Géopolitique du « Monde d'Après » : L'Union Européenne, l'Euro et la crise du coronavirus

 
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« Si les institutions européennes ne protègent pas les Européens contre quoi que ce soit et, à l’évidence, ne servent à rien en temps de crise, en particulier de crise internationale, à quoi servent-elles alors ? ». Il semblerait qu’après cette séquence de crise du coronavirus et de manifeste déclin de l’Europe (voir article « Géopolitique du "Monde d’Après" : l’Asie Orientale, nouveau centre du monde ? »), Louis-Vincent Gave pose la bonne question. L’Union Européenne est en crise ; « Comme d’habitude », pourrions-nous souffler. Nul doute que la « crise du coronavirus » n’arrangera rien.

Certes il était entendu dès le départ de l’aventure que les crises devaient être le moteur de la construction européenne ; Jean Monnet affirmait déjà dans ses mémoires « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ». Le phénomène de crise est en effet consubstantiel à la construction européenne, chaque étape de cette construction étant pensé de manière à ce que ce qui est décidé aboutisse nécessairement à une crise nécessitant, pour sa résolution, le passage à une étape supérieure d’intégration. Par ce biais, l’approfondissement de la construction européenne peut se présenter comme indispensable, et résout une crise en posant les germes d’une nouvelle qui se déclenchera quelques années plus tard, appelant ainsi à toujours plus d’intégration jusqu’à l’avènement des « États-Unis d’Europe » dont ont rêvé des générations d’européens depuis la tragique fin de l’Empire Romain.

Jacques Attali était le premier à expliquer, en conformité avec les dires de Monnet, que de la même manière qu’il était entendu que le marché commun ne pouvait pas fonctionner et aboutit à une crise qui ne put se résoudre que par la mise en place du marché unique, et de la même manière qu’il était aussi clair que ce marché unique ne fonctionnerait pas plus et entraînerait à moyen terme une nouvelle crise menant à l’adoption de la monnaie unique pour sa résolution, l’euro ne pouvait pas plus fonctionner. « Nous savions très bien, quand on a fait la monnaie unique, que ça ne marcherait pas, que ça ne suffirait pas. Exactement comme dans les trois crises précédentes (…). Parce que jamais dans l’histoire de l’humanité on n’a eu une monnaie qui a existé sans un État. Ça n’existe pas une monnaie sans État. Vous prenez toute l’histoire du monde, une monnaie sans État ça explose ».

La décision d’introduire malgré tout l’euro s’explique selon la même dialectique : produire une crise qui se résoudrait par la poursuite de l’intégration européenne via la constitution d’un gouvernement de la zone euro et la communautarisation complète de la politique économique. Cette crise du coronavirus aurait dû être une opportunité pour les fédéralistes, qui pouvaient en profiter pour appeler à un surcroît d’intégration pour régler les difficultés économiques nées de la crise sanitaire. Mais ce qui transparaît surtout, c’est leur inquiétude. Jacques Delors, désormais âgé de 94 ans, a considéré la situation comme suffisamment grave pour sortir de son silence et mettre en garde les européens : « Le climat qui semble régner entre les chefs d’État et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l’Union européenne ».

Alors, quelles sont les dynamiques à l’œuvre en Europe après cette crise du coronavirus ? Tentons, humblement et sans aucune prétention à l’exhaustivité, d’apporter quelques éléments pour nourrir la réflexion général quant au futur de l’Europe dans ce « monde d’après ».

La situation de l’euro avant la crise du coronavirus

Les difficultés les plus graves qui attendent les européens à court terme sont sans aucun doute les difficultés économiques, et la crise de l’euro risque sans aucun doute de faire son retour (si l’on part du principe qu’elle avait été réglée). Prenons un instant pour revenir sur la situation de la monnaie unique. Il n’est pas ici question de détailler le fonctionnement de l’euro ; nous ne serons pas exhaustifs et nous contenterons ici de survoler le sujet (nous renvoyons tous les lecteurs qui désireraient aller plus loin sur le fonctionnement de l’euro et ses conséquences à la série « 20 ans de l’euro » réalisée sur YouTube par Trouble Fait, dont le lien se trouve dans les sources).

