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Pourquoi une révolution diplomatique est-elle indispensable ? (2/2)

La 1re escadrille de Normandie-Niemen : Rouen (commandant Albert). Debout de gauche à droite: de La Poype, Bertrand, Faurouy, Amarger, Cuffaut, Bagnères, Deschanet. Assis: Lorillon, Marchi, de Saint-Phalle, Iribarne, Casneuve, Roger Sauvage (Amicale des FAFL).


Avertissement : Le présent article n’est que l’expression de l’opinion diplomatique de son auteur et n’engage en rien ni Terra Bellum ni ses fondateurs ni ses autres auteurs.



Créée en 1904 pour lutter contre l’hégémonie allemande en Europe, l’alliance française avec le monde anglo-saxon semble bien plus maléfique à long terme que bénéfique. Si l’ennemi germanique a été vaincu – du moins sur le plan militaire – force est de constater que le Nouvel Ordre mondial échoue à créer prospérité, stabilité et paix. Pire encore, les dérives de l’individualisme, du consumérisme et du capitalisme américains (pourtant aux fondements de la force américaine), ont conduit à une crise sociétale majeure de l’Occident. Dans ce contexte, il est nécessaire de repenser le jeu actuel des alliances sans quoi la France risque bien des malheurs.

Et pourquoi pas l’Europe ?

C’est un poncif vieux comme les années 1980 : pour faire le poids face aux États-Unis, il faut faire l’Europe. Derrière cet argument de vente destiné au traité de Maastricht, se cache une réalité bien plus simple et froide : l’union du continent est impossible car elle n’a rien d’européenne. Dès le départ, la construction d’un bloc européen supranational est envisagée en Europe comme en Amérique par les partisans de l’atlantisme et du déclinisme : le Vieux-Continent a failli, place au Nouveau-Monde ! C’est ainsi que virent le jour des projets comme la Société des Nations, la Communauté économique européenne ou l’Organisation des Nations-Unies – des projets supranationaux destinés à contraindre les États-nations à la paix, bien souvent contre leur gré et de façon artificielle. D’autant plus après l’entrée du Royaume-Uni dans les institutions communautaires, la construction européenne est pilotée par l’Amérique pour neutraliser toute velléité de résurrection.

C’est ainsi que le traité de l’Élysée, censé instaurer une collaboration plus étroite entre France et Allemagne – au profit de la seule France – se trouve réduit au statut de simple déclaration d’intentions par le parlement allemand, entraînant la fureur du président Charles de Gaulle. Qu’on se le dise : entre l’Europe et l’Amérique, l’Europe choisira toujours l’Amérique. Preuve en est avec la préférence d’achat de F/A-18 Super Hornet par l’armée de l’Air allemande en 2020 plutôt que d’avions de combat européens à l’instar du Rafale français ou du Grippen suédois. Mis à part la France, quasiment tous les pays de l’OTAN utilisent de l’armement et du matériel de conception américaine. Finalement, seuls quelques nations jouent encore le jeu européen comme l’Italie qui achète à la France des frégates FREM ou la Grèce des Rafale pour se protéger de la Turquie.

Charles de Gaulle l’avait déjà compris dès 1963 : la France n’a plus son rôle en Europe. Pour continuer d’exister, il lui faut prendre et affirmer une voix mondiale, pragmatique et souveraine. Dès lors, inutile de rester dans une Union européenne dominée par l’atlantisme naïf et mortifère. Première condition d’accès à une révolution diplomatique : la sortie des institutions européennes et atlantistes avec un retour à la souveraineté nationale.


La Russie et la Chine : acteurs majeurs, alliés potentiels

Une fois la souveraineté et la liberté nationale recouvrée, vers qui se tourner ? Bien sûr, il s’agit d’un aller simple en dehors de l’ère d’influence américaine. Dès lors, quitte à s’opposer à Washington, autant s’allier à ceux qui remettent en cause le monopole américain sur le monde. En cela, deux candidats semblent constituer de parfaits alliés : la Russie et la Chine.

