Le rôle des troupes coloniales françaises entre 1914 et 1945
L’historiographie post-Guerre Froide, emprunte de victimisation et de déconstruction historique a, depuis bientôt 20 ans, fait la part belle aux troupes coloniales françaises, argumentant que ce sont elles qui ont défendu la France en 1914-1918 et en 1939-1945. Un bref rappel historique s’impose, tant pour rétablir la vérité historique, mais aussi pour redonner à l’histoire de France et des Français sa place normale.
Lors de la Première Guerre mondiale, les effectifs français sont les suivants : 8 millions d’hommes sont mobilisés entre 1914 et 1918. C’est un chiffre équivalent au Royaume-Uni qui en arma 9 millions. Quelle part de soldats dits « coloniaux » à savoir les autochtones mobilisés pour le compte de la République française ? On estime à 600 000 le nombre de soldats issus des colonies françaises, en grande majorité venus d’Afrique (7,5% des effectifs totaux). Pour les Britanniques, à titre de comparaison, ce sont plus d’1,4 millions d’hommes issus de l’Empire qui participeront à la guerre notamment des Indiens (15,6% de l’ensemble des effectifs britanniques). Et pour la Seconde Guerre mondiale ? Entre 1939 et 1945, une multitude de chiffres pullulent mais aucun qui permette d’évaluer un total entre la mobilisation de 1939, l’Armée d’armistice de Vichy, l’Armée d’Afrique, les Forces françaises libres de De Gaulle, ou encore le Corps expéditionnaire français en Italie et l’Armée de libération en France et en Allemagne entre 1944 et 1945. En additionnant tous ces chiffres et en essayant de donner une cohérence d’effectifs, il est possible d’évaluer à 4,78 millions le nombre d’hommes que pu mobiliser la France (pourraient-on dire « les Frances ») sur le front dont 492 000 coloniaux (10,3% des effectifs). Mais ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de précaution du fait qu’une simple addition est trompeuse : des hommes mobilisés en 1939, servant dans l’Armée d’Afrique puis l’Armée de libération peuvent ainsi être comptés trois fois…
On le voit assez aisément tout de même, les effectifs coloniaux, en France ne dépassent que difficilement les 10% des effectifs totaux. Comprenez que 90% des effectifs de la France en 1914-1918 et en 1939-1945 étaient des Français de métropole (l’Algérie française et les Pieds-noirs inclus). Alors pourquoi cette mise en avant du soldat magrébin, sénégalais ou tchadien ? Mourraient-ils plus que les autres ?
En 1918, la France compte 1 400 000 morts militaires. Parmi ces morts, on dénombre un chiffre consensuel de 84 000 coloniaux soit 6%. Ainsi, pour 100 morts, 94 étaient des Français et 6 des coloniaux. En 1945, le chiffre des morts militaire atteint 210 000 avec une estimation par l’historien russe Vadim Erlikman, la seule disponible, à 22 000 coloniaux (10,5% des morts militaires totales). Les pertes coloniales françaises sont donc logiquement équivalentes à leur représentation dans les effectifs totaux, peu importe le conflit mondial. Mais alors pourquoi une telle mise en avant ?
Pour la Première Guerre mondiale, aux vues des chiffres, nous sommes très loin de la masse indigène vantée par les médias, le cinéma ou le monde politique depuis les années 1990/2000. Si l’aide fut la bienvenue, c’est bien le sang français qui fut principalement versé à Verdun, dans la Somme ou encore au Chemin des dames. Pour la Seconde Guerre mondiale, le bilan est quasiment le même. L’explication à notre interrogation se trouve cependant ailleurs : dans le contexte.
En 1940, la France signe un armistice avec l’Allemagne. Limitée à 100 000 soldats, son armée échappe cependant à l’autorité de l’Occupant dans l’Empire, tant et si bien qu’environ 300 000 soldats s’y maintiennent. En effet, l’Armée d’Afrique constitue l’espoir de renouveau et de revanche pour l’Armée française. Mais cette armée n’était pas exclusivement composée de non-Français : les Pieds-noirs, citoyens français, comptent pour près de la moitié des effectifs. La lutte de pouvoir dans l’Empire et l’assise territoriale offerte par celle-ci à partir de 1943 explique grandement le rôle donné aux colonies dans la libération de la France. Effectivement, grâce à l’Empire colonial, la France demeurait une puissance démographique et territoriale là où d’autres pays en exil comme les Pays-Bas et la Pologne n’en avaient plus. Ainsi, jusqu’à la libération de la France, les indigènes représentent plus de 50% des effectifs (ce qui se ressent sur les décomptes des tués).
Pour autant, le rapport de force penche en faveur des Français dès la libération du territoire national puisqu’est réalisé l’amalgame entre les FFI et les troupes régulières : presque 200 000 FFI sont intégrées aux régiments, reléguant les coloniaux à environ un tiers des effectifs.
Finalement c’est de là que vient la confusion. Du fait de l’apport humain important au cours de la Seconde Guerre mondiale et en particulier entre 1942 et 1944 à une époque où la France était privée de son territoire historique et n’avait plus que son empire colonial, l’historiographie en a fait une norme à tel point qu’on assume que la France a été non seulement libérée avec le concours des armées indigènes, mais aussi défendue avec un lourd tribut. Or, même pour la Seconde Guerre mondiale, les pertes françaises représentent 89,5% des morts totales de la France soit 188 000 morts. Pour véritablement prendre la mesure de ce phénomène de société, il faut s’intéresser au révisionnisme victimaire en œuvre depuis les années 1990 et qui voudrait faire culpabiliser non-seulement la France mais aussi les Français pour la colonisation…
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mobilisation_fran%C3%A7aise_de_1939
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_fran%C3%A7aise_en_1940
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_d%27Afrique_(France)#La_Seconde_Guerre_mondiale
https://en.wikipedia.org/wiki/World_War_II_casualties#endnote_France