Il est un fait qui doit être connu de tous : la valeur de l’euro, qui est la même pour tous les pays qui l’utilisent, a de lourds effets sur l’économie de ces pays. Ainsi, cette valeur de l’euro est trop élevée pour les pays du sud du l’Europe (comme l’Italie, l’Espagne, la Grèce ou même la France) relativement à la valeur qu’aurait eu leur monnaie nationale en lien avec la structure de leur économie. L’euro handicape de ce fait grandement leur compétitivité et leurs exportations, avec toutes les conséquences que cela peut avoir (des pays dont l’économie était basée sur l’exportation et ne pouvant plus exporter du fait d’un manque de compétitivité dû à la trop forte valeur de leur monnaie connaissent mécaniquement une hausse du chômage par exemple). Ces pays souffrent en plus, depuis la crise de 2008 et la crise de l’euro, d’un manque général d’argent du fait de la fuite des capitaux vers les pays du nord de l’Europe ; et en 1er lieu vers l’Allemagne, comme le montrent les déséquilibres des soldes Target 2. Trouble Fait résume parfaitement la situation : « Les économies des pays du sud sont asphyxiées par le manque d’argent. Ils sont condamnées à un chômage de masse, à une croissance économique inexistante et à une dette en constante augmentation pour acheter la paix sociale » (« La mort clinique de l’euro - 1/2 »).

 
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Du côté des pays du nord de l’Europe (et de l’Allemagne en 1er lieu) la valeur de l’euro, est inférieure à la valeur que devrait avoir, relativement à la structure de leurs économies, leurs monnaies nationales, et booste ainsi artificiellement leur compétitivité. L’euro représenterait, d’après Jacques Sapir, une subvention à l’exportation pour l’Allemagne de près de 32 %, permettant ainsi au pays d’être l’une des plus grandes puissances exportatrices du monde et d’engrener des bénéfices considérables. Mais la situation allemande n’est pas si positive qu’elle en a l’air ; si les conséquences désastreuses de l’euro sont évidentes en ce qui concerne les pays du sud de la zone euro (Charles Gave souligne par exemple que la production industrielle italienne a baissé de près de 50 % depuis l’introduction de l’euro, et serait revenue au niveau de 1975, du fait de l’inadaptation de la valeur de l’euro à la structure de l’économie italienne), celles concernant l’Allemagne sont moins évidentes et surtout bien moins discutées, car induites par le fonctionnement du système Target 2 (pour ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit, vous pouvez consultez les vidéos 2, 3 et 6 de la série de Trouble Fait ; nous ne pouvons détailler ce système ici, et ne ferons de toute façon pas mieux que lui). En effet, les exportations allemandes vers le reste de l’Union Européennes sont soldées par des créances Target de la part des banques centrales des pays importateurs, qui ne sont plus en mesure de garantir leurs valeurs. Vincent Brousseau résume parfaitement la situation : « On dit d’eux (les allemands) qu’ils sont contents de l’euro parce qu’il peuvent exporter. Mais en fait, c’est un bénéfice fictif ». L’exposé des méfaits de l’euro en Allemagne n’étant pas notre sujet ici mais devant malgré tout être évoqué avant de poursuivre le raisonnement, nous renvoyons à la vidéo de Trouble Fait « L’euro va-t-il tuer l’Allemagne ? (Avant que ça ne soit l’inverse ?) », qui résume parfaitement la situation de façon accessible pour plus de détails.

 
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Dans ce contexte, l’euro ne fait désormais aujourd’hui plus que des perdants. Et si l’on est généralement au courant que l’Italie de Matteo Salvini préparait un potentiel plan de sortie de l’euro en douceur via le système des mini-bots, le plan de sortie furtif de l’euro de l’Allemagne (consistant à « nantir les dettes Target 2 avec un collatéral », comme le proposait le directeur de la Bundesbank Jens Weidmann ; voir sur cette question la même vidéo de Trouble Fait « L’euro va-t-il tuer l’Allemagne ? (Avant que ce ne soit l’inverse?) ») l’est beaucoup moins. Il convient pourtant d’avoir aussi à l’esprit que l’Allemagne pense aussi sérieusement à en découdre avec l’euro, et cela depuis que la BCE a décidé de financer de façon indirecte les États par des rachats de dettes depuis la crise de 2008 : « Securities Market Program » de 2010, « Outright Monetary Transactions » de 2012, « Long Term Refinancing Operations » de 2011 et 2012, « Targeted Longer-Term Refinancing Operations » de 2014, et enfin les célèbres « Quantitative Easing » à partir de 2015. Le financement des États par la BCE étant interdit par les traités européens et potentiellement inflationniste, et l’Allemagne a toujours été hostile à ces pratiques. L’opposition allemande à cette politique de la BCE, pourtant nécessaire à la survie même de l’euro, s’est manifesté en 2013 quand 35 000 allemands déposèrent un recours devant la cour constitutionnelle allemande pour dénoncer cette politique de la BCE, présentée comme un « programme illégal de financement des pays membres de la zone euro par des moyens détournés ». Cette situation paradoxale d’allemands refusant de permettre à la BCE de poursuivre une politique nécessaire à la survie de la zone euro est analysée par Trouble Fait comme une manifestation du fait que « les dirigeants de la Bundesbank, et plus largement du monde économique allemand, auraient préféré que certains États sortent de la zone euro ou qu’on y mette fin dès 2010 plutôt que de se lancer dans ces politiques monétaires "non conventionnelles" ».

