Aviation de combat : vers l’optimum technologique ?

 
Spitfire supermarine développé par le Rouyaume-Uni qui mit la Luftwaffe en échec lors de la Bataille d’Angleterre.

Spitfire supermarine développé par le Rouyaume-Uni qui mit la Luftwaffe en échec lors de la Bataille d’Angleterre.

 

L’aviation est une arme neuve au sein des forces armées. Sa première utilisation opérationnelle remonte à la guerre italo-ottomane, de 1911 à 1912. Bien sûr, c’est la Première Guerre mondiale qui lui donne ses lettres de noblesse avec une mythologie particulière ; celle des « as », chevaliers des temps modernes. À l’image des chars d’assauts, les avions ont vu les modèles se succéder. Aujourd’hui, ce sont des concentrés de technologie mais aussi d’argent. Le développement du Rafale par exemple, commencé en 1972, s’élevait à plus de 25 milliards d’euros en 2004. L’appareil, seul, coûte de 68 à 78 millions d’euros. À travers le monde, d’autres projets démontrent une augmentation titanesque des coûts de développement dans un domaine où la coopération internationale est difficile (intérêts divergents, partage de technologies stratégiques, etc.). Ainsi, alors qu’en 1945 un avion de chasse américain pouvait s’acheter 500 000 dollars (inflation comprise), le dernier-né du complexe militaro-industriel étatsunien (F-35 Lightning II) se monnaie entre 82 et 108 millions de dollars. Le développement de ce dernier aura d’ailleurs coûté plus de 400 milliards de dollars US depuis l’an 2000 ! Face à ces défis financiers, de plus en plus de pays, États-Unis en tête, revoient leurs copies et préfèrent la mise à niveau de leurs flottes aériennes. Ainsi, des appareils vieillissants connaissent une deuxième (voire troisième) jeunesse ; une solution plus économique mais aussi d’une grande efficacité. L’aviation de combat est-elle en train de connaître une crise de l’innovation ? Se dirige-t-on vers une modernisation des flottes aériennes plutôt qu’un renouvellement ?

Des projets de plus en plus onéreux

Penser, développer, construire et fiabiliser un avion de combat est un processus long et onéreux. Arme de haute technologie, l’avion a toujours été un investissement. Pour autant, les coûts de développement n’ont fait que se multiplier depuis l’apparition de ce nouvel outil militaire. Ainsi, en 1918, produire un chasseur français SPAD XIII était relativement aisé. Fait de toile, de bois, et d’un moteur thermique emprunté à l’industrie automobile, l’avion de la Grande Guerre était bien rudimentaire. Au cours de l’Entre-Deux-Guerres, l’industrie aéronautique connaît un essor sans précédent. Là encore, même si les architectures sont plus abouties, il ne faut pas compter plus de cinq ans pour mettre en service un avion. Ainsi, le Spitfire britannique, développé en 1936, intégrera la flotte de la Royal Air Force (RAF) en 1938. Les progrès techniques de la Seconde Guerre mondiale amènent l’aviation de guerre à adopter le moteur à réaction. Rapidement, les appareils de chasse deviennent supersoniques et intègrent des équipements de guerre électronique (radars, contre-mesures, missiles, etc.). Parallèlement, le coût de développement augmente de sorte que les flottes aériennes nationales diminuent en taille. Non seulement les nouveaux modèles sont plus efficaces et puissants mais aussi plus onéreux à l’achat. Depuis les années 1950, la durée de service d’un avion de combat a quasiment triplé en raison des coûts induits par le développement aéronautique. Aujourd’hui, la plupart des appareils militaires en activité ont été introduits au cours des années 1980.

Cependant, le développement se poursuit. La course technologique est toujours aussi importante et ce sont les États-Unis d’Amérique qui mènent la danse. A la fin de la Guerre Froide, ceux-ci développent des avions de combat furtifs mais aux coûts d’exploitations exorbitants. Malgré la propagande médiatique, les F-117 Nighthawk, B-2 Spirit et autres F-22 Raptor connaissent des difficultés diverses et ne séduisent que peu les forces armées. Le principal problème demeure l’intégration des technologies de partage de données entre aéronefs et autres véhicules. Classifiées ou difficiles à concevoir, celles-ci augmentent drastiquement le prix des appareils à l’achat. L’échec industriel du F-35 Lightning II, qui a déjà coûté plus de 400 milliards de dollars, démontre la difficulté à concevoir de nouveaux appareils.

