Histoire constitutionnelle de la France (4/6)
France, 1814. Depuis deux ans, la France impériale de Napoléon Bonaparte est aux prises avec les armées coalisées de toute l’Europe qui voit enfin une opportunité d’en finir avec la Révolution. Le territoire national est envahi par les forces autrichiennes, britanniques, prussiennes, russes, suédoises, portugaises, ou encore espagnoles. Plus d’un million d’Européens menacent de toute part tandis que la Grande Armée, celle qui avait soumis tout le continent à la loi française, peine à aligner 150 000 hommes. Malgré une résistance héroïque, l’Empereur et ses soldats sont vaincus – le voilà contraint d’abdiquer. La Révolution est définitivement morte, écrasée par les efforts conjoints de toute l’Europe. En France, Louis XVIII retrouve son trône dans les « valises de l’ennemi ». La France est de nouveau une monarchie ; une royauté qu’il convient de repenser pour éviter une redite de l’Histoire.
La Restauration monarchique, entre acceptation et réaction
Le retour de Louis XVIII en France est loin d’être perçu positivement. Certes, les affres de la guerre s’arrêtent mais il faut craindre pour les acquis de la Révolution. Anticipant le problème, le Gouvernement provisoire présidé par Talleyrand et le Sénat, issus des institutions impériales, rédigent la Charte constitutionnelle sitôt l’Empereur déposé. Mais le nouveau roi la refuse et propose sa propre version, bien plus réactionnaire et contre-révolutionnaire. L’esprit libéral de 1791 est balayé. Mais il sait qu’il lui faudra rester réaliste : on n’efface pas une génération révolutionnaire d’un geste de la main. Le 4 juin 1814, Louis XVIII adopte donc sa propre Charte constitutionnelle qui définit la nouvelle monarchie comme limitée, reconnaissant par exemple le droit de représentation nationale. Mais il serait abusif de qualifier ce régime de parlementaire tant l’autorité du roi est forte.
Dans ce nouveau régime, la monarchie est donc limitée, centralisée et bicamérale. Le pouvoir exécutif échoit au roi seul qui règne et gouverne à travers son conseil des ministres. Ces derniers sont responsables devant le roi seul qui les appelle aux responsabilités. Le pouvoir législatif est composé de deux chambres : la Chambre des pairs (chambre haute) et la Chambre des députés (chambre basse). Elles n’ont pas l’initiative des lois sauf à « supplier » le monarque pour cela. Elles votent cependant les textes juridiques ainsi que le budget. Finalement, la Charte de 1814 leur accorde bien plus de reconnaissance et de pouvoir que sous l’Empire. En revanche, les députés de la chambre basse sont élus au suffrage censitaire. La restriction d’alors limite le corps électoral à seulement 16 000 électeurs pour une population de 30 millions d’habitants. Seuls sont donc éligibles les plus riches – qui sont aussi les plus royalistes.
Passons la parenthèse des Cent-Jours qui se résume à une restauration impériale couplée aux acquis libéraux de la Charte de 1814 et continuons avec le règne de Charles X, frère de Louis XVI et Louis XVIII. Devenu roi à la mort de son frère en 1824, il mène une politique réactionnaire et traditionnaliste qui vise à restaurer l’Ancien Régime. C’est cette attitude rétrograde qui lui vaudra la Révolution de 1830 et son abdication au profit de Louis-Philippe d’Orléans, son cousin.
La Monarchie de Juillet, le triomphe de l’école anglo-saxonne
France, 1830. Après une quinzaine d’années, la restauration monarchique des Bourbons s’achève dans le sang avec une nouvelle révolution. Le coup de force de Charles X auprès des libéraux n’a pas fonctionné et il a dû abdiquer. Après un moment d’hésitation, les Français choisissent de conserver la monarchie en acclamant Louis-Philippe d’Orléans, cousin des Bourbons. Devenu roi des Français, ce dernier se heurte aux aspirations libérales et démocratiques de la bourgeoisie montante. Le 14 août 1830, une nouvelle Charte constitutionnelle est adoptée. C’est désormais un pacte entre le Roi et la Nation, non plus un don du premier envers la seconde. Ce compromis doit autant écarter les aspirations républicaines comme traditionnalistes
Dans son fonctionnement, le nouveau régime ne remet pas en cause les institutions précédentes. Le suffrage censitaire est juste élargi, passant de 94 000 inscrits en 1827 à 166 000 en 1831. Une crise constitutionnelle va alors éclater et animer toute la décennie 1830 : le rôle du chef de l’État dans le gouvernement. Certains veulent une monarchie parlementaire tandis que d’autres s’attachent à la puissance royale seule. En 1840, la question est mise en sourdine grâce à l’association entre Louis-Philippe et son Premier ministre François Guizot. L’école anglaise d’une monarchie parlementaire triomphe.
En 1848, le libéralisme et le laisser-faire du Gouvernement mène la France à une crise majeure. La famine – la dernière que connaîtra la France en temps de paix – tue et les ministres restent impassibles, convaincus de l’efficacité du libéralisme économique. Bientôt, Paris se soulève et le roi abdique. Cette fois-ci, les républicains saisissent l’opportunité et proclament la Deuxième République.
La Deuxième République, l’échec de la séparation des pouvoirs
Un nouveau régime naît des cendres de la monarchie qui a peiné à s’imposer en France du fait des réticences royales à concéder du pouvoir aux assemblées. La République s’installe à la faveur des journées révolutionnaires de février 1848. Les chambres royalistes sont dissoutes et des élections sont annoncées pour élire la nouvelle Assemblée nationale constituante. Les républicains triomphent aux élections qui se tiennent au suffrage universel pour la première fois depuis 1792. Le nouveau régime sera donc républicain. Reste à savoir quelle forme lui donner. Sous l’influence de l’école américaine et de penseurs politiques comme Alexis de Tocqueville, la Deuxième République accouche de la constitution du 4 novembre 1848.
La Deuxième République française est un régime présidentiel monocaméral, libéral et conservateur. Le chef de l’État et du Gouvernement est élu au suffrage universel, masculin et direct pour un mandat unique de quatre ans. L’Assemblée nationale voit ses députés élus pour trois ans et dispose d’un pouvoir de contrôle sur le président de la République. Comme pour le Directoire, rien n’est prévu pour régler les contentieux entre ces deux institutions.
C’est cette séparation des pouvoirs, inspirée de l’Amérique, qui va être l’élément destructeur du régime républicain. Louis-Napoléon Bonaparte devient le premier président de la République française, suivi de l’élection d’une Assemblée monarchiste – la Province conservatrice ayant pris peur des journées socialistes de Juin-1848. Très tôt, le Président entre en conflit avec l’Assemblée qui prépare contre lui un coup d’État. Fort de la légitimité populaire, le Prince-Président prend de vitesse ses opposants et s’empare du pouvoir. Son coup de force est approuvé massivement par référendum. Un nouveau régime va voir le jour : le Second Empire.