Les grands penseurs des idées politiques : Platon ou la cité du philosophe roi
Platon né en 427 avant JC dans la cité d'Athènes, une des nombreuses cités Etats peuplant alors le territoire de la Grèce classique. Il est issu d’un milieu social favorisé, d’une famille noble athénienne, c’est donc un aristocrate. Durant une partie de sa vie il est le disciple du célèbre philosophe Socrate, il est très affecté par l'exécution de son maître du fait d'un complot politique. Platon tend vers une carrière politique pendant des années mais arrête brusquement, dégoûté par sa vision du mal des Hommes et de la politique. Le disciple de Socrate, de son vivant, est témoin d’une cité qui s’est de plus en plus démocratisée jusqu’à se dérégler. Il l’a observée jusqu’à ce que certains dirigeants deviennent des tyrans. Cela va accentuer son pessimisme et va le pousser à se dire qu’il existe une sorte de mal irréductible lié à la politique. Platon voyage beaucoup autour de la méditerrané, il étudie la philosophie et la politique. Il considère que l’aptitude au pouvoir nécessite une certaine sagesse. Le disciple de Socrate devient le maître d'Aristote, autre philosophe connu et fonde une école philosophique nommée L'Académie. Platon rédige une série de dialogues mettant en scène celui-ci et son maître, tenant lieu d'ouvrages. Son travail le plus connu est le dialogue La République écrit en 315 avant JC décrivant la politique comme étant l'art de diriger la cité. Platon s'éteint en 348 avant JC à l'âge de 81 ans.
Comment s'organise la politique de la cité selon Platon ?
LA POLITIQUE, ART DE GESTION DE LA CITE
Tout le raisonnement de Platon tourne autour de la notion de « cité ». Il convient donc de déterminer ce terme pour saisir la pensée platonicienne ; la cité selon Platon représente un groupe d'hommes libres constituant une société politique indépendante, ayant son gouvernement, ses lois, sa religion et ses mœurs propres. Pourquoi est t-il toujours question de cité dans les idées politiques pures même de nos jours ? Parce que la cité symbolise le territoire et le peuple concerné par la politique. Originellement le terme cité vient de la cité antique, la cité Etat comprenant la ville et ses murailles ainsi que le territoire naturel proche l'entourant. Non seulement les idées platoniciennes sont destinés à la cité mais elles concernent tout autant un pays, une ville où un peuple donné.
La cité de Platon est divisée en trois castes. La première est la moins importante démographiquement mais n'a pour seul but que de gouverner cette cité, il s'agit des sages, des philosophes, des gouvernants. Ensuite vient la caste des soldats, des guerriers, des irascibles qui se battent pour défendre la cité. Enfin viennent les sensuels (selon la qualification platonicienne): ceux qui n’agissent que par rapport à leurs sens, et non selon leur raison. C’est l’immense majorité du peuple, les travailleurs, artisans, vendeurs... Cette qualification n'est que théorique selon Platon, et les gouvernants peuvent changer selon la volonté des différentes castes de la cité. Il peut arriver que les sensuels prennent le pouvoir ce qui donne la ploutocratie ( gouvernement de la foule) où la démocratie, les guerriers peuvent former une tyrannie où bien les sages peuvent abandonner la raison et passer d'une aristocratie à une oligarchie.
Seule la raison des gouvernants peut apporter stabilité et parfait fonctionnement de la cité.
LA SAGESSE D'UNE ELITE DIRIGEANTE
Platon dégage de la réflexion qu’il mène l’idée selon laquelle la sagesse, la raison est nécessairement l’affaire d’une minorité. Celle ci est composée de sages (sophoï); dans le domaine politique, il considère que l’aptitude au pouvoir nécessite cette sagesse: seuls les sages doivent gouverner, d’où le rejet de la démocratie si on entend le terme demos comme l’ensemble du peuple.
Peut on éduquer le peuple? Platon abandonne l’idée de l’éducation de la masse. Il y a nécessairement une hiérarchie dans la société: ceux qui savent doivent commander ceux qui sont ignorants. Il va organiser la société suivant un certain nombre de principes, avec un objectif clair: amener les sages au pouvoir. Son raisonnement passe par un recrutement héréditaire: ceux qui possèdent la raison doivent être recrutés de manière héréditaire. Les sages doivent transmettre leur sagesse à leurs descendants. On ne les laissera donc pas choisir leurs épouses selon leur propre volonté; celles si devront être sélectionnées pour donner naissance à de nouveau sages. Par conséquent ceux doués de raison vivent entre eux, et sont totalement écartés de la vie sociale: ils n’ont pas accès à la propriété, étant pris en charge par l’Etat, n’ont pas de famille et sont à l’abri du désir. Leur vie est destinée à gouverner la cité. Selon la théorie de Platon il faut que le philosophe devienne roi, ou que le roi devienne philosophe. Si le roi devient philosophe, il devrait pouvoir disposer d’un pouvoir absolu: un despotisme éclairé. Ce pouvoir va lui permettre de réformer l’Etat dans le sens de la raison avec beaucoup de facilité. Platon voit le philosophe roi comme une allégorie de la sage minorité dirigeante, privilégiant l'aristocratie comme régime politique viable.
La volonté de Platon de donner le pouvoir à une minorité sage et raisonnée vient de son vécu, en effet dégoûté des complots et manigances des dirigeants et du peuple il pense que seul le parfait philosophe roi peut protéger les Hommes du mal qui les possède.
LE MAL, INHERENT AUX HOMMES
Du fait de sa vie Platon voit le comportement des Hommes d'une manière pessimiste, pensant qu'une sorte de mal est indissociable de ceux ci. Le disciple de Socrate est sûr que ce mal est attaché à toute forme de gouvernement. Il se persuade que la cause de la ruine morale des Etats réside dans l’Homme lui-même, et la politique est mauvaise car l’Homme est mauvais. En effet selon Platon les sages seront gagnés par l’envie, et l’on évoluera vers l’oligarchie (le gouvernement de la minorité non sage), la ploutocratie ( gouvernement de la foule) , voire la démocratie, régime non viable, car débouchant sur la démagogie, qui mène à la tyrannie. On va alors tenter de faire du tyran un sage, pour retourner à l’aristocratie. Chez les penseurs grecs, l’application des lois naturelles s’applique à la sphère sociale: Platon emploie le mot « révolution », dans son sens astronomique, pour désigner les cycles d’évolution politique. Le cycle, naturel, ne peut être contrôlé par les Hommes. Ces phénomènes, bien qu’appartenant au domaine sociologique, dépassent leurs acteurs. Une sorte de main invisible, surhumaine, vient déterminer les cycles.
La cité est donc coincée dans un cycle, répétitif par définition, de variation de régimes politique bons et mauvais, mais il convient de se battre pour garder la raison comme outil politique et permettre à cette cité de prospérer, loin des démons des Hommes.
BIBLIOGRAPHIE
Platon : œuvres complètes de Luc Brisson
La République de Platon
Comprendre Platon : analyse complète de sa pensée de Claude Lemanchec
Sur « le politique » de Platon de Cornélius Castoriadis
Histoire des idées politiques, la pensée occidentale de l'antiquité à nos jours de Olivier Nay