La particratie, un mal belge

 
Palais de la Nation, parlement belge, chambre d’enregistrement de décisions politiques prises ailleurs - thebelgianhouse.be

Palais de la Nation, parlement belge, chambre d’enregistrement de décisions politiques prises ailleurs - thebelgianhouse.be

 



Il y a beaucoup de maux qui rongent le royaume de Belgique : manque d’identité nationale, séparatisme, communautarisme, …. mais l’un d’entre eux ressort particulièrement : la particratie.

La particratie consiste en une forme d’oligarchie où ce sont les présidents des partis politiques qui exercent véritablement le pouvoir au sein de l’Etat fédéral et des entités fédérées. En soi, que des partis politiques s’allient pour gouverner n’est pas problématique. Mais, la question se pose quand une majorité est formé par des partis sans tenir compte du résultat des scrutins ou dans le seul but de circonvenir la montée en puissance d’un rival. Bref, lorsque l’intérêt général est remis en cause.

Dans Le mythe de la démocratie parlementaire : une analyse belge, le politologue Wilfried Dewachter classe les trois personnages les plus importants du royaume : le premier ministre, les vices-premiers ministres et les présidents de partis ! Comment en est-on arrivé là ?

La particratie est née durant les premières années du royaume de Belgique. Les libéraux et les catholiques (seuls partis de l’époque) s’étaient alliés pour l’indépendance mais leur union se fissuraient de plus en plus. C’est par des compromis que les deux partis s’entendirent pour façonner la société de l’époque : éducation, charité, santé où chacun put gérer ces domaines de manière autonome. Le Parlement devint dès lors « une chambre d’enregistrement » de décisions politiques prises ailleurs.

Au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles forces partisanes (les socialistes au début du XXe siècle, la NVA plus récemment), le poids des partis s’appesantit encore plus dans la vie publique belge.

La plupart des décisions sont prises par une dizaine de personnes : les présidents de partis politiques et leurs états-majors. Les élus parlementaires sont contraints par la discipline de vote de suivre la décision prise par leur parti sans avoir leur mot à dire. Gare à un éventuel frondeur : il sera condamné à siéger en indépendant (devenant de ce fait inaudible) et, dans le cadre d’un scrutin proportionnel, il ne sera probablement pas réélu.

9 lois sur 10 sont d’origine gouvernementale. Et, avant de passer en Conseil des Ministres, les textes sont préparés par les cabinets ministériels et les services spécialisés des partis eux-mêmes.

La Constitution est parfois écartée ou remodelée pour correspondre au mieux aux équilibres politiques voulus par les partis plutôt que respecter car loi fondamentale du pays ! Ainsi, en 1990, 14 postes hiérarchiques sur 20 n’étaient pas établis par la Constitution.

Dès lors quel pouvoir reste-t-il au peuple ? Evidemment, personne ne remet en cause le suffrage universel. Mais, les élections ne servent qu’à fixer les rapports de force entre partis. Ce sont alors leurs états-majors qui négocient en fonction de leur affinité, des programmes mais surtout des circonstances (la poussée d’un parti plus radical sur son aile gauche ou droite par exemple). Ajoutons qu’en Belgique il n’y a que deux jours d’élections. Le premier a lieu en octobre pour le renouvellement des élus communaux et provinciaux. Le second se déroule en mai et concentre les élections législatives fédérales, régionales et européennes. Entre ces dates, après les négociations (souvent longues et pénibles), le citoyen n’a plus de moyens de pression contre les élites politiques.

Des solutions sont possibles pour diminuer le poids des appareils et rendre le citoyen plus maître de ses choix : établir des circonscriptions fédérale et régionale pour diminuer le poids des « barons » locaux, supprimer le seuil électoral, privilégier le nombre de voix à la place qu’occupe un candidat sur une liste pour se voir élire.

Mais, tout cela ne sera possible que si la population manifeste sa volonté. Et, les Belges n’étant pas un peuple politique, la situation risque de durée ad vitam aeternam !