Le coronavirus : amplificateur d’une dynamique de longue date, pas responsable

Cette petite contextualisation de la situation de la zone euro avant même que n’éclate la crise du coronavirus nous semblait nécessaire pour montrer que si cette zone euro, voire même l’Union Européenne dans son ensemble, venaient à éclater dans les mois ou les années qui viennent, la crise du coronavirus ne saurait être considérée comme le déclencheur de la fin de cette « grande aventure », à laquelle Jacques Chirac était si heureux de prendre part. Comme pour la majorité des bouleversements que nous sommes susceptibles de connaître à court ou moyens terme, la crise du coronavirus ne jouera pas un rôle de déclencheur d’événements, mais plutôt d’accélérateur de dynamiques qui étaient déjà présentes de longue date, de la même manière que l’est la basculement du « centre du monde » dans l’océan Pacifique (voir « Géopolitique du "Monde d’Après" : l’Asie Orientale, nouveau centre du monde ? »).

Contrairement à ce qui filtre généralement vers le grand public et les gens qui ne cherchent pas nécessairement à creuser ces questions, l’euro est malade depuis quasiment sa création, et aurait dû disparaître dès la crise de 2008. Son échec fait désormais consensus ; plus personne de sérieux ne peux affirmer que cet instrument économique fonctionne pour quiconque, pas même pour l’Allemagne, et son maintien n’est le fruit d’aucune rationalité économique mais uniquement d’une volonté politique qui s’obstine à la maintenir artificiellement en vie malgré ses effets catastrophiques sur les économies européennes pour des raisons politiques, que l’on peut considérer comme légitimes ou non. Le seul débat qui reste est celui de savoir s’il faut abandonner de façon pure et simple l’euro, ou s’il faut corriger ses défauts en approfondissant l’intégration économique au sein de la zone euro par la constitution d’un gouvernement de la zone euro et la communautarisation complète de la politique économique, constituant le seul moyen de rendre l’euro viable. Gardons cependant en tête que, comme nous l’avons expliqué, la constitution d’un gouvernement de la zone euro était dès la création de l’euro le but recherché, et devait venir couronner la crise que l’introduction de l’euro aurait provoquée de manière à faire apparaître ce gouvernement de la zone euro comme indispensable à des gens qui n’en auraient pas voulu autrement. Mais aujourd’hui les conséquences de l’euro, et de façon plus générale de l’Union Européenne que nous connaissons aujourd’hui, nous ont menées dans une situation telle qu’on peut aujourd’hui affirmer que le futur des pays européens est à un tournant.

L’Union Européenne n’est à la fois pas assez communautarisée pour permettre aux institutions européennes de fonctionner correctement, et à la fois trop communautarisée pour laisser aux États l’autonomie suffisante pour gérer correctement leurs affaires. Depuis son lancement, la construction européenne essaie de faire cohabiter deux projets européens aux aspirations contradictoires : un projet fédéraliste voulant aboutir à une fédération européenne, les « États-Unis d’Europe » ; et un projet de coopération internationale fondé sur des États-Nations indépendants coopérant librement sur les domaines de leurs choix, et refusant fédéralisation ou communautarisation. Cette volonté de repousser toujours le choix définitif entre ces deux projets par absence de consensus a conduit à l’émergence de cette Union Européenne de Maastricht, qui ne convient en définitive à personne car née de l’impossibilité des européens de trancher entre ces deux aspirations. Dans ce contexte, il est évident que cette structure bancale et ne répondant à aucun projet précis, déterminé et tranché, ne peut plus fonctionner. L’Union Européenne ne fait désormais plus autre chose que vivoter et paralyser des États qu’elle ne peut coordonner correctement pour rendre leur union efficace (l’union ne faisant la force que quand on tire tous ensemble dans le même sens), tout en retirant suffisamment de prérogatives à ces mêmes États pour leur permettre d’être efficaces et de pouvoir répondre correctement aux problèmes qu’ils connaissent en interne (quand ce retrait de prérogatives n’est pas indirectement la cause même des problèmes internes). 

