L’industrie française de l’armement : un secteur vital menacé ?

 
Le FAMAS, fusil de fabrication française, ancienne dotation des troupes de notre beau pays.

Le FAMAS, fusil de fabrication française, ancienne dotation des troupes de notre beau pays.

 

Elle est le fleuron du secteur militaro-industriel européen : l’industrie française de l’armement assure au pays une souveraineté cruciale en matière d’équipements de guerre. Cependant, avec les renoncements successifs à un fusil d’assaut (HK-416 allemand), à une arme de poing (Glock 17 autrichien) ou encore à un futur avion de combat national (SCAF européen), la France voit ce secteur stratégique péricliter au gré de décisions politiques plus que discutables. Malgré d’indiscutables réussites techniques et opérationnelles – de l’avion de combat multi-rôle Rafale au char d’assaut principal Leclerc en passant par le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle – l’avenir apparaît incertain pour la première nation en armes d’Europe à mesure que les gouvernements atlantistes, germanophiles et euro-fédéralistes se succèdent à la tête de l’État… Quels enjeux pour l’industrie de défense française ? En quoi est-elle si indispensable à la survie de la France en tant que telle ?

« La France fut faite à coups d’épée »
— Charles de Gaulle (1890-1970)

La France dispose d’une longue et riche tradition militaire. Entourée d’ennemis, elle a su se construire – souvent des suites d’initiatives étatiques via la création d’arsenaux, de chantiers navals et de manufactures – un prestigieux complexe militaro-industriel.  À la pointe de nombreuses avancées guerrières (poudre sans fumée, artillerie de campagne, avion…), elle conserve encore aujourd’hui un avantage comparatif face à ses homologues européens dans les domaines de la guerre conventionnelle, nucléaire ou spatiale. Pourtant, c’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que les forces armées nationales sont aussi dépendantes de l’étranger d’un point de vue matériel. Fusil d’assaut allemand (HK-416), pistolet autrichien (Glock 17) ; c’est tout l’armement individuel principal du fantassin qui dépend de puissances étrangères aujourd’hui alliées mais demain potentiellement ennemies ou rivales. Au sein des forces aériennes et aéronavales, les avions de veille et de surveillance électromagnétique – les fameux AWACS – sont de fabrication américaine (E-2 Hawkeye et E-3 Sentry) ainsi que la technologie des catapultes à vapeur installées sur le pont du Charles de Gaulle. Des composants informatiques cruciaux équipant les systèmes d’armes des missiles de croisière SCALP sont également produits par les États-Unis d’Amérique. Malgré d’excellents fleurons technologiques nationaux (Rafale, Leclerc…), la part des véhicules et équipements extranationaux augmente. Américains, allemands et suisses, les avions de formation des pilotes de combat trahissent cette tendance à « l’externalisation » des secteurs jugés « non-stratégiques » à l’indépendance du pays. Contre l’assurance fantasmée d’un retour sur investissement, la France a délégué ses outils de formation à un étranger bien plus pragmatique. Et les conséquences s’annoncent déjà terribles.

« Contre l’assurance fantasmée d’un retour sur investissement, la France a délégué ses outils de formation à un étranger bien plus pragmatique »

Destruction de la chaîne de production, relations conflictuelles, concurrence déloyale et politique, l’industrie militaire française souffre depuis des décennies d’une irrésistible descente aux enfers. Alors que certaines entreprises bénéficient d’un monopole intouchable (Dassault, Nexter…), d’autres souffrent de décisions politiques répondant plus au dogme qu’au pragmatisme. Ainsi, la présidence Hollande préférât l’achat de fusils d’assaut allemands HK-416 en lieu et place des productions nationales de Thalès dans le domaine avec une configuration connue des militaires car s’inspirant du FAMAS (Thalès F90). L’objectif n’est plus de satisfaire un besoin pratique et impérieux des militaires sur le terrain mais de plaire à des nations insensibles aux soumissions d’un État dogmatique. Le SCAF et l’adoption du Glock 17 relève de la même logique, au-delà de la qualité intrinsèque de l’armement. Quid d’une guerre ou d’un embargo ?

« L’objectif n’est plus de satisfaire un besoin pratique et impérieux des militaires sur le terrain mais de plaire à des nations insensibles aux soumissions d’un État dogmatique »

En externalisant la production de matériels vitaux pour sa sécurité, la France ne fait que resserrer le nœud qui enserre son cou. En cas de conflit ou d’embargo, elle condamne ses forces armées à la paralysie opérationnelle à moyen terme. Quelles solutions ? Souveraineté, pragmatisme et réindustrialisation. Redevenir maître de soi-même en quittant des institutions dépassées et inadaptées au monde moderne (OTAN, Union européenne…), en écoutant et répondant aux besoins des forces armées par une puissance industrielle nouvelle comme renouvelée. Ces trois axes de réformation seront, que l’État et ses chefs le veuille ou non, les enjeux de la défense française au XXIème siècle et non une impossible et inexistante « Europe de la Défense » où le commandement est américain et la chair à canon, française…

« Tant qu’une nation a conscience de sa supériorité, elle est farouche et respectée. Dès qu’elle ne l’a plus, elle s’humanise et ne compte plus »
— Emil Cioran (1911-1995)