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Les grands penseurs des idées politiques : Saint-Augustin & les deux cités

Saint-Augustin par Philippe de Champaigne (1645-1650)

Cet écrit s'inscrit dans le cadre d'une série vouée aux grands penseurs des idées politiques. Cette série chronologique aborde les idées des auteurs dans leur contexte ainsi que leur vie personnelle. Ces essais n'ont pour seule vocation que de structurer et de faire connaître dans les grandes lignes les idées politiques de ces penseurs. Une bibliographie est proposée à chaque fois pour ceux qui voudront développer leur savoir et approfondir leurs connaissances sur ces sujets.

Augustin d'Hippone né en 354 après JC à Thagaste, dans la région de l'Algérie actuelle. Il est important de dire qu'à cette période tout le pourtour méditerranéen ( qui était romain) était chrétien, la religion musulmane n'étant pas encore venue au monde. Augustin appartient à une classe romaine assez aisée ce qui lui permet de faire des études de lettres et de philosophie à Carthage, grande ville de l'empire romain. Il est de confession manichéenne ( religion venant de Perse) jusqu'à sa rencontre avec l'évêque Ambroise de Milan qui le persuade de se convertir au christianisme, cet Homme influence beaucoup de ses idées. Durant la partie de sa vie en Italie il enseigne et étudie lettres, philosophie, rhétorique. Il devient ensuite évêque d'Hippone, une ville dans l'actuelle région de l'Algérie. Très impliqué religieusement il combat par la plume son ancienne religion, le manichéisme et enseigne et étudie la théologie. Il apprend la chute de Rome en 410 et cela le marque beaucoup. C'est dans ce contexte qu'il écrit son œuvre la plus connue ; La cité de Dieu de 410 à 426 après JC. Du fait de l’effondrement de l'empire romain il meurt en 430 après JC en voyant sa ville d'Hippone se faire assiéger par les Vandales. Il est canonisé en 1298 du fait de son travail théologique considéré comme fondateur de l'Eglise chrétienne et devient Saint Augustin. Il laisse derrière lui une pensée théologique et politique considérant « deux cités », la cité de Dieu et la cité terrestre, des Hommes, ces cités étant reliées de part et d'autre.

Quels sont les rapports qui relient les « deux cités » de Saint Augustin ?

LA CITE DE L'HOMME SOUMISE A LA CITE DE DIEU

Les termes cité terrestre et cité de dieu peuvent être remplacés par la notion de pouvoir temporel et de pouvoir spirituel. Ces deux pouvoirs sont dualistes ; ils ne se trouvent pas sur le même plan et ne gouvernent pas au même niveau: c’est la notion d’augustinisme politique. En effet Augustin théorise l’idée de deux cités. La cité céleste est gouvernée par Dieu, qui dispose d'agents sur terre, l’Eglise (en tant qu'institution). La cité terrestre est administrée par les Hommes avec la nécessité de mettre en place un pouvoir politique. Le dualisme entre le spirituel et le temporel provoque une rupture par rapport aux religions païennes, où le roi est issu directement de Dieu. Ce dernier est le guide des Hommes du haut de sa cité, mais les laisse se gouverner eux mêmes. La pensée augustinienne considère que la cité terrestre doit être soumise à l’Eglise, au pouvoir ecclésiastique, en ce qu’il lui appartient de déterminer la morale qui doit régir les  comportements des Hommes en société. L'idée d'Augustin est que, sans renoncer à leur appartenance à une société temporelle, les chrétiens appartiennent toujours en même temps à une autre société universelle: "Deux amours ont donc fait deux cités, l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, la cité terrestre, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi, la Cité céleste. L'une se glorifie en elle-même, l'autre dans le Seigneur. L'une demande sa gloire aux hommes; l'autre tire sa plus grande gloire de Dieu, témoin de sa conscience." (La cité de Dieu, XIV, 2). La doctrine d'Augustin interdit de sacraliser les institutions temporelles, y compris l'Eglise. Même si elles sont distinctes, les cités n'en sont pas moins mêlées dans les faits et la Rome des papes n'est pas le paradis, ni celle des Césars, l'enfer.