L’Union Européenne et la crise du coronavirus

Au moment du déclenchement de cette crise du coronavirus, l’Union Européenne était incontestablement déjà en crise. Crise de confiance presque aussi ancienne qu’elle ; crise de la zone euro quasi-permanente depuis de 2008, creusant les déficits et dettes publics et empêchant certains États comme la Grèce de pouvoir se financer sur les marchés financiers ; crise des réfugiés obsédant le Vieux-Continent, qui se déchire autant de façon interétatique qu’intra-étatique à ce sujet depuis 2015 ; crise des valeurs de plus en plus criante opposant l’ouest du continent prônant le « respect des droits des minorités » et l’État de droit libéral face à de plus en plus de pays de l’est, Hongrie, Pologne et Tchéquie en 1er lieu, qui appellent depuis un certain temps la constitution d’un modèle alternatif que le 1er ministre hongrois Viktor Orbán qualifia de façon parfaitement symptomatique de « démocratie illibérale »…

On l’a dit, cette crise du coronavirus aurait pu être mise à profit par l’Union Européenne pour appeler à un surcroît de solidarité entre des pays européens confrontés au même péril. Or la réalité fut plus simple encore : pendant la crise du coronavirus, l’Union Européenne est restée muette. Aucune politique commune n’a été menée ; pire encore, les différents pays membres de l’Union se sont tirés dans les pattes, chacun s’étant replié sur sa nation et n’a pensé qu’à lui, et l’Italie en a payé les frais la première, « comme d’habitude » pourrait-on dire. Le reste de l’Union avait déjà refusé de lui venir en aide au moment de la crise des migrants, il en fut de même quand le virus la frappa, là encore avant les autres. De nombreux pays membres de l’Union, et en premier lieu la France et l’Allemagne, ont bloqué toute exportation de matériel médical vers l’Italie quand le pays était en plein cœur de la crise, tandis que la Tchéquie lui subtilisa des masques envoyés par la Chine, seul pays qui lui vint finalement en aide avec la Russie et Cuba, et qui transitaient par son territoire. Le ministre des affaires étrangères italien Luigi Di Maio prit acte de cette situation et prononça cette phrase terrible : « Nous saurons nous souvenir des pays qui nous ont été proches ».

 
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Dans ce contexte de multiplication des crises, qu’elles soient économiques, migratoires ou sanitaires, on constate que les États membres se concentrent systématiquement sur eux-mêmes, et mettent en échec toute tentative d’adoption de positions communes. Une hypothèse permettant d’expliquer cet échec général de l’Union Européenne est la suivante : il n’existe pas de nation européenne. En cas de crise, chaque nation revient à ce qui lui est fondamentale : son existence en tant que nation, et la solidarité avec les gens qu’elle considère comme membre de sa communauté. Le comportement des pays européens en temps de crise, et particulièrement durant cette crise du coronavirus, permet de voir que derrière les mots et discours qui font état d’une solidarité à toute épreuve et de liens fraternels entre les nations européennes qui ne formeraient plus des nations séparées mais bien une « famille européenne », les vieilles nations résistent. Et le sort d’un autre allemand importe toujours plus à un allemand que celui d’un français ou d’un italien ; il faut écouter les discours, mais les confronter aux actes, et particulièrement en cas de crise qui font ressortir les véritables tendances des gens comme des peuples. Et le bilan de cette crise du coronavirus est particulièrement lourd pour l’Union Européenne.

