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Star Wars IX - L’Ascension de Skywalker : un film conservateur ?

Kathleen Kennedy, directrice de Lucasfilm depuis son rachat par Disney en 2012, à la première du Réveil de la Force - Alberto E. Rodriguez / Getty Images

La présente analyse n’engage que son auteur et demeure un prisme de réflexions personnelles. Une œuvre cinématographique demeurant un objet d’art, ouvert par nature, il reste sujet à interprétations diverses et variées, parfois contradictoires. La critique comporte également un nombre important de divulgations (spoilers pour les feignants anglicistes), aussi est-il recommandé de voir le film au préalable.

Le 18 décembre 2019 s’achevait au cinéma le drame familial des Skywalker commencé voilà plus de 40 ans par l’Américain George Lucas. Fortement critiqué, comme l’ensemble de la nouvelle trilogie financée par la Walt Disney Compagny, le film n’en demeure pas moins une œuvre aux thématiques conservatrices et nationalistes.

Les Rougon-Macquart américains

La Guerre des étoiles est un drame familial centré autour de la dynastie Skywalker dans un contexte fictif d’opéra spatial. L’œuvre de George Lucas est aux Américains (et à la culture populaire mondialisée) ce que fut aux Français la saga des Rougon-Macquart d’Émile Zola en son temps (1870-1893). Comportant son lot d’intrigues politiques, épiques et de critiques sociales (à l’instar de tous les films de science-fiction qui ne sont qu’une analyse du monde contemporain), la saga se compose de neuf films présentés au cinéma de 1977 à 2019. Si l’œuvre a révolutionné le septième art de par ses effets spéciaux et son histoire universelle ; habile et exotique mélange de Japon des samouraïs et de Seconde Guerre mondiale, elle n’est pas restée exempte de critiques souvent acerbes, preuve s’il en est de l’attachement du public aux personnages présentés et événements narrés.

De la réhabilitation de la famille et de l’assimilation nationale

Quid de l’aspect conservateur et nationaliste du neuvième opus ? Celui-ci revient sur le trio de héros Rey, Finn et Poe Dameron, présentés dans Le Réveil de la Force (2015), luttant contre le maléfique Premier ordre dirigé par le Chef suprême Kylo Ren. Ce dernier remonte la trace du défunt empereur Palpatine, que tous croyaient mort. Ramené à la vie par l’obscure magie Sith, il a manipulé les protagonistes dans l’ombre pour pouvoir achever ce que son ancien apprenti Anakin Skywalker (également connu sous le nom de Dark Vador) l’a empêché de réaliser : régner sur la Galaxie. Désormais en position de force, il lance un ultimatum aux peuples libres et menace de réduire les mondes rebelles en cendres grâce à sa flotte d’innombrables vaisseaux destructeurs de planètes. Pour contrecarrer ses plans, les héros vont tout faire pour éliminer définitivement l’Empereur, quitte à s’allier à leurs ennemis comme Kylo Ren. Nous passerons outre le développement détaillé du film, pour nous concentrer sur les éléments qui appuient notre thèse.

Dans un premier temps, les précédents films de cette nouvelle trilogie ont développé le thème de la famille et de l’appartenance familiale en le personnage de Rey. Pilleuse d’épaves de la planète désertique Jakku, elle attend désespérément le retour de ses parents qui l’ont abandonné sur place. Le fait qu’elle n’ait pas de nom de famille ou de souvenir de sa filiation sont un traumatisme pour la jeune femme qui apparaît mentalement instable et cherche en tout homme un père (Han Solo, Luke Skywalker) et en toute femme une mère (Leia Organa). Parallèlement, on assiste à la chute de Ben Solo, fils de Han et Leia, qui n’hésite pas à tuer son père pour sombrer dans le côté obscur de la Force (le Mal), croyant que sa mort le délivrerait. Les épisodes VIII et IX nous démontre régulièrement l’inverse : il est hanté par l’assassinat de son géniteur. Dans Les Derniers Jedi (2017), Rey admet que ses parents n’étaient personne et décide d’être ce qu’elle veut être (pensée progressiste). Or, L’Ascension de Skywalker la ramène à son lignage : elle appartient à la dynastie Palpatine, celle de l’Empereur. Ce bouleversement l’amène, elle et le public à une réflexion : sommes-nous définis par le sang (vision noble) ou par le mérite (vision bourgeoise et libérale) ? Rey tranchera la question en se confrontant à sa famille et en finissant adoptée par les Skywalker. Outre la critique évidente du progressisme qui tend à détruire la famille en minorant voire niant les rôles parentaux, le neuvième film de la saga américaine amène à un nécessaire constat : un individu sans famille, sans passé, sans histoire, est un individu déséquilibré, traumatisé et en perpétuelle remise en question. Ici, l’adoption n’est pas subie, mais désirée, à l’instar de ce que devrait être une assimilation nationale. Rey Palpatine abandonne son passé, comme un immigré amoureux de la France abandonne un pays qui ne lui a jamais rien apporté, pour adhérer à un ensemble de valeurs véhiculés par la famille Skywalker. Le film démontre l’importance du nom de famille, non comme filiation, mais comme objet d’identification culturelle à l’instar d’un immigré qui abandonne les prénoms nationaux pour adopter ceux de la France. Rey Palpatine, petite-fille de l’Empereur, est désormais Rey Skywalker, dernier Jedi.

