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Les grands penseurs des idées politiques : Aristote ou l’animal politique

Buste d'Aristote. Marbre, copie romaine d'un original grec en bronze de Lysippse (vers 330 av. J.-C.)

Aristote né en 384 avant JC dans la région grecque de la Macédoine, il est issu d'une famille aisée. Durant une grande partie de sa vie, il vivra dans l'Académie fondée par Platon à Athènes, il est professeur dans l'école et disciple de son fondateur. Aristote est donc fortement influencé par le courant de pensée platonicien mais en rejette certaines idées. Il devient précepteur d'Alexandre de Macédoine, connu aujourd'hui sous le nom d'Alexandre le Grand, durant sa jeunesse. En désaccord avec des idées platoniciennes, il quitte l'Académie et fonde plusieurs écoles dont la plus connue est appelée le Lycée, il y étudie et enseigne la philosophie, la politique, la biologie, l'économie et encore d'autres domaines. Aristote dans les dernières années de sa vie doit fuir Athènes pour échapper aux manigances politiques et anti-macédonniennes et meurt en 322 avant JC. Ce penseur a une analyse expérimentale, et non en terme d’idéal. Il recherche les éventuels remèdes qui pourraient être efficaces pour soigner les « maladies » des différents cycles posés par Platon et étudie l'aspect humain pour former la meilleure politique pour la cité antique. C'est dans ce cadre qu'il écrit son principal ouvrage politique : Les Politiques (ou la politique en fonction de l'interprétation de l'ancien grec) composé de 8 livres écrits entre 335 et 323 avant JC qui explique son raisonnement.

Comment Aristote oriente t-il son approche de la politique de la cité avec l'approche sociologique de l'Homme et les enseignements de Platon ?

LA CITE, FORMATION DE LA COMMUNAUTÉ POLITIQUE

La première idée importante d’Aristote concerne la communauté politique, selon lui il s'agit d’une organisation politique qui apparaît à un certain stade du développement humain, c'est à dire dans une cité. Son point de départ concernant cette communauté politique est l’analyse de la sociabilité de l’Homme. Il en déduit l’idée que la cité est une nécessité à la nature sociale de celui ci. L’Homme est un animal politique ce qui veut dire qu'il est fait pour vivre en société, pour s’organiser politiquement. C’est pour l’Homme une obligation naturelle que de vivre dans le cadre d’une cité: celle ci ne résulte pas de la violence, ni d’un choix délibéré, ni de la raison. Aristote s’oppose donc à toute idée de contrat, qui sera le fondement de la cité chez les grands auteurs du 18ème siècle. Cette cité est l’aboutissement d’une évolution, d’un développement graduel de cette sociabilité humaine. Dans un premier temps il y a la famille, constituée autour des parents, naturelle dans la mesure où il s’agit de satisfaire des besoins, de procréer pour assurer la survie de l’espèce. Ensuite sous forme d'une deuxième étape plusieurs familles se regroupent, pour arriver à l’état d’un village. Elles vont vouloir dépasser la seule survie de l’espèce pour arriver à une union facilitant la lutte contre les multiples problèmes. Enfin dernière étape ; la cité, qui regroupe des villages. Ce regroupement a pour but d’assurer l’autarcie de la cité. Chaque village apporte sa technique, son savoir faire particulier pour créer un ensemble cohérent, un système complet avec une spécialisation des tâches, avec complémentarité et unité pour que ce regroupement se fasse correctement. Le but est l’indépendance politique, juridique, économique. Cette cité est un société parfaite, suffisamment étendue pour satisfaire tous les besoins, pour pouvoir se défendre facilement. Aristote montre par ceci que la cité est la finalité des familles. Il prend l’image du chêne et du gland. La cité est le stade du chêne. Elle peut agir en son nom propre, avec ses caractéristiques propres.

Une fois que la cité et donc la communauté politique est créée il s'agit de former le gouvernement qui fera la Politique de cette cité.

LA POLITEIA, GOUVERNEMENT IDÉAL

La deuxième étape du travail d’Aristote, après l’observation des éléments de la cité, est la typologie des pouvoirs et gouvernements.

A la suite de Platon, Aristote repère trois types de régimes, dans leur forme normale, puis dans leur forme corrompue ; La monarchie est le gouvernement d'un seul dans l’intérêt de tous. La cité remet le pouvoir dans les mains d’un seul qui gouverne. L'aristocratie est le gouvernement d'une élite dans l’intérêt de tous. Cette élite peut avoir plusieurs origines: intellectuelle, foncière, financière ou autre. Enfin dernier régime « sain » c'est la politeia, un gouvernement, qui se situe entre la démocratie (gouvernée par une populace non douée de raison) et l’aristocratie (reposant sur l’égoïsme de quelques uns). C’est le gouvernement du juste milieu: le gouvernement modéré, tempéré. Un grand nombre gouverne: ni tous, ni quelques uns. L’écart de niveau entre les hommes doit être le plus réduit possible.

Aristote estime que cette politeia est le meilleur modèle praticable. C’est le gouvernement de la classe moyenne. Cette classe peut parfois soutenir ce que souhaite l’élite, et parfois soutenir ce que souhaite la masse. Cela permet de créer un système équilibré. Dans ce système, la classe moyenne joue un rôle à la fois central et décisif. Ce système est donc un bon système puisque c’est le citoyen de la classe moyenne, ni trop riche ni trop pauvre, qui dirige : La modération est considérée comme une grande vertu. Aristote pense par cela que la classe moyenne est plus apte à gouverner que les très riches et plus apte à obéir que les très pauvres.

Le disciple de Platon ne se débarrasse pas de l’idée platonicienne des cycles qui sont par essence répétitifs, pour lui, il est dans la nature des choses que les régimes se dégradent, se pervertissent, « tombent malades », se corrompent. Dans ce raisonnement la monarchie devient tyrannie, le gouvernement d’un seul dans son intérêt personnel. L’aristocratie se corrompe en oligarchie, quelques uns gouvernent dans l’intérêt d’une seule minorité. Et la politeia se corrompt en démocratie, la masse, qui gouverne non pas dans l’intérêt de tous mais dans l’intérêt des pauvres.

Dans sa réflexion Aristote fait aussi une distinction dans les lois, entre une loi fondamentale qui décrirait l’âme propre de la cité, une sorte de constitution, avec différentes autres lois de moindre importance. Il établit donc une sorte de hiérarchie des normes dans la politique peut importe le régime.

Le remède des régimes politiques selon Aristote, dans tous les cas, c’est la modération, l'équilibre. Il le conseille aux dirigeants quel que soit le régime politique, c'est la clef permettant la meilleure politique possible pour la cité et donc pour les Hommes.

BIBLIOGRAPHIE

Histoire des idées politiques, la pensée occidentale de l'antiquité à nos jours de Olivier Nay

Les Politiques d'Aristote

Histoire des idées politiques de l'antiquité et au Moyen Age de Philippe Nemo

Les idées politiques, de Platon à Marx de Michel Duquette et Diane Lamoureux