Fiers d’être Français : l’humiliante défaite prussienne de 1806

 
Napoléon passe en revue la Garde impériale à Iéna - Horace Vernet.

Napoléon passe en revue la Garde impériale à Iéna - Horace Vernet.

 

Aucune défaite ne fut si traumatisante pour la France que celle de 1940 infligée par l’Allemagne. Pour autant, outre-Rhin, il existe un choc si grand qu’il conduira à un siècle d’errements politiques et d’efforts pour l’unification de la nation allemande : 1806 et l’écrasante défaite des Prussiens face aux Français. Là où la Troisième République s’était effondrée en six semaines, le Royaume de Prusse capitulera en quatre semaines malgré des moyens humains et matériels bien inférieurs à la « guerre-éclair » mécanisée du XXème siècle. Retour sur l’une des plus fulgurantes et triomphales victoires de la nation française.

Une Prusse arrogante déterminée à humilier la France

Le Royaume de Prusse est un nouvel acteur sur la scène internationale européenne. Fondé en 1701, il s’est rapidement imposé au cours de la guerre de Sept-Ans opposant le Royaume-Uni (son allié d’alors) et la France à l’échelle mondiale. Lorsque démarre la Révolution française, le pays fait bloc commun avec son traditionnel adversaire autrichien pour menacer la jeune République de mort. Vaincue par les troupes révolutionnaires dans les Pays-Bas, la nation prussienne prépare ses forces pour un nouvel affrontement qu’elle espère décisif.

La France de 1806 est la puissance hégémonique d’Europe. Vainqueur de la Russie et de l’Autriche à Austerlitz, pourfendeur du Saint-Empire romain germanique, le pays de la Révolution a imposé le respect auprès de ses voisins continentaux. Seuls le Tsar et le Parlement britannique s’opposent encore à la toute-puissance napoléonienne. Dans le but de se prémunir d’une nouvelle offensive orientale, Napoléon fonde la Confédération du Rhin, regroupement d’États principalement rhénans et francophiles. Cette nouvelle institution doit assurer le rôle d’État-tampon en cas de guerre future. C’est l’ultime affront pour la Prusse qui voit son influence germanique menacée.

Le 9 août 1806, la Prusse mobilise et entre en guerre contre la France. Napoléon se presse de concentrer ses nouvelles inventions militaires, le corps d’armée, le long du Rhin. Initialement, Napoléon ne dispose « que » de 160 000 hommes regroupés en six corps d’armée, la Garde impériale et une unité de réserve commandée par le maréchal Murat. Face à lui, la Prusse de Frédéric-Guillaume III aligne 250 000 hommes commandés par von Blücher.

Et la Prusse fut humiliée comme aucune nation auparavant…

Le premier choc a lieu à Saalfeld le 10 octobre 1806. Le 5ème corps du maréchal Jean Lannes affronte une partie de l’armée prussienne (9 000 hommes). En supériorité numérique et tactique, le Français remporte une victoire décisive qui ouvre les portes de Leipzig, n’ayant perdu « que » 200 hommes. Le corps d’armée, créé par Napoléon, démontre son efficacité en cela qu’il permet de concentrer des forces cohérentes en un point donné et de vaincre des forces désordonnées dont l’échelon de commandement principal est la division voire le bataillon. Le prince royal Louis-Ferdinand, cousin de Frédéric-Guillaume III, est tué au cours de la bataille, portant un coup majeur à la monarchie prussienne.

Prenant de vitesse une armée lente et désorganisée, la France impériale porte le combat à Iéna et Auerstedt, le 14 octobre 1806. Convaincu d’affronter le gros de l’armée royale, Napoléon aligne 40 000 hommes (quatre corps d’armées, la Garde impériale et la Réserve de cavalerie) contre 60 000 Prussiens. La victoire est totale mais pour autant, ne saurait être décisive sans l’affrontement concomitant d’Auerstedt.

Seul avec son 3ème corps d’armée, le maréchal Louis Nicolas Davout n’offre aux Prussiens qu’une résistance de 26 000 hommes tandis que Berlin dispose de 66 000 hommes soient la force principale de l’armée prussienne. Bilan : 13 000 morts, blessés et prisonniers… prussiens ! L’utilisation des carrés d’infanterie (expérimentés dans le désert égyptien en 1798) et le génie militaire du maréchal de France vinrent rapidement à bout de la cavalerie prussienne et du roi de Prusse lui-même (commandant alors la bataille).

Ces deux victoires ouvrent la porte de Berlin où les troupes de Davout défilèrent les premières le 27 octobre. Les débris sans vie de la force militaire prussienne errent en Allemagne, massacrés par les charges de cavalerie de Murat et les offensives des différents corps d’armée. Finalement, le 30 novembre, un armistice est signé. Le pays allemand sera lourdement puni pour son insolence, participant de force au blocus continental.

Un grand fait d’armes méconnu

La défaite de 1870, la Grande Guerre et sa revanche de 1918, la défaite de 1940 et l’imaginaire « amitié franco-allemande » vont gommer la campagne de Prusse des manuels d’Histoire à tel point que peu de gens connaissent désormais Iéna et encore moins Auerstedt. Pourtant, cette humiliation infligée à l’Allemagne est l’élément fondateur du nationalisme allemand promu par la Prusse et qui aboutira au cauchemar suprême de la France : une Allemagne unifiée. Ainsi, pour comprendre les relations diplomatiques entre Paris et Berlin, il est capital de se remémorer l’écrasante victoire française de 1806.

Sources :

Le maréchal Lannes, Général Charles Thoumas (1891)

Campagnes de Prusse et de Pologne (1806-1807) : Tome 1, la campagne de Prusse (Iéna), Paul-Jean Foucart (2006)

Iéna et la campagne de 1806, Henri Houssaye (2006)