Le Prince de Machiavel & la politique réaliste

 
Portrait de Machiavel par Santi di Tito - XVe siècle

Portrait de Machiavel par Santi di Tito - XVe siècle

 

pragmatisme & idéalisme

La politique réaliste, c’est avant tout la victoire du pragmatisme sur l’idéalisme. Le pragmatisme s’oppose à l’idéalisme en privilégiant l’efficacité sur l’éthique et agit dans un contexte ou un but réaliste là ou l’idéalisme va lui agir dans un contexte ou un but moral. Philosophiquement parlant, le pragmatisme décrète qu’une idée ou théorie n’est vraie qu’à partir du moment où elle peut agir sur le réel, elle n’est pas innée de base mais se révèle progressivement à l’homme. L’idéalisme lui, s’accorde sur le fait que les idées et représentations que l’homme se fait agissent sur le réel. Ils fondent ainsi ses actions sur un idéal qu’il souhaite atteindre.

Pour faire un résumé grossier, dans le cas du pragmatisme, le réel influence l’homme et construit ses idées, tandis que dans l’idéalisme, c’est l’homme avec ses idées qui influence le réel. Pragmatisme et idéalisme présentent tous les deux des failles, dans le cas du pragmatisme, la proximité et l’attachement au réel qui définit les idées, peuvent doter l’homme d’une vision à court terme. C’est l’exact inverse pour l’idéalisme ou l’homme se projette dans une vision à long terme, loin de la réalité et qui peut être inaccessible.

Chez Terra Bellum, le pragmatisme est l’un des piliers qui définit notre pensée, nous avons toujours assumé pleinement nos idées dans un cadre global et c’est pourquoi l’on nous aime et nous déteste. Nous ne sommes pas et ne serons jamais en faveur de la neutralité, car le bien et le mal sont des notions abstraites, une variable influencée par notre morale. Mais être pragmatique ne signifie pas, comme pour Machiavel, d’être étranger à tout concept et structure qui font le pouvoir, ici la cité incarnée par la nation et son peuple représentant de l’intérêt commun, le régime n’ayant que peu d’importance, car portant en lui les germes de sa propre corruption.

« Le parti de la neutralité qu’embrassent le plus souvent les princes irrésolus, qu’effraient les dangers présents, le plus souvent aussi les conduit à leur ruine. »
— Machiavel

Le Prince intemporel

Si l’on prend l’exemple du Prince de Machiavel, ses conseils sont éminemment teintés de pragmatisme, car ils se destinent en effet au Prince de Florence, déjà à son poste et qui fait lui-même parti du réel de l’époque. Machiavel pense le mal comme inhérent à l’humanité, il faut alors composer avec ce mal, sans chercher à transformer les hommes. La politique de Machiavel n’est pas idéale ou moraliste, elle est tout simplement applicable. Le but premier du Prince est de se confronter à la réalité, l’ouvrage prend en effet en compte le contexte géopolitique, le modèle économique et social de l’Europe du XVe-XVIe siècle.

Il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois ; l’autre avec la force. La première est celle des hommes ; la seconde celle des bêtes. Mais comme très souvent la première ne suffit pas, il est besoin de recourir à la seconde - Machiavel

Ce qui fait la force de cette œuvre, ce n’est pas la forme des conseils qui sont énoncés, mais le fond théorique. Certes, aujourd’hui Florence n’est plus une cité-état, le Royaume de France ne menace plus d’envahir l’Italie du Nord, c’est ici la forme. Mais en réalité, il y a et il y aura toujours des gouvernés et des gouvernants, des gens de guerre et de gens de paix, des réseaux d’influences et d’influençables, des hommes de valeurs et des hommes d’argents. C’est ici la principale force de l’œuvre intemporel de Machiavel et c’est aussi un argument en faveur du pragmatisme qui, certes, est une adaptation du réel et offre donc des solutions à court terme, mais s’adapte théoriquement à l’humanité et transcende les époques.

« En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. »
— Machiavel

Les moralisateurs face au prince

Le terme machiavélisme est associé péjorativement à la personne de Machiavel mais aussi dans une certaine mesure au pragmatisme et donc par découlement à ceux qui soutiennent cette doctrine. Le machiavélisme est un principe selon lequel la fin justifie les moyens dans la conquête et l’exercice du pouvoir ou tous les coups sont permis. Mais l’ouvrage de Machiavel et le pragmatisme sont en réalités bien plus complexe que cette interprétation biaisée et diffamatoire. Cette vision aux conséquences durables nous vient d’Innocent Gentillet, un avocat Suisse du XVIe siècle, qui dans son œuvre « Discours sur les moyens de bien gouverner » plus exhaustive sous le nom « d’anti Machiavel » condamne les propos de Machiavel et se pose en détracteur. Machiavel serait ainsi cynique, malhonnête, étranger au sens de l’honneur et de la moral et opposé à tout idéal (critiques que l’on retrouve dans nos société actuelles). Dans les faits cependant, Machiavel explique simplement que la notion du bien est subjective pas nature et que son application directe dans la politique est donc une illusion naïve, le gouvernant s’attirant la haine en faisant le bien comme le mal. Ce qu’il faut, c’est une politique basée sur l’efficacité du gouvernant, pour son propre bien mais aussi celui de la nation et de son peuple.

Le Prince demeure une oeuvre incomprise par son inflexibilité et son pessimisme assumé des Hommes, c’est pourtant un ouvrage empli de vérité sur l’application de la justice, la causalité et le déroulement de la guerre, l’usage du droit et de la force le tout dans une notion d’équilibre entre la sagesse et la crainte qui ne peuvent être dans la forme critiquées que sur la morale.

« Ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre »
— Machiavel