Le programme Ariane, de son origine à Ariane 6

 
ESA - Ariane 6

ESA - Ariane 6

 

Pourquoi le nom Ariane ?

Au début des années 70, le programme européen de lanceur Europa est un échec. La France propose alors la création d'un lanceur, le L3S pour lanceur de 3e génération de substitution, dans le prolongement de l'expérience réussie du petit lanceur diamant. Le CNES lance alors un appel à idées pour remplacer la nomination L3S. Le premier choix est Véga, étoile de la constellation de la Lyre. Mais le ministre Jean Charbonnel décide de ne pas le retenir à cause de la référence à une bière.

La France envisage 3 noms : Phoenix, Pénélope, ou Ariane. Le délégué allemand rejette Phoenix à cause de l'échec de l'ELDO (European luncher development organisation) créé en 1963 pour mettre au point un lanceur européen. Ses cendres sont encore brûlantes suite à l'échec d’Europa. Dans la mythologie grecque, Pénélope a attendue Ulysse pendant vingt ans, ce n’était pas non plus la meilleure option si on ne voulait pas attendre aussi longtemps pour le premier lancement. Ariane est la fille de Minos, roi de Crète. Elle tombe amoureuse de Thésée venu tuer le minotaure. Elle donne à l'homme qu'elle aime un fil qui lui permet de sortir du labyrinthe une fois le monstre tué. La future fusée doit sortir le programme de lanceur européen de l'impasse, tout comme le fil d'ariane a sorti Thésée du labyrinthe. C'est donc Ariane qui a été choisie.

Des Débuts difficiles

Si le programme est aujourd’hui une réussite, les débuts n’ont pas été simples.

L’abandon du programme Europa oblige l’Europe à se tourner vers les États-Unis pour placer sur orbite un satellite de télécommunications. Mais les restrictions imposées par les Etats-Unis pour l’utilisation de leurs lanceurs (l’interdiction de toute utilisation commerciale) fait comprendre à la France l’importance pour l’Europe d’être autonome pour le lancement de ses satellites. Un accord est signé en 1973 à Bruxelles par les pays partenaires européens. Pour obtenir cet accord, la France s’engage à prendre en charge 60 % des sommes nécessaires et à couvrir les dépassements budgétaires. En contrepartie, la maîtrise d’œuvre revient au CNES (Centre national d’études spatiales) et l’industrie française récupère une part importante des contrats. À ses débuts, le programme Ariane n’est pas pris au sérieux. Beaucoup le voient comme un « lanceur de dissuasion » pour forcer les américains à assouplir leurs conditions. Le 15 décembre 1979, après 7 ans de travail, la première tentative de décollage d’Ariane 1 échoue. Un capteur défaillant détecte une mauvaise poussée, les 4 moteurs du premier étage sont aussitôt coupés. Mais 9 jours plus tard, Ariane 1 effectue enfin son vol inaugural depuis le centre spatial guyanais. Par la suite, Ariane 2, Ariane 3, et Ariane 4 lui succèdent en 1986, 1984 et 1988. En 1980, la société Arianespace est créée afin de commercialiser et exploiter les systèmes de lancement spatiaux développés par Ariane Group.

Ariane 5 et 6

Officiellement, la décision de construire le lanceur Ariane 5 est prise le 31 janvier 1985 lors de la conférence de Rome alors que Ariane 4 n’a pas encore volé. Les premières études d’un lanceur de forte capacité datent de 1977 et le premier avant-projet intitulé Ariane 5 remonte à 1978, bien avant même le premier vol d’Ariane 1 (le 24 décembre 1979), avant le démarrage du programme Ariane 3 et avant les premières études du concept Ariane 4. Le premier lancement a lieu le 4 juin 1996 et se solde par un échec. Le lanceur est détruit après à peine 37 secondes de vol en raison d’une erreur informatique. Le second vol a lieu le 30 octobre 1997 mais l’orbite désirée n’est pas atteinte. L’année suivante, en revanche, la réussite est totale. 

« Depuis, sur 100 missions, Ariane 5 n’aura eu que 5 échecs. »

Aujourd’hui, Ariane 5 fonctionne, inspire confiance, et fait la fierté des européens. Mais Ariane 5 coûte aussi très chère. Son modèle industriel étant basé sur le principe du retour géographique (Chaque pays participant au programme reçoit une charge industrielle équivalente à sa part de financement). Sur le plan politique, cela permet de mettre tout le monde d’accord. Sur le plan de l’efficacité économique, c’est un modèle difficile à défendre face aux entreprises qui n’ont pas ce genre de contraintes. Ainsi le développement d’Ariane 5 aurait couté 5 milliards d’euros. En face de cela, Space X déclare avoir mit au point sa Falcon 9 pour 300 millions de dollars, et sa Falcon Heavy pour 500 millions. Le lancement double vers l’orbite géostationnaire constitue le cœur de l’activité d’Ariane 5. C'est à la fois un avantage et un inconvénient car la fusée ne peut justifier son coup que si elle lance 2 satellites à chaque tir. Mais les satellites de télécommunications deviennent de plus en plus lourds et il devient difficile de faire cohabiter 2 d'entre eux alors que la fusée ne peut propulser que 10 tonnes vers l'orbite de transfert géostationnaire. Autre faiblesse, son étage supérieur ne peut pas être éteint et rallumé, une fonctionnalité qui existe pourtant sur de nombreux autres lanceurs et qui est nécessaire à certains clients. Tous ces facteurs font que la suprématie d'Ariane 5 est menacée. En réalité, l'entreprise européenne a perdu la couronne en 2017. Avec ses 18 tirs tous réussi, SpaceX s'est imposée sur la première marche du podium après seulement 15 ans d'existence. Il ne faut donc pas se leurrer, une pression incroyable repose sur les épaules de Ariane 6. C'est le lanceur qui va devoir défendre les couleurs de l'Europe pendant la décennie 2020 et peut-être même un peu plus longtemps, si on se réfère au cycle de développement d'ariane 4. Les ingénieurs du CNES et d'Ariane Group ont imaginé une architecture pour pallier les faiblesses du précédent lanceur. Le nerf de la guerre, c'est bien sûr son coût. L'objectif visé est un abaissement de 40 à 50 pourcents de celui-ci par rapport à Ariane 5. Pour y parvenir, Ariane Group se détache de la démarche de son concurrent américain et n’inclue pas la réutilisation, du moins pas tout de suite. À la place, Ariane Group espère réduire ses prix en modifiant son modèle industriel en s'inspirant des normes de l'aviation et de l'automobile.

Ariane group ne peut plus se permettre de laisser passer 25 ans entre ses générassions de lanceurs, surtout à une époque où chaque année apporte son lot d’innovations et d’acteurs. Il faut aussi se poser la question de l’ambition que veulent se fixer les Européens.

« Ariane doit elle seulement assurer un accès indépendant à l’espace ? ou a-t-elle l’envie et les moyens de rester un leader mondial ?   »