Le cas de l’Italie restera le plus emblématique de cette crise : « Au départ, quand l'Italie a demandé de l'aide à la France et à l'Allemagne, ces pays n'ont pas pu répondre positivement. C'est un phénomène de panique face à l'inconnu, les gouvernements n'ont pas osé prendre l'initiative de donner des moyens à l'Italie, ce qu'on leur aurait peut-être reproché ensuite si le matériel était venu à manquer dans leur pays » (Éric-André Martin). Ce refus de la France et de l’Allemagne de fournir du matériel médical à une Italie gravement touchée par crainte de ne plus en disposer suffisamment démontre incontestablement qu’ils ne disposent d’aucune conscience d’appartenance à une nation européenne autrement que dans les discours. Il peut certes sembler raisonnable, voire souhaitable, que le gouvernement français fasse primer l’intérêt des français sur celui des autres européens ; mais dans ce cas l’idée de « nation européenne » régulièrement invoquée par le Président Emmanuel Macron, cette idée d’un dépassement des « vieilles nations » qui ne formeraient qu’une seule et unique nation européenne, n’a que peu de sens...

Plus encore que le refus des États de s’entraider, c’est même parfois la multiplication des tensions entre les pays européens qui ont caractérisé cette période de crise. Nous avons déjà évoqué le cas de l’Italie, mais l’on a aussi pu observer des tensions entre les Pays-Bas et l’Europe du sud, incarnées fin Mars par le 1er ministre portugais Antonio Costa qui critiqua ouvertement la « mesquinerie récurrente » du gouvernement néerlandais. Le ministre des finances néerlandais Wopke Hoekstra avait en effet, pour justifier un refus de la part des Pays-Bas de participer à un plan de soutien à l’Europe du sud confrontée au coronavirus, réclamé à la commission européenne une enquête « sur le manque de marge budgétaire de certains pays européens pour faire face à la pandémie de Covid-19 » : il présentait ainsi implicitement le « manque de rigueur budgétaire » de l’Espagne et de l’Italie comme responsable de leur situation sanitaire. On peut encore évoquer la multiplication des actes anti-français dans les zones frontalières allemandes, nécessitant l’intervention des autorités allemandes. 

Et si nous nous étions fourvoyés depuis le début ? Et si, après tout, ça n’était pas le Président serbe Aleksandar Vučić qui résumait le mieux la situation : « La solidarité européenne n’existe pas. C’était un conte de fées ».

En attendant l’Union Européenne, elle, existe ; et si la situation est catastrophique, il faut pourtant bien tenter de la résoudre. Et pour ce faire, il semble qu’il faille enfin se décider à trancher définitivement cette question de l’objectif de l’Union Européenne : que veut-on en faire, à la fin ? Cette Union Européenne qui ménage les visions contradictoires de fédération européenne et de coopération intergouvernementale ne peut plus tenir. Il n’y a que 3 solutions. Ou les pays européens s’accordent, à l’unanimité, sur le fait de donner franchement à l’Union Européenne ce tournant fédéraliste, communautarisent tout ce qui est nécessaire et bâtissent ces États-Unis d’Europe, en donnant aux institutions européennes les moyens de coordonner efficacement tous les États. Ou bien les pays européens s’accordent, à l’unanimité aussi, sur une Union Européenne fondée sur la coopération d’états libres et indépendants, et mettent un terme définitif à toute politique de communautarisation des compétences. Ou bien, si aucune décision ne peut être prise et que les États ne parviennent pas à se mettre d’accord, ou bien s’ils en font le choix, de mettre un terme à ce projet européen.

Mais, à moyen terme, si rien ne bouge et que l’Union Européenne continue d’être cet ensemble d’institutions nées du refus de choisir et de trancher, alors ce projet « d’union sans cesse plus étroite entre les peuples » finira par être celui qui fera réémerger l’hostilité entre européens. Allemands contre italiens, portugais contre néerlandais, français contre allemands... Nous voyons déjà les tensions émerger, entre des nordistes qui fustigent les « pays du club Med » du sud et des sudistes qui haïssent de plus en plus ces pays du nord qui s’enrichissent sur leur dos en les insultant lorsqu’ils demandent de l’aide. Si rien ne change, les idéaux de paix ayant justifiées la construction européenne finiront par aboutir à moyen terme au retour de la guerre, et on verra notre monde s’orweliser un peu plus, l’Union Européenne apparaissant comme l’incarnation de la réciproque de la célèbre phrase de « 1984 » : « La paix, c’est la guerre ».

En attendant l’histoire continue ; et alors que nous étions toujours confinés, un élément d’une grande importance quant au futur de l’Union Européenne fut décidé en Allemagne. La cour constitutionnelle de Karlsruhe a rendu le 5 Mai 2020 un arrêt dont les conséquences sur le futur des européens s’avèreront peut-être considérables, et qu’il convient désormais d’étudier plus en détails.



