Le système électoral est-il juste ? Débat entre efficacité et représentativité.

 
Photo by Ferran Feixas on Unsplash
 

Le 28 août dernier, la ministre de la Justice, Madame Nicole Belloubet, a présenté en Conseil des Ministres un projet de réforme constitutionnelle comprenant l’introduction du système proportionnel dans les élections législatives. Loin d’être une opération technique, cet aspect de la réforme touche au contraire à un des points fondamentaux de la démocratie : la légitimité des élus. 

Si «la démocratie est le moins pire des systèmes» selon Winston Churchill, un de ses paradoxes est qu’il n’existe aucun système électoral qui s’impose à un Etat démocratique ! On voit ainsi coexister deux grands types de systèmes dans de nombreux Etats de droit. Ce sont le système majoritaire et le système proportionnel. Il est intéressant de se pencher dessus. Comme l’a démontré le professeur de droit constitutionnel Maurice Duverger dans L’influence des systèmes électoraux sur la vie politique, il existe un lien entre le système électoral et la composition du paysage politique.  

Le système ou scrutin majoritaire vise avant-tout l’efficacité des institutions parlementaires. En effet, le principe de ce scrutin est d’assurer à une formation politique une majorité relativement stable. Dans ce système, le candidat ou la liste de candidats qui obtient le plus grands nombre de voix dans sa circonscription électorale l’emporte. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni utilisent ce système depuis quasiment l’institution du parlementarisme. Certains pays comme la France y ajoutent «le ballotage», un deuxième tour pour départager au mieux les candidats.  

Le scrutin majoritaire permet à une formation ou courant politique d’obtenir facilement la majorité dans un parlement, ce qui donne de la stabilité aux gouvernants. Cas exceptionnel, en 2010 au Royaume-Uni, les conservateurs sont arrivés en tête des suffrages mais ils ont dû former une alliance avec les libéraux pour former une majorité (épisode du Hung Parliament). En revanche, il est reproché à ce système de favoriser uniquement un nombre restreint de partis ou de courants. D’ailleurs, le nombre de sièges obtenus par une formation ne correspond pas à son pourcentage réel de voix. Le parti En Marche l’illustre parfaitement en décrochant 350 députés (sur 577) avec seulement 49% des voix.  

Le système ou scrutin proportionnel a pour but de faire correspondre l’assemblée parlementaire à la diversité des  votes du corps électoral. La représentativité est le mot d’ordre de ce système. Le scrutin proportionnel permet à une formation politique d’obtenir autant de sièges que cette formation a récolté de voix. Néanmoins, ce système peut être «tempéré» par l’existence d’un seuil électoral soit un nombre/pourcentage de voix à atteindre pour pouvoir aller siéger ou de circonscriptions électorales. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique ou encore Israël pratiquent le scrutin proportionnel. Mais, rien n’est parfait. Aucune formation (ou alors exceptionnellement) n’est majoritaire dans ce type de système ; cela nécessite des négociations pour rassembler une coalition. Or, qui dit négociation dit abandon de certains points de son programme pour un parti ou l’acceptation de ceux de son partenaire. Par ailleurs, rien ne garantit que le gagnant des élections se retrouve au pouvoir. La difficulté des négociations ont pour conséquence une longue période d’inactivité politique où aucune impulsion n’est donnée à la direction de l’Etat.  

La réforme constitutionnelle en projet a été un des points du «projet» du Président Emmanuel Macron. Il souhaite de la sorte mieux représenter à l’Assemblée nationale les différentes voix des Français tout en préservant une majorité stable pour l’exécutif. Une sorte d’  «en même temps» électoral ?  

Avec cette réforme, 20% des députés seraient élus au scrutin proportionnel. Les 80% restants de leurs collègues le seraient encore au scrutin majoritaire. On constate donc qu’aucun équilibre fondamental de la vie politique française ne serait bouleversé. Tout au plus, quelques députés du Rassemblement national ou de la France Insoumise viendraient grossir les rangs étroits de l’opposition.  

Pourtant, le choix du type de scrutin représente une question tellement importante que seul le peuple devrait trancher. Tellement importante que c’est par référendum que l’on devrait répondre aux  questions constitutionnelles fondamentales. Vox populi vox Dei !