Le scrutin alternatif, sauveur de la crise politique actuelle ?

 
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Le mouvement des Gilets Jaunes apparaît en France courant octobre 2018 pour dénoncer la hausse des prix du carburant et pour lutter contre le coût exorbitant de la vie et l'inefficacité des politiques. Ce mouvement social affirme que le système politique actuel ne convient pas aux défis d'aujourd'hui et qu'une réforme profonde est nécessaire.

Mais ce système politique est-il vraiment inefficace ? L'inefficacité visible ne vient-elle pas plutôt du système électoral qui déçoit, fragilise et sculpte le clivage politique d'aujourd'hui ?

Le mode de scrutin aussi appelé système ou régime électoral, désigne tous les types de processus permettant la désignation de représentants par un corps électoral donné, souvent dans le cadre d’une élection où des candidats sont élus pour exercer un mandat public.

La France est un système politique semi présidentiel, il se caractérise par sa représentativité, c'est à dire que le peuple vote pour élire ses représentants qui s'occuperont de faire la Politique à la place de tous les citoyens. Ce système peut se voir comme le contraire du système politique démocratique direct, comme en Suisse, ou les citoyens participent activement à la Politique nationale notamment en utilisant massivement le référendum en dénigrant de ce fait une partie de cette représentativité.

Le système électoral français se structure pour les élections les plus importantes (présidentielles et législatives) comme un scrutin uninominal à deux tours. C'est à dire qu'on ne peut voter qu'une fois pour une seule personne par tour et que ceci ne dure que deux tours, ne gardant qu'un seul candidat élu. Ce système se voit comme l'évolution des centaines d'années de démocratie française, mais il n'est en fait que très inefficace vis à vis des multiples attentes que l'on peut attendre du mode d'élection de nos représentants politiques.

LE SYSTEME ELECTORAL ACTUEL INEFFICACE

L'élection décide du représentant qui décide de la politique menée pendant son mandat. Choisir son représentant revient donc à choisir le futur chemin que son pays empruntera, ceci est convenu et logique. Mais ce qui n'est pas convenu et non su c'est qu'un choix a été fait il y a un certain temps par les gouvernants sur la manière de choisir la future politique nationale, et que ce choix permet de modifier le résultat de l'élection, peu importe comment le peuple vote. Par déterminisme politique il est dit que le scrutin fait le vainqueur. Pourquoi donner une seule voix pour un seul candidat ? Pourquoi voter en deux tours ? Pourquoi user d’un scrutin majoritaire ? Pourquoi vivre en système représentatif ? Et pourquoi seuls quelques partis sur les dizaines existants permettent d'arriver au pouvoir ? Autant de questions qui interpellent et qui fragilisent la légitimité du système électoral actuel. De tous les problèmes, quelques-uns se distinguent de par leur importance.

Comme le dirait Emile Zola, j'accuse le scrutin actuel de créer un bipartisme manichéen minant le débat français, j'accuse le scrutin actuel de favoriser le vote utile et donc d'empêcher les français de voter selon leur volonté, j'accuse le scrutin actuel de fragiliser la légitimité des élus et donc d'alimenter la crise politique actuelle, j'accuse enfin le scrutin actuel de décevoir les français.

Le bipartisme sévit dans toutes les démocraties du monde, gauche contre droite, socialistes contre libéraux, religieux contre athées, démocrates contre républicains. En France c'est bien entendu le parti socialiste et le parti républicain qui, jusqu'à très récemment et la victoire de Macron, possédaient la plus grande partie des électeurs. Véritables masses ils ne laissent le pouvoir à aucun autre parti et contrôlent l'entièreté du débat politique. Les électeurs ne font que peu de débats au sein même de leur parti et se confortent de par les opinions de leurs congénères politiques, de ce fait ils dénigrent de plus en plus les autres opinions et soutiennent que s'ils ne sont pas avec nous, ils sont contre nous. C'est la naissance du manichéisme politique et sociologique, pas de place pour le compromis, pour l'entre deux, la fin du débat prolifique et le début du dialogue de sourd amenant cohabitations politiques et le changement régulier des partis politiques au pouvoir détruisant les travaux des vaincus, un mandat les républicains le mandat suivant les socialistes et ainsi de suite. Les deux partis étant favorisés par le scrutin actuel ils sont détenteurs de tous l'historique des mandats présidentiels et de l'immense majorité des sièges du Parlement. L'exemple le plus frappant de ce bipartisme est le clivage politique américain où démocrate et républicains s'affrontent et s'approprient le débat national, aucun autre parti ne parvient à prendre en puissance, aucun autre parti ne parvient à monopoliser des votes et à se faire entendre comme si la vision américaine ne pouvait désespéramment qu'être démocrate ou républicaine.

