Les prisonniers de l'Etat islamique : un problème pour de multiples enjeux

 
Photo prise dans un camp kurde de prisonniers dans le Nord de la Syrie. (Crédits photo : AFP)

Photo prise dans un camp kurde de prisonniers dans le Nord de la Syrie. (Crédits photo : AFP)

 

Le dimanche 13 octobre 2019 des suites de l'offensive militaire turque contre la région du Kurdistan syrien, près de 800 personnes affiliées au djihadisme se sont échappées d'une prison kurde. Cette impressionnante fuite de prisonniers relance des questions sur l'héritage de l'Etat islamique. Que faire de cette masse de prisonniers ? Quel rôle l'Occident doit-il jouer ? Quelles répercussions auront ce retour à la nature de possibles milliers d'ex djihadistes au niveau régional et au niveau mondial ? Cette masse de prisonniers est donc au cœur d'enjeux stratégiques, diplomatiques et juridiques mondiaux. 

UNE FORCE ET UNE FAIBLESSE POUR LE KURDISTAN 

Selon les statistiques les prisons kurdes abriteraient aux environs d'une dizaine de milliers de djihadistes répartis sur le territoire du Kurdistan. Du fait de l'offensive turque, l'armée kurde délaisse ses prisons pour acheminer ses gardiens au front. Il est donc à craindre que d'autres échappatoires de cette sorte arrivent et viennent s'ajouter à l'instabilité de la région. Les autorités kurdes gardaient ces masses de prisonniers par manque de visibilité temporelle ; que faire de tous ces hommes et femmes ? Tous n'ont pas été jugés, il n'y a pas de preuve que toutes ces personnes soient des djihadistes, que faire des enfants et femmes n'ayant pas combattus, que faire des djihadistes étrangers ? Devant tant de questions en suspens, les Kurdes ne pouvaient offrir de réponses rapides, étant concentrés sur la reconstruction de leur région. Mais ces prisonniers semblaient tout de même constituer une certaine force pour le Kurdistan, ce dernier les utilisant comme menace envers les pays occidentaux. Les Kurdes gardaient cette masse de prisonniers en échange d'avantages fournis par les pays concernés. Ce problème serait donc à la fois une force et une faiblesse pour le Kurdistan, jonglant entre ces deux notions pour essayer de survivre sur la scène internationale et régionale. 

UN PROBLÈME D'ORDRE MONDIAL 

Le problème des prisonniers de l'Etat islamique ne concerne pas que la région du Moyen-Orient mais bien le monde entier. Un nombre certain de djihadistes vient d'Europe et d'Occident ( les chiffres vont jusqu'au millier). Le Kurdistan utilisait cette masse comme force diplomatique, en effet sous l'impulsion de polémiques nationales aucun pays ne souhaitait voir revenir de criminels dans son territoire national, la région kurde gardait donc ces prisonniers en échange d'avantages financiers, d'armement où bien de produits de première nécessité. Ce qui se révélait comme une force pour les Kurdes n'était qu'une faiblesse pour les pays d'Occident. L'opinion nationale ne voulait revoir d'anciens soldats islamistes revenir fouler le sol européen ou américain. La question de leur emprisonnement se pose, des preuves sont nécessaires, cela coûte de l'argent public de les garder et cela rajoute une dangerosité. Il était annoncé qu' « on ne voulait pas voir revenir de bombes à retardement ». Les débats nationaux relancent même la possible idée d'un retour de la peine de mort. Au vu de tous ces faits, les pays occidentaux, bien que concernés malgré eux, ne souhaitent s'engager dans cette région du monde. En effet, des suites du combat entre l'Etat islamique et la minorité kurde de Syrie et d'Irak appuyés par la coalition internationale, les pays vainqueurs ne souhaitent que la reconstruction et stabilité régionale pour ne plus être touchés par les attentats meurtriers ayant frappés leurs populations. Loin d'être un problème régional, le cas des prisonniers de l'Etat islamique concerne donc le monde entier. 

QUELLES RÉPERCUSSIONS POSSIBLES ? 

A long terme, concernant les djihadistes confirmés, le Kurdistan souhaiterait leur infliger la peine capitale ; la condamnation à mort ou bien une peine de prison à perpétuité pour épargner au monde une recrudescence de l'islamisme. Mais d'autres pays où autorités voient ces prisonniers comme une possible force, la Turquie pourrait recruter ces hommes pour former des milices soutenant son armée. D'autres groupes chiites ou sunnites chercheraient aussi des hommes pour se défendre où bien conquérir. Pire encore, ces djihadistes échappés pourraient où voudraient essayer de faire renaître le monstre abattu, l'Etat Islamique. Profitant de l'instabilité régionale du fait de l'offensive turque et de la faiblesse des forces syriennes et irakienne une renaissance de ce groupe terroriste pourrait faire revenir les horreurs passées aussi bien dans la région (massacres de civils) que dans le monde (attentats). Les pays occidentaux ainsi que les forces du Moyen-Orient ont donc tout intérêt à traiter ce problème ensemble et avec efficacité. 

Seul un regroupement international et une stabilité régionale pourraient venir à bout du problème des prisonniers djihadistes et de l'héritage de l'Etat Islamique, permettant ainsi dépasser de multiples enjeux.   

 

Sources : 

﷟HYPERLINK "https://www.sudouest.fr/2019/10/13/pres-de-800-proches-de-jihadistes-s-echappent-d-un-camp-kurde-en-syrie-la-france-inquiete-6693369-4803.php" 

https://www.sudouest.fr/2019/10/13/pres-de-800-proches-de-jihadistes-s-echappent-d-un-camp-kurde-en-syrie-la-france-inquiete-6693369-4803.php 

 https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/12/l-offensive-turque-relance-la-question-des-djihadistes-etrangers-detenus-en-syrie_6015219_3210.html 

 https://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/comprendre-ce-quest-letat-islamique 

 https://www.youtube.com/watch?v=ts4l8rl_rPI 

 Le livre 30 questions pour comprendre les tensions dans le monde musulman de Yann Mens 

 Le livre terrorisme de Jacques Baud