terra bellum

View Original

Militaris : SPAD, l'écurie des As

La Société de production des aéroplanes Deperdussin (SPAD) est une des premières entreprises aéronautiques françaises. Ses modèles les plus performants, montures des « chevaliers du ciel » français au cours de la Première Guerre mondiale, vont rapidement entrer dans la légende…

La structuration

Au début du XXème siècle, l’aviation naissante est en pleine effervescence. La France, pays aéronautique par excellence en cela qu’elle fut le berceau de l’avion (Clément Ader et le vol de son Éole), voit ainsi se développer un ensemble d’entreprises familiales ou particulières autour de cette nouvelle machine volante. C’est dans cette atmosphère qu’Armand Deperdussin, un représentant de commerce parisien, va s’éprendre de passion pour cette nouvelle technologie. Magnat de la soie, il commence la fabrication d’aéroplanes avec plusieurs associés dont l’un, Louis Béchereau, lui permettra de fonder sa deuxième société : la S.P.A.D.

Ayant établi son quartier général sur l’aérodrome de Champagne, l’entreprise va balbutier dans l’ombre des procès financiers à l’encontre de son président, soupçonné de détournements de fonds. Pour autant, les premiers modèles sont une réussite technique indéniable. Le Monocoque de 1912 étonne par sa conception ultramoderne : monoplan à aile médiane, fuselage monocoque en bois moulé, aérodynamisme, moteur 14 cylindres à refroidissement air de 160 ch permettant une vitesse maximale de 210 km/h… C’est l’avion de tous les records : premier vainqueur de la Coupe Schneider et détendeur de nombreuses performances de vitesse.

Le SPAD Monocoque (1912)

Alors que la guerre approche, un certain Louis Blériot, premier à avoir traversé la Manche en avion, va racheter l’entreprise. C’est le début d’un âge d’or.

La monture des As

La Première Guerre mondiale est moins connue pour ses affrontements aériens que pour sa boucherie terrestre. Toujours dirigé par Louis Béchereau, ingénieur en chef, l’entreprise va rapidement se propulser vers les sommets du monde militaro-industriel de sorte qu’à l’Armistice venu, presque 16 000 aéroplanes avaient été fabriqués par la firme française. Parmi ceux-ci, les légendaires modèles S.VII et S.XIII.

Le SPAD S.VII est un biplan fait de bois et de toile propulsé par un moteur Hispano-Suiza 8 cylindres en V refroidis par eau développant 180 ch. Déployé à la fin de l’année 1916, ce modèle sera produit à 5 600 exemplaires pour le compte des armées françaises, belges, russes, italiennes et américaines. Mais ce sera surtout l’avion emblématique de Georges Guynemer, second as tricolore du conflit, qui y fera l’essentiel de ses victoires aériennes sur l’ennemi allemand. D’ailleurs, il est à rappeler que ce dernier contribua largement à la conception et l’amélioration des modèles produits par la société.

Le SPAD S. XIII, introduit quelques mois plus tard, est une version améliorée du précédent. Porté à 220 ch pour une vitesse maximale de 220 km/h, il excellera dans les mains des plus prestigieux pilotes qu’ait compté l’Armée française : René Fonck, l’as des as, Georges Guynemer, Charles Nungesser mais aussi l’Italien au cheval cabré Francesco Baracca. Produit à presque 8 500 exemplaires, il est une réussite technique évidente qui acheva de confirmer la supériorité aérienne française sur le front occidental. Considéré comme « le meilleur chasseur de l’époque », il permit aux Alliés de nettoyer le ciel de France des avions à croix noires. Si la version VII était la monture de Guynemer, le modèle XIII sera celle de Fonck qui y signera l’écrasante majorité de ses 75 victoires homologuées (on estime à 107 son nombre de victoires aériennes totales faisant de lui le pilote le plus talentueux du conflit tous camps confondus).

SPAD S.XIII du capitaine René Fonck, as des as de la Première Guerre mondiale avec 107 victoires dont 75 homologuées


René Fonck (1894-1953)

Georges Guynemer (1894-1918)

La descente aux enfers

Au sortir de la guerre, SPAD est dans une situation de quasi-monopole sur la dotation aérienne française. Pour autant, l’après-guerre et la diminution des effectifs militaires condamnèrent l’entreprise à la faillite. C’est ainsi qu’en 1921, Louis Blériot fusionna la SPAD et sa propre entreprise Blériot Aéronautique pour ne plus faire qu’une seule entité. Concurrencée par de nouveaux acteurs dont Dewoitine ou Morane-Saulnier, l’entreprise ne survivra pas aux nationalisations du Front Populaire qui donnera naissance à la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO), ancêtre de Sud-Aviation puis d’Aérospatiale, mère du Concorde

Concorde, héritier lointain du génie aéronautique français de Blériot-SPAD

Sources :

French Aircraft of the First World War, Dr. James Davilla (1997)

French Aeroplanes Before the Great War, Leonard Opdycke (1999)

Dictionnaire de la Grande Guerre 1914-1918, François Cochet & Rémy Porte (2008)