Pour autant, peut-on parler « d’optimum technologique » ? Celui-ci pourrait se définir comme un plafond de développement et s’observe facilement avec les produits « hi-tech ». Les ordinateur personnels, les téléphones portables ou encore les télévisions ont tous une architecture optimale. Les innovations ne se font plus sur la forme, établie depuis au moins une décennie, mais sur le fond avec des composants plus performants. Partant de ce postulat, l’aviation est-elle également sujette à ce genre de verrou ? Si la technologie ne cesse d’évoluer et offre toujours plus de performance, quel intérêt à développer un nouvel avion alors qu’une simple modernisation est suffisante ?

La modernisation des flottes aériennes : une fatalité ?

Face aux difficultés du F-35, le gouvernement américain a lancé un grand programme de modernisation des appareils déjà existants. Ainsi, des avions aux performances prouvées, pourtant en service depuis plus de 30 ans, voient leur avionique entièrement remise au goût du jour. Finis les cockpits remplis de boutons : place aux « full glass-cockpits » avec des écrans LCD tactiles et multifonctions. Les radars sont mis à jour, remplacés par des versions plus performantes, et le coût total est revu à la baisse. Ainsi voit-on Boeing moderniser ses deux produits phares : le F-15 Eagle (mis en service en 1974) et le F/A-18 Hornet (mis en service en 1982). Avec un prix unitaire avoisinant les 80 millions d’euros pour un avion neuf aux systèmes intégrés, contre une moyenne de 100 millions pour les F-22 et F-35, le choix est rapidement fait. De plus, à l’inverse d’un avion entièrement nouveau et donc aux performances inconnues, un avion modernisé offre une facilité de formation des équipages, des équipes de maintenance, et une performance éprouvée par les différents conflits.

La France n’est pas en reste : le Rafale est à son standard F3R (le quatrième depuis sa mise en service) tandis que le Mirage 2000D, déployé depuis 1993, a subit une modernisation devant l’amener jusqu’en 2030 (soit plus de 40 ans de service). Le « SCAF », avion du futur franco-allemand, ne doit lui, entrer en service qu’à l’horizon 2050 (si le projet n’a pas été enterré d’ici-là), laissant au Rafale une perspective de carrière l’amenant à quasiment 50 ans pour un avion ayant effectué son premier vol en 1986. La Russie a déjà fait le choix de la modernisation, déployant son nouveau Sukhoï Su-35, une variante du Su-27 datant de 1977. Son chasseur de nouvelle génération, le Su-57, fortement inspiré du F-22 américain, a repris la motorisation déjà existante ainsi qu’une avionique proche des modernisations du Su-35. En bref, faire du neuf avec du vieux.

Conclusion

Alors assiste-t-on à la fin des nouveaux modèles d’avions ? Aux vues des coûts de développement, il y aura effectivement de moins en moins d’appareils inédits et de plus en plus de modernisations d’avions déjà existants. Le phénomène n’est pas nouveau et existe déjà pour les armes personnelles (le HK-416, soi-disant ultra-moderne, est une variante de l’AR-15 datant de la fin des années 1950), les chars d’assaut (le M1 Abrams américain, introduit en 1979, doit être amené jusqu’en 2050 soit 71 ans de carrière !), les porte-avions (l’USS Nimitz déployé en 1975 est toujours en activité en date arrêtée pour son remplacement) et les SNLE* dont l’architecture globale est établie depuis 1957. Seuls les drones, dont la forme est en constante évolution, connaîtront sans doute des évolutions comme l’aviation en a connu depuis 100 ans. Affaire à suivre donc…

*SNLE = Sous-marin nucléaire lanceur d’engins

Sources :

Lockheed F-35 Joint Strike Fighter : design and development of the international aircraft, Gerard Keisper (2007)

Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017, Commission de rédaction présidée par M. Arnaud Danjean (2017)

Loi de programmation militaire 2019-2025, État français (2018)

http://psk.blog.24heures.ch/archive/2018/12/26/l-usaf-commande-le-f-15x-advanced-eagle-866688.html

http://psk.blog.24heures.ch/archive/2019/03/22/l-us-navy-commande-l-adavanced-super-hornet.html

https://www.army-technology.com/news/newsgdls-wins-us-armys-m1-abrams-tank-modernisation-contract/