Les Provinces Unies, de l’âge d’or à l’effacement
Article écrit par Bastien P.
Les Provinces Unies sont une union de différentes provinces calvinistes du nord de l’Europe. Au XVIe siècle, les Pays-Bas s’étendent sur les territoires des actuels Pays-Bas, Belgique et Luxembourg. Ils sont sous le contrôle des Habsbourg d’Espagne. A partir de 1560, Philipe II, roi d’Espagne, travaille à accentuer son emprise sur ces terres et à réinstaurer le catholicisme comme religion majoritaire.
Ainsi débute la « Guerre de Quatre-Vingts ans » (1568-1648). Les Pays-Bas, menés par Guillaume d’Orange, dit « Le Taciturne », remportent une première victoire en 1579 contre le duc d’Albe. Mais, une partie de la population souhaite rester fidèle à Philipe II et constitue l’Union d’Arras. En réponse, les états souhaitant continuer la lutte, forment l’Union d’Utrecht. Une décennie plus tard, ils s’unissent sous la « République des Provinces-Unies ».
Une puissance marchande
En 1602 est fondée la Compagnie Unifiée des Indes Hollandaises (VOC) qui regroupe tous les armateurs présents dans les Provinces Unies. Cette décision est prise dans le but d’éviter toute concurrence qui pourrait jouer sur les prix. En effet, la situation est exceptionnelle : alors que depuis plusieurs décennies l’océan Atlantique est sous le contrôle des flottes espagnoles et portugaises, plus de 60 navires hollandais réussissent l’exploit d’atteindre l’océan Indien entre 1598 et 1602. Cette nouvelle route de commerce permet aux occidentaux de commercer jusqu’en Chine et au Japon. Les bénéfices sur une cargaison peuvent aller jusqu’à 265%.
La VOC devient rapidement une puissance extrêmement importante, selon le mot de Richelieu, elle devient un véritable Etat dans l’Etat. Grâce aux nombreux accords commerciaux et diplomatiques qu’elle signe, elle obtient la possibilité d’armer une vraie armada marchande et militaire. En 1670, en plus de ses 150 bâtiments de commerce, la VOC arme également 40 bâtiments de guerre, soit quasiment l’envergure de la marine de guerre française sous Louis XIV avant les réformes de Colbert. Pour sécuriser ses voies commerciales la compagnie se doit de posséder des comptoirs qu’elle protège en se dotant d’une armée de mercenaires de 12 000 hommes.
La VOC acquiert durant le début du XVIIe siècle un quasi-monopole sur les exportations d’épices et finance de nombreuses expéditions. Les plus connues sont celles d’Abel Tasman, qui permettent de découvrir notamment l’île Maurice, la Nouvelle-Zélande et les Tongas. La compagnie est connue comme étant la toute première société anonyme de l’Histoire : elle est cotée à la bourse d’Amsterdam et ses actions pèsent 3000 florins à l’unité, ce qui est très important à l’époque. Son capital dépasse les 60 tonnes d’or soit 10 fois celui de son homologue britannique.
Le déclin des Provinces Unis
Cependant, à partir de 1650, l’Angleterre, pour favoriser sa marine marchande et la construction de sa Navy, commence à pratiquer le protectionnisme en instaurant un monopole sur les importations pour les navires anglais. Cela préfigure le déclin des Provinces Unies. Malgré une victoire de leur flamboyant amiral, Ruyter, sur la marine anglaise en 1667, le bilan militaire est catastrophique. En 1672, la France, durant la guerre de Hollande inflige de lourdes défaites aux forces hollandaises.
Le XVIIIe siècle se traduit pour les Provinces Unies par une véritable descente aux enfers. Les échanges commerciaux se tarissent face à la nouvelle puissance maritime anglaise. Les importations comme les exportations sont en chute libre. Entre 1730 et 1750, la production de papier, l’un de leurs piliers économiques, passe de 150 000 rames à seulement 80 000. Cette baisse des échanges commerciaux va avec un effondrement des constructions navales.
Selon l’historien Thierry Allain, ce déclassement s’explique par la croissance importante des économies française et britannique, qui n’a laissé aucune chance à celle des Provinces Unies, peuplées de seulement deux millions d’habitants, alors qu’à la même époque, la population anglaise s’élevait à quasiment 7 millions et celle de la France à plus de 24 millions.
Sa perte de puissance militaire l’oblige à se trouver de puissants alliés. Pour échapper à l’ogre français, les Provinces Unies se rapprochent de l’Angleterre, puis de la Prusse. Ces derniers obtiennent que la république se transforme en monarchie. Devant cet affront, les républicains hollandais tentent de reprendre la main. Cependant, une dernière guerre anglo-hollandaise (1780-1784) et l’intervention de la Prusse, met définitivement fin aux volontés d’indépendance de l’ancienne République. L’occupation du pays, en 1795, par la France révolutionnaire et la dissolution de la VOC en 1799 finit le travail débuté par l’Angleterre et la Prusse. Les Provinces Unies ne sont plus.
Conclusion
Les Provinces Unies furent une thalassocratie, qui, tel Athènes, Carthage et Venise, basa son influence et sa puissance sur le contrôle des mers. En plus de rayonner par sa marine marchande, les Provinces Unies furent le centre culturel et artistique de l’Europe du XVIIe siècle. On y retrouva des peintres de renom tels que Rembrandt, Jan Vermeer et Frans Hals, ainsi que d’importants philosophes avec Baruch Spinoza et René Descartes. Les Provinces Unies peuvent se targuer d’avoir, par leur rayonnement économique et culturel, été l’un des acteurs principaux du XVI et XVII ainsi que d’avoir marqué de leur empreinte notre monde contemporain.
Sources :
https://www.revueconflits.com/provinces-unies-pays-bas-grande-strategie-thalassocratie/