De même le problème du vote utile est une insulte à la démocratie. Empêchant les électeurs de voter selon leur véritable volonté et opinion, c'est la porte ouverte à la stratégie et au compromis menant à la crise de représentativité. Le scrutin uninominal à un et deux tours nous rend dépendants aux alternatives non pertinentes, au vote utile, à voter pour ceux qu'on ne soutient pas mais qu'on déteste le moins, à dénigrer nos pensées les plus profondes. Le souci du vote utile mène obligatoirement au problème de la représentation et de la légitimité des élus. Qui représentent-ils s'ils sont élus par une majorité d'électeurs ne les soutenant que par fatalisme et que par second choix ? C'est ainsi que le Président de la République Emmanuel Macron, à peine au pouvoir, était accusé d'avoir été élu alors qu'une minorité de français le soutenait, d'avoir gagné non pas du fait de sa personne mais du fait de la personne de son opposant, à savoir Marine Le Pen. 

Il est donc logique que les français, et peuples du monde, soient déçus de leurs classes politiques, soient déçus de leurs modes de suffrages et donc votent blanc ou s'abstiennent, et donc critiquent et remplissent les rues de leur mécontentement. 

UNE REFORME ELECTORALE, UNE REFORME DU POLITIQUE

Si la politique actuelle est bien décidée par le mode de scrutin, si la crise sociétale et politique d'aujourd'hui est la conséquence des défauts du système électoral alors il convient d'étudier les autres alternatives à ce système pouvant apporter des solutions aux multiples défis et enjeux qui minent la France actuelle. Plusieurs alternatives sortantes des sentiers battus permettent de changer le paysage politique.

Le scrutin de De Borda, du nom de son créateur, consiste à noter les candidats politiques. Une note est attribuée, entre 1 et 10 par exemple, en fonction de l'intérêt porté par le candidat et son programme. Ce vote alternatif se distingue complètement du mode de scrutin actuel uninominal à deux tours et peut rebuter, mais ce scrutin peut détruire le dilemme du vote utile et donc mettre fin à la crise de représentation actuelle. Une fois les notes données et le scrutin terminé il convient de prendre la médiane des notes pour obtenir la note finale du candidat ; ceci est appelé le jugement majoritaire. Celui disposant de la meilleure note est élu. Ce vote par notation permet d'exprimer son vote conformément à sa volonté et non plus de voter utilement pour le candidat ayant le plus de chance d'être élu et se situant le plus prêt de notre ligne politique. Le problème de ce scrutin est la mauvaise foi possible de l'Homme, mettant systématiquement 0 et 10 aux candidats détestés et voulus et donc faussant le vote.

C'est ici qu'intervient un autre mode de suffrage, le scrutin de Condorcet, du nom de son créateur. Ce système électoral repose sur un principe très simple ; Si une alternative est préférée à toute autre par la majorité alors celle-ci doit être élue. Ce scrutin se veut la solution ultime au vote utile, au bipartisme et à la crise de légitimé actuelle. Non plus une note il s'agit de classer les candidats par ordre de préférence, cet ordre revenant à faire un duel entre chaque candidat, il s'agit de faire un classement du plus au moins aimé. Faire la moyenne des ordres de préférences revient à montrer l'ordre final, le candidat le plus désiré est celui en haut du classement. Ici plus de problème de mauvaise foi, cet ordre de préférence ne peut être utilisé comme les notes de De Borda. Le seul problème potentiel vient d'une égalité parfaite de classement, ce qui est hautement improbable au vu du nombre d'électeurs et ce qui peut être évité grâce à des règles mathématiques ( voir la source concernant le scrutin de Condorcet randomisé pour plus de précisions.) Le scrutin de Condorcet est donc le mode de suffrage ultime détruisant le vote utile, réglant de ce fait le problème de légitimité politique des élus, représentant le mieux les volontés des électeurs car bannissant le bipartisme, manichéisme pervers manipulant les opinions politiques et sociétales.

Ces modes de scrutins alternatifs permettraient ainsi de résoudre en partie la crise française actuelle, d'ouvrir la porte à une nouvelle politique disposant de plus de légitimité et de rendre le peuple souverain plus qu'il ne l'a jamais été. Il existe bien entendu des dizaines d'autres suffrages alternatifs permettant des résultats semblables. Ces changements politiques pourraient s'accompagner de potentielles évolutions traçant un paysage politique différent de celui d'aujourd'hui. Une utilisation plus marquée du référendum, un mandat présidentiel plus long, un Président de la République plus facilement atteignable par le Parlement où même l'inverse, les possibilités sont nombreuses et à débattre afin de forger le Politique, et donc la société de demain.

 

Sources:

Le livre How to see and shape the future with game theory de Bruce Bueno De Mesquita.

Le livre The dictator's handbook de Bruce Bueno De Mesquita.

Le livre Introduction à l'analyse géopolitique de Olivier Zajec.

https://www.youtube.com/watch?v=fBYCoPAmpr4&t=628s

https://www.youtube.com/watch?v=UIQki2ETZhY&t=611s

https://www.youtube.com/watch?v=wKimU8jy2a8&t=1s

https://www.youtube.com/watch?v=ZoGH7d51bvc&t=313s

https://sciencetonnante.wordpress.com/2012/04/23/le-paradoxe-de-condorcet/

https://www.lacontreelection.com/