L’évolution du suffrage censitaire au suffrage universel : Un long procédé
Article écrit par Louis V.
Paris, mai 1968, la France alors en pleine croissance économique s’effondre socialement ; une alliance entre les classes pousse le pouvoir à des mesures extrêmes et provoque la démission du chef de l’état. Cette union des classes contre le pouvoir tient à nous rappeler les grandes heures révolutionnaires où tous se battaient alors pour la liberté. Revenons ensemble sur l’établissement et le développement du droit de vote de 1791 à nos jours.
Le suffrage censitaire: Premier pas vers l’égalité.
Aboli en 1848, sous la seconde république française, ce système créé par la constitution de 1791 permettait, selon Emmanuel-Joseph Sieyès (Député pour le tiers état en 1789) d’assurer le droit de vote et cela uniquement pour ceux possédant les capacités intellectuelles:« les citoyens actifs » selon ces propres termes. Ainsi instauré à une époque où seule la haute bourgeoisie pouvait avoir accès à une éducation scolaire. Le suffrage censitaire restreignit par conséquent le nombre d’électeurs à 246 000 en 1847.
Le système a continué d’exister malgré les changements de régimes et cela s’est interrompu qu’avec le premier Empire (1804-1815). Ainsi, le suffrage mis en place le 3 septembre 1791 est indirect et limité aux hommes âgés de 25 ans minimum (citoyens actifs). Il permet aux citoyens d’élire les électeurs du second degré, qui éliront à leur tour les députés de l’assemblée nationale législative. Elus pour deux ans, les députés, qui possèdent le pouvoir législatif, proposent les lois au roi Louis XVI qui détient que le pouvoir exécutif suite à la constitution de 1781. Le 11 août 1792, la chute du roi, vient à instaurer une nouvelle assemblée nommée convention. Elle sera élue pour la première fois dans l’histoire de France au suffrage universel masculin. Malgré cela, ce suffrage se verra annihiler par la constitution de l’an III (1795) pour être remplacé par le suffrage censitaire. La France alors en instabilité politique de la France au début du 19e siècle profite à Napoléon Bonaparte, qui va alors prendre le pouvoir suite au coup d’état du 18 Brumaire. Il va ainsi instaurer un nouveau régime favorable au suffrage universel : Le Consulat.
Un suffrage limité mais universel (1799-1815)
Un nouveau système est né avec l’adoption d’une nouvelle constitution : celle de l’an VIII (13 décembre 1799). Certes, il ne permet pas de voter directement les représentants, certes il n’est que masculin, mais est universel. Il permet à tout homme de plus de 21 ans et ayant séjourné au moins un an en France, de voter. Néanmoins, les citoyens Français se voient une nouvelle fois contraints de ne pas voter pour leur dirigeant. Quant à leurs représentants, les électeurs n’en élisent qu’un dixième. Ces paliers d’élections aboutissent à un scrutin indirect à 3 degrés. Enfin, le Sénat, choisira parmi la dernière liste les membres du corps législatif. Ce fonctionnement durera jusqu’à 1814, et pendant les cents jours.
Un retour au suffrage censitaire (1799-1815)
En 1815, chute du régime Napoléonien. Un retour à la monarchie est alors organisé. La Restauration remet à sa tête les Bourbons : Louis XVIII. Dans la peur d’une seconde révolution française, le régime devient une monarchie constitutionnelle. Néanmoins, vue comme une fonction sociale, que seuls les hommes d’un certain milieu intellectuel peuvent réaliser, le droit de vote est de nouveau limité au suffrage censitaire au détriment du suffrage universel. Il n’y a alors que les hommes ayant 30 ans ou plus et payant 300 francs de contribution qui ont la possibilité de voter et seuls les hommes d’au moins 40 ans payant 1000 francs de contribution de se voir éligibles. Le 29 juin 1820, pour réaffirmer son influence à la chambre des députés, le roi met en place la loi électorale du double vote. Le vote des conservateurs et royalistes se voit renforcer, provoquant une majorité conservatrice. Charles X son successeur, est contraint d’abdiquer suite à une révolution : Les Trois Glorieuses constituent le 9 aout 1830 la monarchie de juillet avec Louis-Philippe Ier à sa tête. Dans l’intention de conserver les acquis de la Révolution et proche des idées libérales, il devient roi des français. Il réforme le droit de vote permettant ainsi à un plus grand nombre de voter. La taxe de vote passe à 200 francs. De même, la taxe d’éligibilité est désormais de 500 francs. L’âge minimum pour voter est maintenant de 25 ans et 30 pour être éligible. Ces idées libérales poussent le roi à abolir la loi du double vote. Toutefois, une fois encore, les Français militant pour leurs droits se soulèvent contre le régime en place et proclament la seconde république française.
Un suffrage universel masculin (1848-1851)
La seconde république portée par son peuple instaure véritablement le suffrage universel masculin en 1848, soit 61ans avant celui de l’Italie et 60 ans avant celui du Royaume-Uni, et cela à tous Français métropolitains âgés de 21 ans minimum. De plus, 25 ans suffisait afin d’être éligible (exception faite pour les militaires). Il est ainsi possible pour un français d’élire directement le Président de la République et l’Assemblé Nationale.
Le 10 décembre 1848 Louis-Napoléon Bonaparte devient le premier président de la France pour 4 ans. Après l’échec de la révision de la constitution, pour lui permettre de pouvoir se représenter, il monte un coup d’état le 2 décembre 1851. Le second empire est proclamé l’année d’après. Ce régime de droit de vote reste inchangé. Le 4 septembre 1870, la France devient à la suite de la guerre franco-prussienne une république. Cette république, de par sa longévité installe et encre durablement le suffrage universel masculin et un régime républicain. Les femmes restent exclues de la vie politique : elles n’ont aucun droit de vote dans cette république. Elles n’étaient destinées qu’à occuper des fonctions d’épouse et de mère de famille. Durant l’année 1940, la France plongée dans la seconde guerre mondiale signe un armistice avec l’Allemagne. Le maréchal Pétain obtient par l’assemblée nationale les pleins pouvoirs et le régime de Vichy est proclamé le 10 juillet 1940. Il faudra attendre la libération pour que la France puisse de nouveau voter.
Le suffrage universel accessible à tous
La libération instaure en France le gouvernement provisoire de la république française. Le gouvernement se montre républicain et permet aux femmes de voter (droit acquit le 21 avril 1944) et de se présenter aux élections du 29 avril 1945, ainsi que les militaires (le 17 août 1945). Cet élan démocratique perdure et la France sous la IVème république accorde l’égalité de vote aux territoires d’outre- mer (23 juin 1956). Enfin, la Vème république permet le droit de vote à 18 ans (1974) et la citoyenneté européenne en 1992. Les citoyens des pays ayant ratifié leurs entrées dans l’UE peuvent voter dans ces pays aux élections municipales et européennes mais ne peuvent être élus maires ou adjoints. Finalement, la république a développé un processus qui permit aux français de plus de 18 ans de voter et cela de manière égale. « Ce long processus » est la marque de notre passé républicain, de notre avenir. Et si encore de nos jours, (et les évènements me donnent raison), la France et les Français ne peuvent vivre dans un monde qui ne les comprend pas. Il est fort à prévoir que ce peuple libre et digne, militant depuis des siècles décide de refaire de notre pays la patrie des droits de l’Homme.