L’immigration et la crise belge

 
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En décembre 2018, le gouvernement de centre-droit de Premier ministre Charles Michel perdait sa majorité absolue suite au départ de la NVA (nationaliste conservateur flamand) de sa majorité. Que reprochaient les nationalistes au libéral francophone ? Pendant les cinq ans de la législature, il avait été un remarquable chef de gouvernement. Ses réformes semblaient porter leurs fruits et il avait été loué pour sa gestion d’une coalition que ses détracteurs politiques et médiatiques qualifiaient de « kamikaze ».

C’est, qu’en décembre 2019, la Belgique s’apprêtait à signer le « Pacte de Marrakech ». Or les nationalistes, doublés sur leur droite par leurs frères ennemis du Vlaams Belang, voulaient montrer en s’y opposant le respect de la vox populi.

L’immigration est un sujet important. Le réveil d’une conscience environnementale dans la jeunesse ou le retour du séparatisme flamand ne doivent pas l’occulter. Et pour cause ! La Belgique a connu le premier gouvernement minoritaire de son Histoire puis une crise interminable pas encore achevée à cause de l’immigration. Une gageure dans un pays habituellement régi par une symbiose entre le Parlement et un gouvernement de coalition longuement négociée. La question migratoire est un thème qui préoccupe bon nombre d’Européens et cela a joué lors des élections générales de mai 2019. C’est une question de long terme qui influence à terme l’identité, la cohésion nationale, notre modèle de société. Rien que pour cela, il faut oser un débat sans tabou, libéré des fake news (les puristes diront infox), des slogans et des postures de principes.

«La Belgique a toujours été un pays d’immigration» entend-on souvent chez les défenseurs des frontières ouvertes. Maria Fernanda Espinosa, présidente de l'Assemblée générale des Nations Unies pourrait renchérir : «L'histoire de l'humanité, c'est l'histoire de la migration.» Et qui pourrait leur donner tort à la lecture de l’Histoire ? Les migrations germaniques du Ve siècle PCN ont donné naissance à l’Europe moderne avec les Francs. Des «immigrés» byzantins ont rapporté en Italie des savoirs pour enclencher la Renaissance en 1453. Phénomène plus contemporain, les échanges sont de plus en plus nombreux entre citoyens des États-membres de l’Union européenne («couples Erasmus») tendraient à rapprocher les peuples du continent.

L’immigration, en terme économique, serait un phénomène gagnant pour le pays accueillant. Rien que sur le dossier des pensions, la venue de jeunes travailleurs pourraient rembourser les frais des futurs retraités. Cependant, à mon sens, cette question s’avère secondaire.

Avec une population comptant 16% d’étrangers (dont 8% de non-européens), la Belgique semble déjà être devenue une société multiculturelle. Alors pourquoi tant de débat sur le Pacte des Nations Unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ?

Tout d’abord, si l’immigration est un phénomène humain récurrent, ce phénomène est souvent provoqué par une crise originelle et se propage aux nouveaux territoires des immigrants. Pour reprendre un exemple historique, l’arrivée des peuples germaniques a causé la chute de Rome et plongé l’Europe dans un âge de chaos qui ne finira que sous Charlemagne. Certes, il est normal de fuir les conflits pour certaines catégories parmi les plus fragiles. Et, on prendra l’Exode de 1940 comme illustration. Mais, est-ce vraiment comparable ? Les Allemands en 1940 étaient une puissance totalitaire et raciste et ils ne respectaient aucunement les populations civiles sur un territoire comprenant le Benelux et quasi toute la France. Aujourd’hui, on trouve des vagues migratoires venant de pays qui ne connaissent pas de situation de conflits armés.

Évidemment, et il serait hors de question de transiger là-dessus, notre pays doit accueillir et accueille les réfugiés. Des gens qui ne quittent pas leur maison volontairement mais qui la fuient pour cause de conflits, de dictatures ou de danger imminent comme un génocide. En réalité, la Belgique est déjà du «bon côté de l’Histoire» pour reprendre l’expression de l’ancien Premier ministre commentant sa signature !  

Mais, peut-on vraiment accepter de voir des pays, qui en ont vitalement besoin, se vider de leur population active sous prétexte que l’Europe serait un Eldorado ? «Fuite des cerveaux» mais aussi fuite des bras, fuite de la sueur pour les États qui doivent se développer, se moderniser et s’adapter au XXIe siècle sous peine de rester à la marge des affaires du monde. Et des progrès se font pourtant…

La venue de nouveaux arrivés enclenche de nouveaux défis dont le plus important est celui de l’intégration. Selon les avocats de l’immigration, une société où coexistent diverses cultures sur un même pied représente l’apothéose à atteindre. Or, les sociétés multiculturelles ont tendance soit à mal finir soit à favoriser une communauté-caste. Dans une société multiculturelle, les communautés se replient sur elle-même et se regardent en chien de faïence, reprochant aux autres des avantages qu’elles n’ont pas. Le lien de confiance entre citoyens baisse au fur et à mesure que s’érigent des ghettos. La perte de confiance envers les politiques de tout bord confondu peut s’y expliquer.

Pour l’instant, cela n’a débouché dans le Plat Pays que sur des individus aux noms tristement célèbres : Nemmouche, Abdelslam,… Mais, il existe des pays qui n’ont pas encore cicatrisé après une saignée autrement plus grande : Liban, Afrique du Sud, Israël… Même les États-Unis sont un parangon de société multiculturelle ! Un seul Président catholique parmi les WASP et un seul Noir…. Dans une nation où les policiers ont souvent avec cette communauté la gâchette facile…

Sans nuire aux libertés fondamentales de chacun, sans laïciser l’espace public et les esprits, l’existence de valeurs communes indélogeables se trouve être indispensable pour notre société. L’illusoire vivre ensemble doit être remplacé par le vivre belge. Comme l’écrit Laurent Gaudé dans Eldorado, «on abandonne toujours quelque chose à chaque frontière que l’on franchit». Vivre en Belgique implique de se plier au contrat social belge. Sur cela, transiger est impossible car cela revient à compromettre les libertés fondamentales tel la liberté d’opinion, ou la liberté de la faire connaitre.

In fine, fallait-il signer le Pacte de Marrakech ? Car, qu’est-il inscrit sur ce document, au demeurant non-contraignant ? Il y est inscrit que la migration relève de la souveraineté des États (qui aurait pu en douter ?). Par conséquent, c’est aux États d’organiser à leur gré et, dans un vain espoir démocratique, selon la volonté des peuples, leur régime migratoire. D’ailleurs, d’autres régimes internationaux existent au niveau local. Rien que sur notre Ancien Continent, c’est une compétence de l’Union en vertu des articles 79 et 80 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Que reste-t-il donc de ce Pacte ? Des paragraphes symboliques y faisant l’apologie de la migration… Ces symboles ne valent décidément pas l’immobilisme et les nouvelles passions qu’ils ont provoqués. Le problème de la migration n’est pas celui des migrants. Ce n’est pas celui des Belges. Il s’agit d’un dossier mal géré par des idéologues affichant les vertus de leur doctrine comme une Bible nouvelle.