Inflation législative ou la qualité du législateur

 
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L’inflation législative désigne l’augmentation dans le temps du nombre de normes juridiques adoptées par les pouvoirs publics d’un Etat, en particulier par le pouvoir législatif. Ce phénomène contemporain est révélateur du fonctionnement de notre vie politique actuelle qui exige l’immédiateté et des miracles au détriment souvent de la qualité et du travail de fond.

L’inflation peut se constater simplement par le nombre de pages des journaux officiels des Etats où sont imprimés les lois et autres dispositions normatives de l’Etat. Ainsi, en France, le Journal officiel de la République comptait 13 304 pages en 1974. Depuis 1995, le document excède systématiquement les 20 000 pages. Plusieurs facteurs l’expliquent.

En premier lieu, il s’agit du développement de l’Etat-Providence. Les questions sociales des XIXe et XXe siècle ont amené à l’établissement de droits économiques, sociaux et culturels. Contrairement aux droits politiques acquis après les différentes révoltions (nos libertés publiques : liberté de la presse, liberté d’opinion…), la mise en œuvre de ces nouveaux droits requiert une intervention de l’Etat et non plus une abstention. Concrètement, c’est la création de la Sécurité sociale, du droit du travail, à l’éducation, à l’égalité et la non-discrimination.

Dans un second temps, le champ des relations internationales a évolué. De nombreux accords internationaux (traités, pactes, conventions,… peu importe leur nom) n’obligent plus seulement les Etats au niveau purement diplomatique mais ont des conséquences sur leur législation interne. L’Union européenne en est la parfaite illustration. Les parlements nationaux des Etats-membres passent le clair de leur temps à transposer dans leur ordre juridique interne les directives venues de Bruxelles.

Ensuite, il convient de rappeler que certaines lois désuètes et anciennes existent encore. Sans plus aucun objet, ses vieilles lois encombrent nos codes à cause d’oubli lors de réformes successives.

Enfin, on observe le phénomène des «lois-spectacles». En effet, le législateur a de plus en plus tendance à user de son pouvoir normatif pour résoudre un problème, même si adopter un nouveau texte législatif ne règle pas la situation.

Ce phénomène est dommageable à plus d’un titre. Il donne l’impression que le législateur court comme une poule affolée poursuivie par un renard, que la loi n’est que réactive et arrive trop tard. Leur rédaction est mauvaise : trop pointilleuse, trop vague, … Souvent, les lois-spectacles ne font que rajouter à la complexité et à l’opacité des textes légaux ; ce qui rend leur compréhension et leur application difficile pour les citoyens et ceux chargés de l’appliquer. Par exemple, modifier le Code pénal ne pallie pas au manque d’effectifs dans les forces de l’ordre ou dans la magistrature.

Néanmoins, l’inflation est positive en ce que la loi est l’expression de la volonté générale, indispensable à un Etat démocratique. La coutume, les usages ou les principes ne sont pas suffisants pour assurer la sécurité juridique des citoyens (c’est-à-dire prévoir les conséquences de ses actes). Une loi claire, compréhensible, générale et précise le peut. Elle empêche le gouvernement des juges. La loi peut aussi être proactive. Preuve en est de l’article 16 de la Constitution et des dispositions relatives à l’état de siège et l’état d’urgence qui permettent aux autorités de défendre rapidement et avec tous les moyens nécessaires les Français.

Cela demande du législateur la capacité de réfléchir dans le temps long, d’évaluer la pertinence ou non d’une norme, d’analyser l’effectivité des normes. «Un loi bien faite vaut mieux qu’une loi trop remplie».