En fin de compte, les deux cités poursuivent une même fin : la paix. Mais la paix n'est pas de même nature dans les deux cités. La paix de la cité terrestre n'est jamais définitive. Seule est éternelle la paix de la cité du ciel. Cette conviction de la supériorité du spirituel sur le temporel va s’épanouir: durant la deuxième moitié du Moyen-Age, il est acquit que le temporel est soumis.

Cette pensée dualiste amène logiquement à penser un régime politique particulier pour les Hommes, permettant de les relier au mieux au pouvoir spirituel.

L'ETAT SOUMIS A L'EGLISE

Saint Augustin reprend en partie les travaux de Platon et d'Ambroise de Milan qui lui permettent de forger une esquisse de la Politique de la cité terrestre (au sens politique pur du terme). Le prêtre Paul Orose aide aussi l'évêque d'Hippone à écrire les livres de La cité de Dieu et inspire en partie son raisonnement. Mais certains désaccords de pensée entre les deux ecclésiastiques permet à Saint Augustin de construire son idée de la politique de la cité de l'Homme en contradiction avec l'idée que les deux cités peuvent se confondre.  

Ce dernier opère un renversement total dans l’origine du pouvoir. Si pour les grecs Aristote et Platon le pouvoir provenait de la rationalité, le pouvoir chez Augustin prend sa source dans la création divine. Et malgré leur égalité, les hommes sont placés dans une position d’hétéronomie. On passe d’un ordre immanent, dans lequel les hommes maîtrisent leur destinée politique, à un ordre transcendant, dominé par Dieu. Augustin par ceci fait sienne la doctrine de l'origine divine du pouvoir du prince. Tant qu'il ne lui est pas prescrit d'accomplir un acte injuste, le chrétien doit être soumis à tout pouvoir légitime. Selon l'évêque d'Hippone en aucun cas la Cité terrestre, et moins encore la Cité de Dieu, ne doivent être confondues avec une forme précise de l'Etat quelle qu'elle soit; mais l'Etat peut, et doit même être utilisé pour les fins propres de l'Eglise, et, à travers elle, pour les fins de la Cité de Dieu. L’autonomie politique des hommes est donc limitée, ceux-ci doivent se remettre à Dieu. C’est ce motif qui justifie la théocratie: sans Dieu, les hommes vivant en communauté ne peuvent répandre que l'injustice. La pensée augustinienne n'étouffe donc pas l'autonomie du pouvoir temporel. Bien au contraire, elle lui donne sa véritable dimension en lui fixant des limites : l'Etat ne peut encadrer la totalité de l'existence humaine. L'homme et son espérance dépassent le cadre de la construction de l'Etat comme étant le domaine de l'action politique, c'est pour cela que l'Etat doit être au service du pouvoir spirituel, de l'Eglise donc et par finalité de Dieu afin d'apporter le salut et la paix à l'Homme. Ainsi, si Augustin ne pose pas vraiment la question du meilleur régime, selon lui la démocratie ne saurait être qu’un régime injuste, sans légitimité aucune. Saint Augustin avait donc par extension une conception du pouvoir autoritaire. Sa vision maintient une obligation d’obéissance pour les Hommes envers Dieu et son ou ses représentants. Par la suite Saint Thomas d'Aquin reprendra les thèmes de la pensée augustinienne, mais en y appliquant la méthode d’Aristote.

Saint Augustin est donc le précurseur de la théorie de la soumission du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel.

Bibliographie :

Histoire des idées politiques, la pensée occidentale de l'antiquité à nos jours de Olivier Nay

La cité de Dieu de Saint Augustin

La doctrine politique de Saint Augustin de Gustave Combes.

Œuvres philosophiques complètes de Saint Augustin de Maxence Caron. 

Augustin (saint-) et moi, fantaisie métaphysique et Pour réinventer la politique de Pascal Bouchard 

L'augustinisme politique : essai sur la formation des théories politiques du Moyen Âge de Henri-Xavier Arquillière.