La France doit-elle demeurer un État unitaire ? (1/2)

 
Aujourd’hui un musée, le Louvre fut longtemps un haut lieu de la politique française. Photo par : Yeo Khee - Place du Louvre - Unsplash

Aujourd’hui un musée, le Louvre fut longtemps un haut lieu de la politique française. Photo par : Yeo Khee - Place du Louvre - Unsplash

 

UNE CENTRALISATION DE LONGUE DATE

La France est, de jure, une république unitaire centralisée. Tous les citoyens français sont théoriquement soumis au même pouvoir et aux mêmes lois émanant d’une autorité centrale : Paris. En effet, c’est à Paris qu’on retrouve toutes les institutions du pays comme l’Assemblée nationale, le Sénat, la Cour de Cassation, le Conseil d’État, ou encore l’exécutif et les forces armées. Attribuée à tort aux révolutionnaires jacobins (Robespierre, Danton, Marat, etc.), la centralisation française trouve ses racines dans l’histoire des rois de France et leur montée en puissance face aux grands seigneurs de Province. Choisis parmi de grands chefs charismatiques mais aussi de faibles aristocrates fonciers, les monarques de France vont, à grand coup d’annexions, de mariages et d’achats, étendre leur juridiction et leurs prérogatives territoriales. De Philippe-Auguste à Louis XIV en passant par Saint-Louis IX et Richelieu, le gouvernement royal français n’a eu de cesse d’agrandir son pouvoir sur ceux qui le contestaient. Les révolutionnaires de 1789, eux, n’ont fait qu’achever une œuvre millénaire en proclamant la fin des privilèges (4 août) et la destruction des anciennes provinces royales au profit des départements (1790).

Dès lors, la France sera régie par une seule loi et un seul pouvoir jusqu’en 1919. En effet, pas même les réactionnaires Louis XVIII et Charles X, frères de Louis XVI devenus rois à partir de 1815, n’y reviendront. Il faudra attendre la réintégration de la province perdue d’Alsace-Moselle au cours du traité de Versailles pour voir une première entorse à l’indivisibilité républicaine, la première d’une longue série.

L’ABANDON DE LA POLITIQUE CENTRALISATRICE

L’Alsace et le département de la Moselle furent annexés en 1871 des suites du traité franco-allemand de Francfort où l’Allemagne impériale tout nouvellement unifiée réclama ces terres de tradition germanique. Réintégrée en 1919 après la victoire française sur l’Allemagne, l’Alsace-Moselle était vierge des évolutions législatives du reste de la France, notamment la séparation de l’Église et de l’État (loi de 1905). Plus encore, des lois avaient été votées et adoptées par Berlin et restaient en application en 1919.

Placée sous l’autorité suprême du président Clemenceau en 1918, un décret en date du 6 décembre 1918 consacra le maintien (provisoire) du droit local. De vifs débats animèrent l’Assemblée jusqu’en 1924 entre partisans de l’indivisibilité de la République (plutôt situés à Gauche) et partisans du respect du droit local jugé plus avant-gardiste sur certains points (plutôt situés à Droite). Il fut ainsi tranché que l’Alsace-Moselle pourrait conserver ses particularités, sans doute parce que les Français d’alors ne voulaient pas froisser une population pour laquelle ils s’étaient battus pendant quatre années.

Mais voilà que le Parlement avait créé un précédent dans lequel certains groupes identitaires et nationalistes n’allaient pas manquer de s’engouffrer, au grand dam de l’indivisibilité républicaine. Pour autant, l’Alsace-Moselle est relativement semblable au reste du pays avec seulement 1/20ème des lois en vigueur datant d’avant 1871 et de 1871-1919.

Face à la centralisation parisienne, des mouvements de décentralisation naissent au cours des années 1930 à 1960. Pétain et De Gaulle seront deux réformateurs dans le domaine, privilégiant le développement de la Province pour casser les revendications sociales pour l’un et décongestionner Paris pour l’autre. C’est dans cette démarche que le président De Gaulle proposera la mise en place de régions en France lors du référendum raté de 1969. Pour autant, ce sera François Mitterrand, qui fera renaître l’idée de régions, plus dans une optique européiste que réellement pragmatique. Dès lors, les régions françaises tendent à se transformer en Landers à l’allemande et à s’inscrire dans un projet bien moins pragmatique que l’original.

Sources 

Définition de l’État unitaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_unitaire 

Droit local en Alsace-Moselle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_local_en_Alsace_et_en_Moselle#Historique 

Histoire des régions françaises  : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gion_fran%C3%A7aise#Histoire_des_r%C3%A9gions_fran%C3%A7aises

L’Ancien Régime et la Révolution, Alexis de Tocqueville (1856)