Fiers d’être Français : la guerre franco-allemande de 1870
Elle est le traumatisme originel. Plus encore que la défaite de 1940, celle de 1870 a marqué d’une pierre blanche le déclin de la France en tant que puissance mondiale puis continentale. Pendant un millénaire, la nation française n’a jamais été aussi violemment secouée dans ses fondations les plus profondes que lors de la chute du Second Empire et l’avènement de la Troisième République. Traumatisées, des générations de Français en garderont un souvenir noir que seule la victoire sanglante de la Première Guerre mondiale effacera pour un temps. Dès cette date, les Français perdirent ce qui faisait leur puissance : leur fierté. Pourtant, jamais la France ne pouvait être aussi fière d’elle au cours de ce conflit car contre toute attente, elle offrit une résistance que les Allemands ne reverront plus avant Verdun et Bir Hakeim. Retour sur le « péché originel » : la guerre franco-allemande de 1870.
Une guerre de la Prusse, par Bismarck, et pour l’Allemagne
Tout commence en 1763 à l’issue de la guerre de Sept-Ans que beaucoup considèrent comme la première « guerre mondiale ». La Prusse, obscur, petit et lointain royaume d’Europe orientale, éblouit par sa puissance militaire les vieilles monarchies européennes. En moins d’un siècle, elle prétend à unifier l’Allemagne, jusqu’alors un conglomérat de petites nations éparses. Première puissance militaire d’Europe centrale après sa victoire contre l’Autriche à la bataille de Sadowa (1866), son chef du gouvernement, Otto von Bismarck, désire donner à son pays un rang mondial. Mais pour cela, il faudrait unifier les différentes nations allemandes. L’option diplomatique est écartée car trop longue (on parle de siècles avec des alliances, mariages, héritages, etc.). Il sait que l’Allemagne ne pourra s’unir que par la guerre ; une guerre contre un ennemi commun, suffisamment « gros » pour mobiliser tous les États germaniques. Ce bouc-émissaire sera la France impériale de Napoléon III.
Isolée diplomatiquement depuis 1815, la France est demeurée une nation fragile jusqu’en 1848. L’élection du prince-président Louis-Napoléon va changer la donne. Ce « socialiste » va moderniser le pays en lui donnant toutes les structures nouvelles de la Révolution industrielle de telle sorte qu’au cours des années 1860, la nation française rayonne à nouveau en Europe et dans le monde. Mais si l’économie nationale est flamboyante, il en est autrement de l’Armée qui opère une mutation lente et difficile. Auréolée de gloire contre la Russie à Sébastopol en 1854-1855, décisive dans l’unification italienne à Magenta et Solférino (1859), elle a subi divers échecs extra-européens comme en témoignent les expéditions du Mexique (1861-1867) et du Japon (1867-1868). Engagée dans une logique de conquête coloniale calquée sur l’Empire britannique admiré par Napoléon III, la France peine dans son développement endogène (comme toutes les nations qui se ruinent dans ces entreprises colonialistes). Enfin, même si l’Empereur entretient de cordiales relations avec la reine Victoria, le Royaume-Uni est peu enclin à apporter son soutien militaire en cas d’agression.
C’est une situation idéale pour Bismarck qui décide de jouer d’habilité politique et diplomatique afin de discréditer la France auprès des cours européennes. N’hésitant pas à truquer des comptes-rendus consulaires, l’Allemand va humilier publiquement la France dans l’affaire de la crise de succession espagnole. À Paris, l’ambiance est électrique. Tous réclament la guerre sauf l’Empereur et le chef du gouvernement qui savent pertinemment que la France et son Armée ne sont pas prêtes. Cédant au parlementarisme qu’il venait de réintroduire, Napoléon déclare la guerre le 19 juillet 1870. Le 2 septembre, il sera fait prisonnier à Sedan. Le 31 janvier 1871, alors que la moitié de la France est occupée, l’armistice est signé. Au terme de ce conflit, la Prusse aura remporté son pari et l’Empire allemand sera proclamé, humiliation suprême pour les Français, dans la galerie des Glaces du château de Versailles. L’Alsace-Moselle est annexée pour punir la nation française de sa résistance acharnée. 139 000 soldats trouveront la mort et presque 500 000 auront été fait prisonniers. Cette guerre, plus qu’une déchirure et un traumatisme, va conditionner l’histoire européenne contemporaine et des relations franco-allemandes hostiles.
