Histoire constitutionnelle de la France (2/6)

 
Audience du Directoire en costume : le 30 brumaire an 4.eme de la République - Jean Duplessis-Bertaux, Gravure , 1802

Audience du Directoire en costume : le 30 brumaire an 4.eme de la République - Jean Duplessis-Bertaux, Gravure , 1802

 

France, 1791. Depuis deux ans et la constitution d’une législature permanente, les députés accouchent enfin d’une constitution écrite pour le royaume. D’une monarchie coutumière et décentralisée, la France devient une monarchie libérale, parlementaire et constitutionnelle. L’Histoire aurait pu en rester là. Mais les refus et trahisons royales vont mener le pays d’une réforme à une révolution…

De la royauté à la République : chroniques d’une faillite française

La France a changé. Le roi règne, l’Assemblée nationale gouverne, et des libertés publiques sont instituées. L’effervescence politique est absolue. Mais Louis XVI et son entourage refusent l’évolution libérale d’une monarchie millénaire. Le roi use d’abord de son droit de veto pour bloquer les réformes parlementaires. Cette concession devient bientôt un objet de conflit. Parallèlement, la famille royale complote avec les monarchies européennes pour recouvrer son pouvoir perdu. À Varennes, on capture le roi qui était en fuite pour l’Autriche. Le divorce entre Nation et Roi vient de commencer. Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre au Saint-Empire romain germanique dirigé par la maison royale autrichienne de Habsbourg. C’est le début d’une guerre européenne de quinze ans.

« Louis XVI et son entourage refusent l’évolution libérale d’une monarchie millénaire »

En France, les manœuvres suspectes de Louis XVI envers l’étranger suscite la méfiance, puis la haine. Les déconvenues militaires où on assiste à la désertion d’officiers royalistes parachèvent la montée en force des plus radicaux. L’idée même d’abolition de la royauté fait son chemin ! À Paris, les membres du club des Jacobins entretiennent les troubles publics. Finalement, le 10 août 1792, le palais royal des Tuileries est pris d’assaut par des émeutiers alliés aux volontaires de l’Armée. Le roi est fait prisonnier, sa fonction suspendue. Un Conseil exécutif est constitué et proclame de nouvelles élections au suffrage universel masculin cette fois-ci.

L’Assemblée législative disparaît au profit de la Convention nationale qui se réunit le 20 septembre 1792 à Paris. Avec l’annonce de la victoire désespérée de Valmy sur les troupes prussiennes qui intervient le même jour, les députés proclament l’abolition de la royauté : c’est la naissance de la République française.

La République : un régime d’assemblées ?

Paris, 21 septembre 1792. La Convention nationale siège depuis une seule journée et, apprenant la victoire des armées à Valmy, proclame l’abolition de la royauté et la naissance de la République. Pourtant, officiellement, la France n’est plus régie par aucun texte de loi. Depuis les journées révolutionnaires d’août, la constitution de 1791 a été suspendue et le Conseil exécutif fait office de gouvernement extraordinaire en attendant de proposer un nouveau régime. Mais l’heure n’est pas vraiment au droit constitutionnel ; de toutes parts, la France est menacée, tant à l’extérieur (Europe coalisée) qu’à l’intérieur (Vendéens, Toulon…). Un régime d’exception voit le jour : la Terreur.

« Pourtant, officiellement, la France n’est plus régie par aucun texte de loi »

Pourtant, une constitution est élaborée et adoptée le 24 juin 1793 par la Convention. Jamais appliquée du fait des circonstances extraordinaires, elle instaure un régime républicain démocratique avec un retour assumé aux mandats impératifs ainsi que l’introduction des principes de souveraineté populaire et de démocratie directe, hérités de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau – entre autres.

Mais alors comment définir le régime qui gouverna la France de 1792 à 1795 ? Tout d’abord, c’est un régime d’assemblées caractérisé par l’absence de pouvoir exécutif personnalisé et la prépondérante d’institutions collégiales, de la Convention aux fameux comités. Dans ce système pragmatique et improvisé, la Convention nationale incarne le pouvoir législatif et les députés qui la composent sont les représentants du Peuple français. L’exécutif est assuré par un ensemble de comités, conseils et commissions. Dans l’ordre chronologique, on distingue le Conseil exécutif qui succède à Louis XVI et sera aboli en 1794, d’abord concurrencé puis remplacé par le Comité de Défense générale devenu Comité de Salut public. Toutes ces institutions font l’objet d’une lutte de pouvoir entre les différentes factions parlementaires jusqu’à la chute de Robespierre en juillet 1794. Dès lors, des commissions exécutives sont instaurées pour assurer la transition vers le nouveau régime : le Directoire.

Le Directoire, première forme constitutionnelle de la République

De l’abolition de la royauté à la chute de Robespierre, il est très difficile d’affirmer que la France était une république. Dans les faits, privée de monarque, elle l’était, mais d’un point de vue constitutionnel, la « Première République » n’avait toujours pas de structure juridique ou institutionnelle. La Constitution du 22 août 1795 va corriger cette omission. Le Directoire qu’elle institue désigne avant tout l’organe exécutif de la République mais de facto, c’est bien un régime différent qui voit le jour. Fondée sur la stricte séparation des pouvoirs politiques, la nouvelle constitution instaure une république bicamérale et exécutive – qu’il est possible de comparer à la république américaine.

« La souveraineté passe du roi à l’Assemblée nationale – représentation de la Nation »

Le Directoire, formé de cinq membres – ou directeurs – est un conseil collégial assurant les fonctions de chef d’État et de Gouvernement. Le pouvoir législatif est réparti entre deux chambres : le Conseil des Anciens (chambre haute) et le Conseil des Cinq-Cents (chambre basse). Les mandats sont représentatifs mais surtout courts afin de garantir un renouvellement constant. Mais aucun moyen légal n’est établi en cas de désaccord entre les directeurs ou entre l’exécutif et les chambres. Ce problème, à une époque où la France est en guerre contre l’Europe, amènera aux premiers coups d’État de l’Histoire nationale. Finalement, la plus longue Constitution française, ne mènera qu’à des blocages institutionnels, une lenteur administrative crasse et des conflits récurrents desquels l’Armée sortira seule juge de paix.

Après quatre ans d’existence seulement, le Directoire est déjà fragilisé par deux coups d’État et la montée en puissance d’un héros de guerre, un certain général Napoléon Bonaparte – vainqueur de l’Italie et de l’Égypte. Les complots sont légions, un seul réussira qui détruira ce régime « de la peur »…