Les relations franco-russes sont complexes et denses mais toujours est-il que Moscou et Paris ont constamment entretenu des relations cordiales. Les premiers contacts entre les deux civilisations remontent au Moyen-Âge quand Anne de Kiev épousa le roi Henri de France (1051). Plus tard, quand la Russie moderne fut créée, la France des Bourbons ouvrit de nombreux canaux diplomatiques avec Moscou, tout intéressée qu’elle était par la position stratégique de l’Empire russe en Europe et les possibilités de revers vis-à-vis de l’Autriche des Habsbourg. De Louis XIV à la Révolution, la France et la Russie entretinrent d’excellentes relations commerciales et politiques, Pierre le Grand (1682-1725) affichant un respect sans bornes pour la puissance du Roi-Soleil. Malgré la Révolution et l’Empire, la France tenta de nombreux rapprochements avec la Russie qu’elle considérait comme son égal à l’est – en témoigne l’amitié (sincère ou feinte) entre l’empereur Napoléon et le tsar Alexandre. Le XIXème siècle, aux vues de l’instabilité politique française, est bien plus tumultueux voyant tantôt la Russie et la France en guerre (Crimée – 1853-56) tantôt alliés contre l’hégémonie allemande (1891). Malgré le communisme, la Russie vouait toujours une profonde admiration pour un pays qu’elle considère comme frère – la France ayant vécu la Commune de Paris, considéré comme l’élément fondateur du socialisme soviétique pour les Russes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la France libre déploya un régiment d’aviation de chasse – le Normandie-Niémen – sur le front de l’est, un geste diplomatique remarqué et apprécié par Staline qui soutint autant que possible la cause gaullienne auprès des Alliés. Enfin, en pleine Guerre Froide, le même De Gaulle n’hésita pas à sortir des rangs capitalistes pour ouvrir les bras à la Russie éternelle qu’il considérait comme un allié possible à moyen-long terme. Encore aujourd’hui, Paris et Moscou entretiennent des relations cordiales malgré l’influence russophobe des États-Unis qui entraîne la France contre son gré en condamnant automatiquement la Russie pour ses prétendus agissements…

Et pourquoi pas la Chine ? Érigé en grand-méchant loup par l’Amérique pour sa résurrection économique après des siècles de soumission, l’Empire du Milieu a, comme la Russie, une histoire longue et fascinante qui l’unit à la France. Déjà en 1700, Louis XIV envoya une ambassade vers la Chine. Les deux plus grandes puissances mondiales affichaient un respect partagé et une admiration équivalente, notamment grâce à la ressemblance politique entre le Roi-Soleil et l’empereur chinois Kangxi (1661-1722). Malheureusement, les relations s’effritèrent à partir de 1844 quand la France appliqua une politique coloniale vis-à-vis de la Chine, calquée sur l’attitude diplomatique britannique. Au cours du XXème siècle, un nouvel élan d’amitié franco-chinoise s’établit alors que le Japon devenait une menace commune (Indochine française). Mais lorsque la Chine devint communiste, la France s’aligna sur le grand frère américain… Là encore, en 1963, Charles de Gaulle innova en reconnaissant la République populaire, irritant un peu plus Washington. Après son départ, les relations sino-françaises furent – à l’instar des relations franco-russes – animées par les préjugés et idéologies héritées de l’Amérique. Œuvre notable cependant, le rôle du président Jacques Chirac, grand admirateur de l’Asie, qui permit l’établissement de liens militaires et scientifiques entre Pékin et Paris. Aujourd’hui, malgré la crise sanitaire de la Covid-19 et l’affrontement américano-chinois, la Chine affiche une grande admiration pour l’œuvre révolutionnaire française, en particulier l’abolition des privilèges (04/08/1789) ou encore la Commune de Paris (1871).


Conclusion

La Chine et la Russie sont donc deux nations aux liens étroits avec la France. De plus, ils affichent une attitude défiante envers un empire américain hégémonique et décadent. S’allier avec ces deux puissances historiques serait une opportunité rare pour une France en quête de résurrection, elle aussi. Rappelons d’ailleurs que ce serait également un renversement de rapport de force inédit au sein du Conseil de sécurité de l’ONU ; les trois pays formant un bloc contrebalançant les excès impérialistes de l’Amérique. Pour cela, il faudrait pour la France quitter l’Union européenne et l’OTAN mais aussi revoir tous ses schémas de pensée diplomatique hérités de la Guerre Froide ou même du début du siècle précédent. Car c’est ce vers quoi tend le pragmatisme : mettre de côté les idéaux et la confrontation idéologique stérile pour le bien commun de la communauté nationale. Ainsi, un axe Paris-Moscou-Pékin serait une révolution diplomatique telle qu’un nouvel ordre mondial pourrait émerger au profit de la France cette fois-ci, prenant sa revanche pour Waterloo, deux siècles plus tard…