Nos agriculteurs sont-ils des pollueurs ?

 
©Pascal Xicluna/Min.Agri.Fr

©Pascal Xicluna/Min.Agri.Fr

 

Le secteur agricole est particulièrement impliqué dans le phénomène de pollution mondiale. En France, 17,8% des émissions de gaz à effet de serre proviennent de l’agriculture. Avec l’élevage, ils représentent à eux seuls 97% des émissions nationales d’ammoniac. Ces chiffres ne sont pourtant pas si simples ni si linéaires. Le terme d’agriculture revêt de nombreuses nuances. En effet, il faut préciser que c’est bien l’agriculture intensive qui peut se targuer d’être à l’origine de la majorité de ces résultats. Pourtant, ce sont les agriculteurs français dans leur ensemble qui en paient les frais : l’opinion publique s’en détache pour les condamner. Leur profession fait l’objet d’attaques : l’agribashing vient de faire depuis quelques années son apparition (de l’anglais bashing : dénigrement).

Un petit retour vers les faits est nécessaire. L’agriculture représente quasiment la seule source d’émission d’ammoniac en France (contenant 82% d’azote), d’autre part, le mélange des engrais et des excréments d’animaux est explosif : il serait cause de 55% de la pollution de l’air liée aux activités humaines dans le monde, selon une étude réalisée par l’Institut de la Terre à l’Université de Columbia. Les chiffres inculpent.

Cependant, ces données sont à nuancer : il n’existe pas qu’un seul type d’agriculture. Pour faire simple, on pourrait séparer l’agriculture mondiale en trois branches : l’agriculture intensive (caractérisée par sa recherche constante de maximisation de sa production), l’agriculture conventionnelle (employée pour recouvrir les pratiques agricoles les plus courantes) et l’agriculture biologique (plus respectueuse des animaux, des agriculteurs et de l’environnement, excluant l’usage de produits phytosanitaires et d’engrais chimiques). L’agriculture conventionnelle est la plus pratiquée, et c’est donc elle qui subit les critiques, alors que la pollution liée à l’agriculture est majoritairement conséquente des exploitations intensives.

Mais alors, les agriculteurs français sont-ils les victimes collatérales de l’agriculture intensive (qui ne représente que 13% des exploitations agricoles françaises) ? Dans sa tribune publiée dans le journal Le Monde le 20 février 2019, Marie-Guite Dufray, présidente de la région Bourgogne Franche-Comté, s’indigne : « L’agriculture-bashing n’est plus supportable. Il faut qu’il cesse. » Les attaques faites aux producteurs français deviennent systématiques, pesant sur leur réputation et leur travail. La faute pourrait en partie être déplacée à l’industrie agro-alimentaire : c’est elle qui fait appel à l’agriculture intensive. C’est elle qui demande toujours plus d’efforts au producteur en le rémunérant de moins en moins, compétitivité oblige. Seule l’agriculture biologique permettrait de sortir de cette spirale polluante, mais la part du marché reste minime (4,4% de la consommation totale des produits agricoles et alimentaires selon une étude de l’INSEE en 2018) et ne permet donc pas à la majorité des agriculteurs d’en vivre.

Pression de l’industrie agro-alimentaire, agribashing du plus grand nombre, le statut de pollueur endetté est difficile à porter et les conséquences sont graves. Un agriculteur se suicide tous les deux jours en France.