Quelle politique pragmatique et conservatrice adopter face à l'Allemagne ?

La France et son voisin allemand ont depuis deux millénaires cultivé les amitiés et rivalités, les conflits guerriers ont simplement mué en batailles économiques, politiques et diplomatiques moins perceptibles.

UN ENNEMI HÉRÉDITAIRE ?

Alors que médias et politiques ne cessent de promouvoir « l’amitié franco-allemande » comme « moteur de l’Union européenne », les tensions grandissantes au sein de l’organisation européenne ne cessent d’opposer l’Allemagne, la France et le reste de l’Europe. Réduite en cendres en 1945, l’Allemagne a rapidement su se relever et s’affirmer en tant que puissance régionale et mondiale. Aujourd’hui, elle est le premier partenaire commercial de la majorité des pays d’Europe et la quatrième puissance économique mondiale derrière les États-Unis, la Chine et le Japon selon l’ONU, la Banque mondiale et le FMI. La France, pourtant la plus puissante des deux nations jusqu’à la réunification, est aujourd’hui soumise à la puissance allemande, chaque président nouvellement élu dédiant sa première visite à l’étranger pour l’Allemagne, comme pour se faire adouber.

Mais au-delà des tournures journalistiques et de la langue de bois, l’Allemagne constitue bien toujours un ennemi pour la France. Dans les faits, l’Allemagne est un concurrent au sein de l’Union européenne, profitant de son industrie lourde et de l’euro fort pour soumettre le reste de l’Europe. Mais peut-il en être réellement autrement ?

Depuis sa création en 1871, l’Allemagne contemporaine a toujours été un obstacle et un ennemi pour la France. Empire conquérant et hégémonique en Europe, il a tout fait pour diviser la France et la « saigner à blanc » (Général Falkenhayn durant la bataille de Verdun, 1916). Même vaincue, l’Allemagne républicaine préparait sa revanche alors que les politiciens français, Aristide Briand en première ligne, accumulaient les gestes d’amitié et de réconciliation naïves envers Berlin, le tout pour la « paix ». Héritière de Bismarck, l’Allemagne nazie réitèrera les succès de 1870 en écrasant la France de 1940 après des années de provocations et de violations des traités internationaux. Ce n’est pas pour rien que les anciens ennemis millénaires qu’étaient la France et l’Angleterre en sont venus à former une alliance contre-nature dès 1904, renouvelée en 1939.

Les Trente Glorieuses n’ont pas dérogé à la règle. Sous la protection et l’impulsion des Américains, les Allemands se remilitarisent, d’abord en voulant la création d’une armée commune européenne via la CED* (rejetée par les communistes et les gaullistes français en 1954) puis de façon autonome dès 1955. Si le contexte de Guerre Froide pouvait justifier un réarmement des pays européens dont l’Allemagne pour épauler l’Amérique et se défendre d’une agression, cela s’est fait au détriment des peuples, et notamment du peuple français, comme un avant-goût de l’Europe politique que nous connaissons… Avec l’industrialisation de l’Allemagne et la mondialisation, la France perdit peu à peu son rapport de force initial, largement construit par Charles de Gaulle pour soumettre l’Allemagne occidentale, galvaudé par les Atlantistes et Européistes français à commencer par le président Georges Pompidou dès 1969. La réunification, la monnaie unique et l’Union européenne finiront d’achever l’hégémonie allemande en Europe et dans le monde, au détriment de la France.

UNE POLITIQUE PRAGMATIQUE POUR CONTRER L’ALLEMAGNE

Dans ce contexte, que doit faire la France ? La première chose à faire est de dresser un constat, chose qui a été faite ci-dessus. Au-delà des bons sentiments, il faut afficher une attitude machiavélique (de Machiavel) qui revient à considérer son ennemi comme tel. Trop longtemps, la France a considéré l’Allemagne comme une amie (or, comme le disait De Gaulle, les nations n’ont pas d’amis, seulement des intérêts) et y a perdu son honneur, sa gloire et sa grandeur. Non, l’Europe n’est pas (plus) un tremplin pour la France, mais une fusée pour l’Allemagne. L’héritage de nos ancêtres, dans les auberges de Bazailles, dans les tranchées de Verdun ou le sable de Bir Hakeim, a été trahi. Désormais seule et unique puissance nucléaire au sein de l’Union européenne avec le Brexit, seule nation du continent à posséder une capacité de projection militaire mondiale (de façon partielle mais bien plus développée que Berlin, Madrid ou Rome), maître d’œuvre de tous les projets européens sans qui ces dits-projets seraient des échecs (Ariane, Airbus, SCAF, etc.), la France est devenue le pion servile de l’Union européenne et, par extension de l’Allemagne.

Si la politique conciliante mise en place depuis 1963, abandonnée dès 1964 (ce que se cachent bien de rappeler les organes de propagande européistes en évoquant vaguement la « politique de la chaise vide » pourtant bien concrète), et reprise en 1969 n’a donné aucun résultat, c’est qu’il faut changer de méthode. La France est une puissance économique, militaire, culturelle et industrielle de premier rang. De plus, c’est une nation millénaire qui a régulièrement fait la démonstration de sa puissance, parfois à 10 contre 1, avec une Europe entière coalisée contre elle. Ce pays est capable de s’opposer à Berlin, mais aussi à Washington, Moscou ou encore Pékin, sans l’aide illusoire de ses voisins aux intérêts tous divergents des siens. Car si elle n’ose pas se dresser une nouvelle fois contre l’Allemagne, si elle continue à sacrifier tous les acquis gagnés par le sang versé des aînés (siège à l’ONU, puissance nucléaire, aéronavale, savoir-faire technique et technologique, modèle social, etc.), la France continuera sa lente descente aux enfers, perdant influence et renommée.

Dans cette nouvelle guerre mondiale qu’est la mondialisation, les beaux principes et les sentiments n’ont pas leur place : seul triomphe le pragmatisme.

*CED : Communauté européenne de défense visant à la création d’une armée européenne.

Sources

Encensement de l’amitié franco-allemande dans les médias

https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/04-22-janvier-seite/1398320

https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-grandes-dates-de-l-amitie-franco-allemande-_NP_-2013-01-18-900832

https://www.lopinion.fr/edition/international/europe-couple-franco-allemand-toujours-necessaire-moins-en-moins-175421

https://www.france-allemagne.fr/La-France-et-l-Allemagne-au,1283.html

Les pays d’Europe et leurs partenaires commerciaux (2018)

https://www.reddit.com/r/MapPorn/comments/cgyq1w/largest_trading_partner_of_each_european_country/

Classement des puissances économiques, ONU, FMI et Banque mondiale (2019) https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_nominal

Déplacements des présidents Hollande et Macron en Allemagne (2012, 2017)

https://www.france-allemagne.fr/Premiere-visite-d-Emmanuel-Macron-President-de-la-Republique-a-Berlin-15-mai.html