Et le Royaume-Uni quittait l’Union européenne…

 
Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, éxecuteur pragmatique du Brexit - AFA

Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, éxecuteur pragmatique du Brexit - AFA

 

Enfin ! Après trois ans de tractations entre Londres et Bruxelles, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord quittera officiellement l’Union européenne en date du 31 janvier 2020. C’est une première historique. Aucun État-nation membre de l’organisation internationale n’était partie depuis sa fondation en 1957. Quelles conséquences pour l’Europe politique ? Pour l’Angleterre ? Et quelles perspectives nouvelles pour le pays de Sa Majesté la Reine ?

Un triomphe de la souveraineté populaire sur les traités européens

Tout d’abord, le Brexit réaffirme la souveraineté du peuple sur les traités en vigueur auxquels le Royaume-Uni avait fait vœu de respect depuis son entrée dans la Communauté économique européenne (CEE) en 1973. Via référendum organisé en 2016, les électeurs britanniques ont fait savoir leur souhait de quitter l’Union européenne ce que le gouvernement respecta, avec beaucoup de mauvaise foi cependant, jusqu’à finalement s’exécuter avec le Premier ministre Boris Johnson nommé en 2019. Les élites financières et politiques du pays ont rapidement affiché des réticences quant à cette décision et certains même appelaient à un nouveau vote afin que le référendum soit en accord avec leurs convictions comme Jeremy Corbin, chef du parti travailliste (Labour).

Mais à la différence de la France, où les élites politiques n’ont pas respecté la décision souveraine du peuple concernant la Constitution européenne de 2005, le Royaume-Uni a bon gré, mal gré, appliqué le principe de démocratie et de gouvernement de la majorité des électeurs-citoyens. La nomination du conservateur souverainiste Boris Johnson en 2019 ainsi que son triomphe électoral lors du scrutin anticipé de fin d’année s’inscrivent dans une mouvance anglo-saxonne qui tend à une réaction nationaliste et souveraine des États contre la mondialisation sauvage et non-régulée (exemple de Donald Trump aux États-Unis).

Alors que les plus européistes des Européens affirmaient qu’il ne pouvait y avoir de choix démocratique contre les traités européens (Jean-Claude Juncker en janvier 2015), le Royaume-Uni réaffirme magistralement le principe de souveraineté nationale et populaire tel qu’appliqué depuis les traités de Westphalie, fondateurs des rapports internationaux modernes. Un État est souverain au sein de ses frontières et décide librement de son destin sans contrainte extérieure sans quoi il perd son qualificatif initial.

Un effet domino en Europe ?

Le Royaume-Uni a démontré qu’il était possible de quitter l’Union européenne en toute souveraineté et sans qu’il soit question de conséquences apocalyptiques comme défendues par les plus fervents média, économistes et politiques européistes. Certes, si le pays n’était pas aussi intégré dans l’union monétaire ou commerciale que d’autres comme la France, l’Espagne, la Grèce ou l’Italie, la porte est désormais ouverte et fait cas de précédent.

Alors que la livre sterling affiche une stabilité étonnante, que le chômage est en baisse et que la croissance revient dans le royaume britannique, de nombreux pays d’Europe pourraient être tentés par un divorce avec une Union européenne de plus en plus autoritaire et dictatoriale (référendum français de 2005, cas grec lors de la crise de l’euro, tensions vis-à-vis de l’Italie de Salvini, etc.).

Une sortie d’un membre de l’union monétaire pourrait également signer la fin de la monnaie unique européenne, création politique et non économique, qui ne survit qu’à travers la volonté des institutions européennes malgré les déficiences croissantes qui accentuent les divisions entre l’Allemagne et les États du sud par exemple (TARGET 2).

Un Royaume-Uni isolé et ruiné ?

Depuis 2016, Londres est régulièrement séduit par l’Amérique de Donald Trump qui voit en elle un partenaire commercial historique. L’objectif pour le président américain est également d’accentuer la division au sein de l’Union européenne et de combattre l’euro, désignée par le milliardaire comme un adversaire à abattre (au même titre que le Yuan chinois). Même sans accord avec l’Europe, le Royaume-Uni peut donc compter sur l’appui américain pour soutenir son économie. Cet appui, renouvelable pour ceux qui désireraient quitter l’UE, pourrait là encore inciter certains membres à envisager une sortie et ainsi accélérer la chute de l’Europe politique.

Au-delà de l’Amérique, le Royaume-Uni peut compter sur une alliance mondiale avec ses anciennes colonies connue sous le nom de Commonwealth. Véritable marché d’opportunités internationales, cette organisation unissant l’Angleterre à ses anciens territoires permettra de palier à une éventuelle absence d’accord avec Bruxelles.

Conclusion

À la veille de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne, de nouvelles perspectives se présentent au pays de Sa Majesté. Pouvant compter sur l’appui américain, intéressé par un effondrement de l’Europe politique, ainsi que son ancien empire colonial, il y a fort à parier que l’Angleterre ne devrait que peu souffrir de son divorce avec le Vieux-Continent. En revanche, cette séparation est bien plus terrible pour l’UE qui, face à un précédent, risque d’assister à la défection de certains de ses membres et à un effondrement de sa zone économique et monétaire. Ainsi, le départ d’un pays-membre de la zone euro pourrait, aux vues des divisions économiques liées à cette monnaie, conduire à un effondrement global de cette construction politique datant des années 1980. Pour résumer, le Brexit semble tourner le Royaume-Uni vers de nouvelles opportunités financières et commerciales tandis qu’il fragilise encore plus une Union européenne à bout de souffle, engluée dans ses contradictions et ses dissensions (oppositions idéologiques entre la France et l’Allemagne, divisions Nord/Sud et Ouest/Est, etc.).

Sources :

Angleterre : Brexit et conséquences, Serge Enderlin (2017)

Le Brexit va réussir : l’Europe au bord de l’explosion, Marc Roche (2018)

https://www.nouvelobs.com/brexit/20160622.OBS3161/apres-le-brexit-l-apocalypse.html

https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/brexit-un-rapport-officiel-predit-de-dures-annees-pour-les-britanniques-1361956.html

https://www.lepoint.fr/economie/le-pouvoir-d-achat-des-britanniques-augmente-de-nouveau-17-04-2018-2211313_28.php

https://www.zonebourse.com/US-DOLLAR-JAPANESE-YEN-55885191/actualite/La-livre-sterling-regagne-du-terrain-un-pas-franchi-vers-le-Brexit-29757637/

https://www.youtube.com/watch?v=hKeM8M8yjxQ

https://www.youtube.com/watch?v=MUN_gFwWs30