Un autre élément réhabilitant la famille est à mettre en avant. Lors de la confrontation finale contre l’Empereur, ce dernier constate que Rey est dans la même situation que Luke face à Vador des décennies plus tôt, et qu’il constitue la seule famille qu’elle possède. Or, Rey se rebelle, non contre la figure du père (ou ici du grand-père), mais contre l’abandon et la manipulation d’un ancêtre qui n’a pensé qu’à sa propre personne et son propre plaisir personnel à l’instar de parents qui adoptent, ou lancent des procédures de PMA/GPA pour satisfaire leurs envies égoïstes et consuméristes. Palpatine incarne cette société de consommation qui n’hésite pas à se débarrasser de son fils, de sa petite-fille ou de Kylo Ren pour atteindre ses objectifs. Le cas impérial est également intéressant en cela que son retour « contre-nature » permit par la Force est une critique évidente de la science utilisée dans ce but (là encore, on peut penser aisément à la PMA/GPA et aux modifications génétiques sur embryons, etc.). La Mort doit être acceptée comme une fin en soi et non comme un moyen. L’Homme sage (le Jedi) accepte la mort et la fatalité de sa condition quand le Fou (le Sith) refuse et sombre dans le caprice.

De la mémoire des Anciens et le respect associé

Au cours du film, il est intéressant de constater une réhabilitation du père, celle de Han Solo. Assassiné par Kylo Ren, celui-ci hante la mémoire de son fils, et ses conseils ainsi que son souvenir permettent à Ben Solo de renaître. Le sacrifice de la mère pour son enfant est également une marque antique d’amour et un lieu commun propre à la société pré-mondialiste.

Enfin, un élément crucial est à noter. Lors de l’assaut final de la Résistance sur la base impériale, Poe Dameron, commandant en chef, prononce un discours que les plus conservateurs apprécieront. Pour motiver les troupes, il les exhorte à se battre, non pour la liberté, mais pour les ancêtres « pères et mères » morts pour la Galaxie. Chaque bataille est un héritage, et la génération actuelle est dépositaire de la mémoire des Anciens qui ont combattu pour le pays. Le même réflexe nationaliste se retrouve dans le film à travers Rey, dépositaire de 2 000 générations de Jedi, qui tranche singulièrement avec les motivations cinématographiques habituelles de liberté, d’amour, de justice et de paix.

Conclusion

L’Ascension de Skywalker est un film conservateur et nationaliste. Il réhabilite la famille comme cadre nécessaire à l’épanouissement des enfants et critique violemment l’égoïsme des parents mondialistes qui, au mépris de la nature et de l’acceptation fatidique, se lancent dans des entreprises d’adoption, de GPA et de PMA. Nationaliste, le film invite à l’assimilation et la reconnaissance des citoyens dans des valeurs communes et non un enfermement arbitraire dans le sang, la religion ou la tradition qui mène au communautarisme et à l’éclatement de la société. Les guerres ne se font pas pour la génération en cours, mais au nom des héros du passé, morts pour elle, comme un nécessaire respect à démontrer : chacun est dépositaire de la mémoire de ses ancêtres et doit l’honorer de sa vie.

Sources :

La Guerre des étoiles, épisode I – La Menace fantôme, George Lucas (1999)

La Guerre des étoiles, épisode II – L’Attaque des Clones, George Lucas (2002)

La Guerre des étoiles, épisode III – La Revanche des Sith, George Lucas (2005)

La Guerre des étoiles, épisode IV – Un Nouvel espoir, George Lucas (1977)

La Guerre des étoiles, épisode V – L’Empire contre-attaque, Irvin Kershner (1980)

La Guerre des étoiles, épisode VI – Le Retour du Jedi, Richard Marquand (1983)

La Guerre des étoiles, épisode VII – Le Réveil de la Force, Jeffrey Jacob Abrams (2015)

La Guerre des étoiles, épisode VIII – Les Derniers Jedi, Ryan Johnson (2017)

La Guerre des étoiles, épisode IX – L’Ascension de Skywalker, Jeffrey Jacob Abrams (2019)