, de façon douce ou par la force. De protection parce que de multiples minorités sunnites et chiites existent éparpillées au Moyen-Orient. L'Iran souhaite protéger les minorités chiites d'Irak, du Liban, du Yémen et même d'Arabie Saoudite. L'Arabie Saoudite, elle, souhaite protéger ses minorités du Caucase et d'Iran même. Cela explique donc aussi le conflit régional existant. De conquête parce que beaucoup de lieux saints chiites se trouvent en Irak et en Syrie, l'Iran veut donc se les approprier, tout comme l'Arabie Saoudite qui voit une opportunité à saisir. 

Ce conflit religieux débouche donc sur de multiples conflits armés régionaux, servant d'intermédiaires dans cette Guerre Froide et embrasant cette région du monde. 

UN CONFLIT RÉGIONAL

Le conflit irano-saoudien s'exporte. Le Moyen-Orient tout entier subit les combats d'influence ou armés que se livrent les deux géants de la région. Ce conflit étant qualifié de Guerre Froide ces combats sont menés par des intermédiaires ou alliés interposés ne permettant aucun conflit direct entre les deux antagonistes. 

Au Qatar, c'est un combat d'influence que se livrent l'Arabie Saoudite et le Qatar. Ce pays est accusé de financer le terrorisme islamiste par l'Arabie Saoudite, de plus le média qatari Al Jazeera vient préoccuper les Saoudiens en répandant de la propagande islamiste et anti-saoudienne selon la monarchie de Riyad. En conséquence, une crise diplomatique a lieu et le Qatar subit un blocus commercial et géographique par l'Arabie Saoudite et ses alliés. Le petit pays isolé peut compter sur l'aide de l'Iran qui essaye de lui garantir ressources et protection mais la situation diplomatique est pour le moment bloquée. 

En Irak, milices chiites et sunnites tendent à s'affronter dans ce pays détruit en phase de reconstruction, les milices étant soutenues de part et d'autre par les deux géants de la région. De plus, l'Iran utilise la minorité kurde de son pays pour essayer de profiter des ressources humaines et naturelles de la région autonome kurde du nord de l'Irak au détriment de l'Arabie Saoudite. 

Au Liban, ce sont des combats armés et idéologiques qui opposent le Hezbollah, groupe islamiste paramilitaire chiite et parti politique soutenu par l'Iran au gouvernement libanais soutenu par l'Arabie Saoudite. Chaque camp ne peut se débarrasser de l'autre et donc les combats se sont quelque peu calmés aujourd'hui pour tourner plus vers un combat politique ponctué par des attentats. 

Au Yémen, la guerre civile fait rage entre le gouvernement reconnu par la communauté internationale et soutenu par l'Arabie Saoudite et les rebelles houthis chiites soutenus par l'Iran cherchant à faire sécession. Ces derniers contrôlent le nord-ouest du pays dont l'ancienne capitale du pays, Sanaa, et même pendant un temps la seconde ville du pays, Aden. L'Arabie Saoudite a dû intervenir directement en mobilisant ses troupes contre les rebelles mais ne parvient pas à venir à bout de cette minorité chiite. Le Yémen est aujourd'hui un pays ravagé par la guerre où aucun camp ne semble prendre le dessus sur les autres. 

C'est donc tout le Moyen-Orient qui semble s'embraser du fait des deux géants de la région. Conflit religieux, diplomatique ou militaire où chaque camp essaye de rassembler ses alliés et de détruire ses ennemis. 

UN CONFLIT DIRECT ? 

Si de multiples combats sous de multiples formes font rage au Moyen-Orient, il est pour le moment difficile d'imaginer un conflit direct entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. En effet un combat direct signifierait de grandes pertes pour chaque camp et de grandes dépenses qu'aucun ne peut pour l'instant se permettre. L'Iran est encore aujourd'hui sous blocus international et subit de plein fouet une crise économique et culturelle réduisant ses moyens. L'Arabie Saoudite quant à elle dispose de moyens considérables mais manque de force brute, son armée régulière étant mise à mal par un simple mouvement rebelle. De plus, les deux géants de la région sont tous deux soutenus par deux géants mondiaux, les États-Unis pour l'Arabie Saoudite et la Russie pour l'Iran et un conflit ouvert ramènerait sans doute ces derniers à intervenir et à potentiellement infliger plus de dégâts à ces pays. 

Mais il ne faut pas écarter un risque de conflit direct et essayer d'amener cette rivalité vers une détente diplomatique ce qui permettrait au Moyen-Orient de regagner un semblant de stabilité. L'Arabie Saoudite et l'Iran ont tout à perdre avec cette rivalité. 

 

Sources : 

https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/01/04/le-proche-orient-prisonnier-de-l-etouffoir-saoudo-iranien_4841123_3218.html 

https://www.monde-diplomatique.fr/2014/05/GRESH/50384 

https://www.liberation.fr/planete/2016/01/05/iran-arabie-saoudite-un-conflit-a-fragmentation_1424552 

http://www.lefigaro.fr/international/2017/11/12/01003-20171112ARTFIG00218-iran-arabie-saoudite-les-dessous-d-une-guerre-froide.php 

https://www.youtube.com/watch?v=ael9fduSbZI 

https://www.youtube.com/watch?v=o70FHsdqKgE 

Le livre « L'Iran en 100 questions » de Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner 

Le livre « 30 questions pour comprendre les tensions dans le monde musulman » de Yann Mens