L’héroïque résistance française
La guerre, déclarée le 19 juillet 1870, était presque perdue dès le lendemain. Non que les Français étaient moins valeureux, moins bien équipés ou moins entraînés ; le principal problème venait de l’état-major qui faisait preuve d’un niveau exceptionnel d’impréparation. Les officiers généraux ont été incapables de manœuvres adaptées et furent balayés par la vague allemande. Pour autant, plusieurs faits d’armes redorent le blason des soldats français dont certains ont traumatisé les Allemands qui y feront encore référence au cours du XXème siècle.
Le premier d’entre eux est l’héroïque résistance de Bazeilles (Ardennes). Engagée le 31 août 1870, elle oppose les forces bavaroises du général Von der Tann aux cinq régiments d’infanterie et d’artillerie de marine impériale du général de Vassoigne, vétéran des guerres coloniales. À un contre dix, les Marsouins vont opposer une résistance acharnée, tirant jusqu’à la dernière cartouche pour défendre le village. Malgré leur infériorité numérique, les Français parvinrent, au prix de 2 655 hommes, à tuer 7 000 Allemands dont plus de 200 officiers.
Après la défaite de Sedan (2 septembre 1870), l’Empire s’effondre et la République est restaurée à Paris. Le nouveau régime continue la guerre et lève en masse des armées sur le nostalgique modèle de la Révolution. Mais les Allemands progressent vite et atteignent la capitale française à partir du 19 septembre. S’engage alors un siège éprouvant au cours duquel les Français vont résister et finiront invaincus. Paris n’est pas tombé aux mains des Allemands. Le sacrifice de la population a été lourd. On comprend mieux l’insurrection populaire qui mènera à la Commune aux vues de l’humiliante paix.
Enfin, il est un siège qui va rester dans les mémoires nationales : celui de Belfort du 3 novembre 1870 au 18 février 1871. Sous les ordres du colonel Denfert-Rochereau, la garnison de Belfort (moins de 18 000 hommes) va opposer une farouche résistance aux troupes prussiennes puis allemandes (40 000 hommes). Ayant la présence d’esprit de ne pas s’enfermer dans la citadelle, le commandant de la place-forte a ordonné d’investir les faubourgs afin d’effectuer des sorties régulières, appuyé par l’artillerie. Les Allemands, subissant le froid, reculent. Contre le typhus et la variole, les Français vont continuer à défendre leur garnison coûte-que-coûte. 400 000 obus (5 000 par jour en moyenne) seront nécessaires pour espérer faire tomber la forteresse. Le « Lion de Belfort » (surnom donné à Denfert-Rochereau qui pavoisera bientôt toutes les rues de France) et ses troupes sont honorés par les Allemands qui les autorisent à conserver leurs armes après que le gouvernement Thiers eût demandé au chef de la garnison d’évacuer la place.
Conclusion
La guerre franco-allemande de 1870 est un traumatisme pour la France et les Français. S’ajoutant au choc mémoriel de la défaite napoléonienne de Waterloo, elle inscrit l’esprit d’abandon au sein de la population. Seule la victoire meurtrière de 1918 réussira à revigorer temporairement la nation française qui ne tardera pas à retomber dans les travers mortifères de l’autoflagellation. Aujourd’hui, les Français sont convaincus d’être des perdants et des incapables. De Wellington à Hitler en passant par Bismarck, deux siècles auront suffi pour saper la volonté de gloire et de triomphe du peuple français millénaire. Le climat pessimiste et cynique ambiant, couplé à la vassalisation américaine, se concrétise chaque jour à travers l’œuvre de la bourgeoisie libérale apatride au pouvoir depuis 1969 dans un seul objectif : détruire la France. Charge aux conservateurs, nationalistes, souverainistes et pragmatiques de tous bords de retrouver la grandeur de la France éternelle…
Sources :
Histoire de la Guerre Franco-Allemande 1870-71, Histoire politique, diplomatique et militaire, Capitaine Alfred-Oscar Wachter (1895)
1870. La France dans la guerre, Stéphane Audoin-Rouzeau (1989)
Siège de Paris, Philippe Bestetti (1995)
La France, la nation, la guerre de 1850 à 1920, Jean-Jacques Becker & Stéphane Audoin-Rouzeau (1996)
L’année terrible – La guerre franco-prussienne septembre 1870 – mars 1871, Pierre Milza (2009)
Under the Shadow of Defeat: The War of 1870-71 in French Memory, Karine Varley (2009)
1870, l’Empire s’écroule à Sedan, Jacques Bonfils & Guy Rey (2010)