Sources :

« Playlist [20ans de l’€] » de Trouble Fait : https://www.youtube.com/watch?v=0MXTWceTJWs&list=PLRFRwS8s4qMrKCLG2RtIBlDWwENzWODd1

Dailymotion. « jacques attali : intervention à l'Université Crise de l'Euro - Université populaire participative Crise de l’Euro, crise de l’Europe: quelles solutions? », NoN merci, 2012. Disponible sur : https://www.dailymotion.com/video/xp2073

YouTube. « [20ans de l’€] -4- La mort clinique de l’Euro (1/2) », Trouble Fait, 31/11/2019. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=FnU_TR_WYi4

YouTube. « [20ans de l’€] -6- L’euro va-t-il tuer l’Allemagne (Avant que ce ne soit l’inverse ?) », Trouble Fait, 22/11/2019. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=fpdKmRdrC7M

YouTube. « [20ans de l’€] -7- L’Italexit, le faux problème Target et les vrais coupables de l’Euro », Trouble Fait, 7/12/2019. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=psPOa6MFaIg

Le Parisien. « Coronavirus: la République tchèque saisit des masques destinés à l’Italie » [en ligne]. Le Parisien, 22/03/2020. Disponible sur :  https://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-la-republique-tcheque-reconnait-avoir-detourne-des-masques-destines-a-l-italie-22-03-2020-8285340.php

MAGNENOU, Fabien. « Coronavirus: comment l’Italie s’est sentie abandonnée par la France et l’UE face à sa pénurie de masques » [en ligne]. Franceinfo, 29/03/2020. Disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-comment-l-italie-s-est-sentie-abandonnee-par-la-france-et-l-ue-face-a-sa-penurie-de-masques_3887289.html

LOU, Petra. « Pandémie en Italie. Quand Macron et Merkel refusaient de l’aide à l’Italie » [en ligne]. Révolution Permanente, 16/03/2020. Disponible sur : https://www.revolutionpermanente.fr/Pandemie-en-Italie-Quand-Macron-et-Merkel-refusaient-de-l-aide-a-l-Italie

MAURO, Frédéric. « Coronavirus : l’absence de solidarité peut tuer le projet européen » [en ligne]. IRIS, 06/04/2020. Disponible sur : https://www.iris-france.org/146002-coronavirus-labsence-de-solidarite-peut-tuer-le-projet-europeen/

GRANDON, Florence. « Coronavirus: comment les frontaliers français sont discriminés en Allemagne » [en ligne]. Franceinfo, 25/04/2020. Disponible sur : https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/coronavirus-voila-comment-frontaliers-francais-sont-discrimines-allemagne-1820448.html

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PERNOUD, Raphaël. « La farce de la solidarité européenne à la lumière de la pandémie de COVID-19 » [en ligne]. Le Vent se Lève, 18/04/2020. Disponible sur : https://lvsl.fr/la-farce-de-la-solidarite-europeenne-a-la-lumiere-de-la-pandemie-de-covid-19/

Ouest France. « Coronavirus. Des politiques européens pointent le manque de solidarité sur le matériel de protection » [en ligne]. Ouest France, 06/03/2020. Disponible sur : https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-des-politiques-europeens-pointent-le-manque-de-solidarite-sur-le-materiel-de-protection-6768364

ROBINET-BORGOMANO, Alexandre. « Coronavirus : le repli allemand » [en ligne]. Institut Montaigne, 19/03/2020. Disponible sur : https://www.institutmontaigne.org/blog/coronavirus-le-repli-allemand

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BROUSSEAU, Vincent. « REGARDE, C’EST DÉJÀ L’AUBE ! = La fin des Targets – donc de l’euro à terme – est désormais exigée par le Comité économique de la CDU au pouvoir à Berlin ! — par Vincent Brousseau » [en ligne]. UPR, 17/08/2018. Disponible sur : https://www.upr.fr/france/regarde-cest-deja-laube-un-article-de-vincent-brousseau/

BROUSSEAU, Vincent. « Pourquoi l’euro est condamné – Analyse de Vincent Brousseau » [en ligne]. UPR, 16/02/2016. Disponible sur : https://www.upr.fr/actualite/pourquoi-leuro-est-condamne/