Le Tchad, un exemple à suivre ?

 
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Le Tchad occupe une place particulière dans l'Histoire militaire, coloniale et récente de la France. C'est sous l'impulsion de son gouverneur Félix Eboué que cette colonie s'est ralliée à la France libre. C'est à partir de ce pays qu'est partie la colonne du général Leclerc qui allait devenir la "2eDB" et libérer Paris et Strasbourg. Le Régiment de Marche du Tchad existe toujours et se retrouve toujours en opération extérieure pour la défense des Français.

Un peu moins connu pour cela, le Tchad a aussi été le lieu des premières opérations de contre-insurrection de l'armée française après la guerre d'Algérie. Il est donc intéressant de revenir sur ces évènements et d'en tirer un "retex", un retour d'expérience pour éclaircir les engagements actuels des armées françaises.

Indépendant en 1960, le Tchad est gouverné par François Tombalbaye. Ce dernier s'appuie sur les chrétiens et les animistes du sud du pays tout en dévalorisant les musulmans toubous du nord perçus comme les anciens favoris du colonisateur. Le ressentiment des Toubous va se muer en opposition armée par la fondation du Front de libération national du Tchad (Frolinat) en 1966. Soutenu par la Libye et la Centrafrique, le Frolinat dispose de milliers de partisans à la culture guerrière affirmée et du soutien de la population musulmane. En 1968, il s'est déjà emparé/implanté des provinces de Mongo et Am Timan et la capitale N'Djamena est menacée. 

L'ampleur de la rébellion est telle que le président Tombalbaye est forcé de faire appel à l'armée française pour obtenir un résultat. Dès l'été 1968, une compagnie de paras dégage le poste d'Aozou qui était assiégé. Bien qu'en pleine campagne référendaire et toujours sous le "choc" de mai 1968, le général de Gaulle va décider d'augmenter l’aide à son allié tchadien. 

Cette aide va prendre trois formes. Diplomatique car il s'agit pour le Quai d'Orsay de convaincre ses soutiens d'abandonner le Frolinat. Civil car la reconquête des terres perdues doit aller de pair avec une réorganisation de l'administration tchadienne pour réimplanter l'Etat. Enfin, militaire, il s'agit de faire la guerre au Frolinat mais aussi de réformer et renforcer l’armée nationale tchadienne. Pour ce faire, une force aéroterrestre est mise sur pied. Ce sont 3 à 5000 hommes issus des troupes marine, du 2e Régiment étranger de parachutistes et un escadron de blindés légers. Ils sont appuyés par des hélicoptères et une aviation de combat qui fait office d’artillerie volante.

L’ensemble des éléments est placé sous la responsabilité de l'ambassadeur de France, Fernand Wibaux. A charge pour lui d’arbitrer les différents qui peuvent survenir entre civils, militaires, Français et Tchadiens.

Les premiers combats commencent le 7 avril 1969 dans l’est, près de Mongo. Les paras de la Légion accrochent les rebelles et les fixent. Cette fixation permet à des sections héliportées d’encercler l’ennemi et de l’anéantir. Pendant un an, les rebelles vont ainsi être traqués et repoussés par l’armée française.

Derrière la progression des troupes, l’administration locale est rétablie et des plans d’aide sont mis en place. De même, l’armée locale est entraînée et réformée pour pouvoir rapidement monter en ligne. Parallèlement, la France réussit à détacher la Centrafrique de son soutien au Frolinat.

Malgré le soutien de la Lybie de Kadhafi, les Toubous présents au nord du pays sont eux aussi vaincus en octobre 1970. Les postes français assiégés sont délivrés par une offensive franco-tchadienne impliquant blindés, avions et hélicoptères.

A ce moment, les principaux objectifs de l’Hexagone sont atteints : les points les plus importants du Tchad sont sécurisés, l’armée et l’administration locale sont en place et les rebelles ont perdu leurs soutiens extérieurs. On peut décemment appeler cela une réussite et une victoire. Progressivement, la présence française est réduite.

Que retenir de cette première OPEX ?

Tout d’abord, cette opération n’a pu avoir lieu, et aussi rapidement, grâce aux relations bilatérales, d’Etat à Etat, qu’entretiennent Paris et N’Djamena. Passer par l’ONU aurait fait perdre un temps précieux et un éventuel mandat accordé à la France aurait certainement réduit la capacité d’action de ses forces.

Ensuite, il est bon d’observer que les militaires disposent d’une grande liberté d’action. Le gouvernement français n’est pas effrayé par les pertes (par ailleurs minimes). Il n’impose une paralysie dans les combats pour limiter les pertes (mal vue politiquement).

Enfin, les troupes françaises sont presque en permanence sur le terrain, en patrouilles, en embuscade. Les Français ne cherchent pas vainement à protéger un site (en laissant tomber donc tous les autres) mais à vaincre l’ennemi. La mobilité, l’agressivité, la connaissance du terrain et la parfaite coordination avec des appuis feux ont été les instruments de la victoire sur un territoire grand comme deux fois la France.

Autre chose à retenir, le succès est aussi dû à des objectifs clairs, limités et donc atteignables. Il ne s’agissait pas d’établir un régime démocratique avancé mais de soutenir un allié (assez précieux vu sa position au carrefour de l’Afrique).

Si d’aventure de nouvelles opérations devaient être entamées, les décideurs devraient avoir à l’esprit les clefs du succès des opérations précédentes