Fiers d'être Français : la bataille de Valmy (1792)

 
L’infanterie, tout de blanc vêtue, à droite sont des troupes régulières alors que les tuniques bleus à gauches représentes les citoyens volontaires de 1791. Le Moulin de Valmy a été incendié sur les ordres de Kellermann, le jour de la bataille.

L’infanterie, tout de blanc vêtue, à droite sont des troupes régulières alors que les tuniques bleus à gauches représentes les citoyens volontaires de 1791. Le Moulin de Valmy a été incendié sur les ordres de Kellermann, le jour de la bataille.

 

Comment naît et se construit une nation ? Par un roman national qui se forge de longue date. Si en France, le sentiment national, celui d’une appartenance à une communauté supérieure, naît des suites de la bataille de Bouvines, sous Philippe-Auguste (1214), il ne cessera d’être alimenté par les victoires glorieuses, les conquêtes incessantes et les chefs charismatiques. « La France s’est faite à coups d’épées » disait Charles de Gaulle et c’est d’autant plus vrai que les champs de Tolbiac, Bouvines, Orléans, Patay, Castillon, Marignan, Fontenoy, Fleurus, Rivoli, Arcole, Marengo, Austerlitz, Friedland, Verdun ou encore Koufra rayonnent dans l’inconscient collectif d’une aura particulière. Mais il est une bataille qui a soudé, plus que jamais, la France autour d’un idéal commun : Valmy en 1792. Retour sur l’acte fondateur de la France moderne, révolutionnaire et républicaine.

Une France seule contre tous

La Révolution française de 1789 a longtemps été magnifiée. Pourtant, elle s’imposa au peuple plus qu’elle ne fut désirée. Éclatant dans les faubourgs de Paris, elle est menée par les artisans, commerçants et petits bourgeois de la capitale qui, dans un climat de crise politique à Versailles, prennent les armes contre les mercenaires du Roi qui dorment à leurs portes. C’est la peur qui a transformé la réforme voulue par les députés du Tiers-État en révolution populaire.

S’ensuit alors une série de dégradations relationnelles entre le Roi, les élites du pays et le peuple. La plus grande perte de confiance intervient en 1791 lorsque Louis XVI et sa famille sont interceptés en pleine fuite vers l’étranger. Pour autant, il n’est pas immédiatement destitué et peut encore déclarer la guerre contre le Royaume de Prusse et l’Empire d’Autriche. Son dessin est identique : assister à la chute des révolutionnaires et restaurer son pouvoir absolu.

La guerre commence donc en avril 1792 dans un climat national plus que tendu. Malgré les menaces des Coalisés, la France mobilise et parvient à rassembler des volontaires venus de toute la France. Plus encore, ces dernières invectives provoquent la chute de la monarchie : le palais des Tuileries est pris par la troupe fédérée et le roi est « suspendu ». Mais très tôt, les défaites s’enchaînent. En août, les troupes austro-prussiennes pénètrent en France et s’avancent sans encombre jusqu’à Verdun qui tombe en septembre.

Et Danton joua son va-tout…

Alors que la menace se rapproche de la capitale, l’Assemblée songe à quitter les lieux. Un homme, Georges Danton, député de « la Montagne » se lève et enjoint les députés à ne pas abandonner le peuple dans ces heures graves.

« Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France est sauvée ! »
— Georges Danton

Les représentants l’écoutent et envoient une armée de plus de 40 000 volontaires à la rencontre de la force combinée du fameux duc de Brunswick, celui-là même qui menaçait Paris de représailles si malheur était fait au roi des Français. Ces derniers sont menés par les généraux Kellermann et Dumouriez, vétérans de la guerre de Sept-Ans et acquis aux idées nouvelles de la Révolution.

C’est le 20 septembre 1792, sur la plaine de Valmy, le destin de la Nation va se jouer. 34 000 Prussiens, Autrichiens et Français émigrés vont affronter l’armée révolutionnaire. Convaincus que les troupes inexpérimentées envoyées par Paris vont s’enfuir au premier coup de feu tiré, les contre-révolutionnaires s’avancent confiants. Malgré une longue canonnade prussienne, les Français, menés par Kellermann en personne, blessé, couvre-chef au bout du sabre, entonnent des chants patriotiques et avancent vers l’ennemi avec détermination. La ferveur est si grande dans le camp révolutionnaire qu’elle permet une résistance et même une contre-attaque victorieuse. Au soir, le terrain est français.

La bataille, plus qu’un affrontement d’infanterie, aura été un échange d’artillerie massif (20 000 boulets tirés par les 36 canons révolutionnaires). Frappés par une épidémie de dysenterie, les Coalisés préfèrent reculer. Mais le symbole est là : les Français ont gagné contre toute attente ! La ferveur patriotique s’amplifie dans toute la France.

Ainsi naquit la République !

Au lendemain de la bataille, la nouvelle d’un recul ennemi parvient à la Convention nationale qui se réunit pour sa première session. Galvanisés, les députés en appellent à la fondation d’une ère nouvelle, celle dite « de la Liberté ». La monarchie est abolie et un régime neuf est proclamé : la République.

Valmy est ainsi le pilier fondateur du régime républicain naissant en France. Transformée par la propagande révolutionnaire comme une victoire du patriotisme sur les monarchies qualifiées de tyranniques, la bataille sera au cœur de la légende nationale qui s’écrit à nouveau à la faveur de la Révolution.

Côté militaire, la situation n’est pas réglée pour autant avec une force ennemie toujours aussi consistante. Il faudra attendre novembre et la victoire décisive de Jemmapes pour voir la République engager une série de victoires et de conquêtes dans les Pays-Bas autrichiens (Bénélux actuel).

Conclusion

Valmy est aujourd’hui indissociable de la République française. Évènement fondateur du régime, il apparaît de nos jours comme une simple canonnade aux conclusions teintées de complotisme et de mystères. En effet, comment une telle confrontation, dont l’issue était si décisive pour la France et l’Europe s’est-elle résumée à un simple échange d’artillerie ? Certains y voient un accord entre Kellermann et Brunswick (tous deux maçonniques) tandis que d’autres y voient la force du patriotisme français, capable de faire reculer des armées (peu probable). Une analyse plus rationnelle conclut à l’efficacité de la tactique déployée par Dumouriez et Kellermann de diviser les forces coalisées qui devaient alors traiter deux forces françaises distinctes sur deux « fronts » différents. La maladie aidant, il apparaît logique et probable que Brunswick ait refusé de se lancer dans une bataille à l’issue incertaine et préféra se replier en bon ordre pour frapper plus tard.

Quoiqu’il en soit, cette timidité du commandant prussien aura des conséquences catastrophiques pour les Coalisés qui vont perdre batailles sur batailles contre une armée républicaine largement supérieure en nombre (n’oublions pas que la France d’alors est le pays le plus peuplé d’Europe). Inscrite dans la légende républicaine et française, la bataille a concouru à conforter la fierté des Français et leur a permis des exploits militaires qui ne prendront fin qu’avec la disgrâce finale de l’empereur Napoléon Bonaparte en 1815…


Sources :

Valmy : la démocratie en armes, Jean-Paul Bertrand (1993)

Révolution et République : l’exception française, Annie Crépin (1994)

Valmy : une victoire, une légende, une énigme, Roger Dufraisse (1990)

Valmy, la patrie en danger, Arthur Chuquet (2010)