Pourquoi comparer le COVID-19 avec la grippe était une énorme erreur

 
 

Début 2020, les médias européens ont commencé à parler régulièrement d’un nouveau virus apparu en Chine dans la région de Wuhan. Cela n’inquiétait pas spécialement les pays européens tant qu’il n’y avait pas de foyer épidémique en Europe.

 
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Sur Internet, on pouvait voir beaucoup de vidéos de Wuhan montrant des gens tombés au sol dans la rue, des gens apeurés se ruant à l’hôpital pour être examinés et des hommes avec des combinaisons blanches en train de ramasser les malades ou de désinfecter les rues. Au début, personne ne savait ce que c’était. Or, il se trouvait que le nouveau virus était similaire au SRAS (SARS-CoV) qui avait impacté la Chine en 2003. Pendant plusieurs semaines les autorités chinoises ont accusé les médecins lanceurs d’alerte (notamment le Dr Li Wenliang) de répandre de fausses informations, avant de se rétracter en voyant l’ampleur du problème.

Le 22 janvier, la ville de Wuhan et ses 11 millions d’habitants ont été mises sous quarantaine. Le lendemain débutait la construction d’hôpitaux de campagne provisoires pour traiter les afflux de malades, les hôpitaux de la ville étant débordés. Le 25 janvier, c’est toute la province du Hubei qui se retrouvait en quarantaine, soit près de 56 millions d’habitants.

 
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Cela attirait l’attention, mais l’Europe s’en souciait assez peu. Pour beaucoup de gens en Europe, qu’ils soient médecins, responsables politiques ou simples citoyens, ce virus n’était pas plus inquiétant qu’une grippe car le taux de mortalité n’était pas jugé très faible. Selon un premier bilan publié le 24 février par les autorités chinoises, le taux de létalité du virus était de 2,3 %, ce qui était nettement plus important que la grippe saisonnière.

Mais cela aurait déjà dû inquiéter. Si le nouveau virus était peu dangereux, pourquoi la Chine aurait-elle pris des mesures aussi drastiques ? La Chine n’aurait jamais mis autant de villes en quarantaine et déployé l’armée pour une simple grippe. Jamais. C’était forcément quelque chose de plus grave et de très contagieux. Le pays était en train de fermer une région entière et de construire des hôpitaux provisoires tellement l’afflux de cas graves était important.

En Europe, ça n’inquiétait pas beaucoup… jusqu’à l’apparition de clusters épidémiques dans le Nord de l’Italie. Lorsque l’Italie a décidé de mettre 11 villes en quarantaine puis plusieurs provinces entières. Le 8 mars, c’est tout le pays qui se retrouvait en confinement. Malgré les signaux alarmants venants de Chine, malgré les moyens énormes mis en place en Corée, malgré la suspensions des liaisons aériennes avec le Hubei par plusieurs pays, beaucoup de pays européens sont restés les bras croisés jusqu’à se prendre la vague.

La situation actuelle en Italie montre bien que le coronavirus n’est pas comme une simple grippe. Son taux de mortalité est plus élevé, il cause davantage de dommages dans ses formes graves et il est beaucoup plus contagieux. En Chine, les hôpitaux ont vite été débordés à Wuhan. Même chose en Italie. Les cas les plus graves nécessitent d’être placés en réanimation sous assistance respiratoire. Quand le nombre de cas graves dépasse le nombre de lits disponibles, les personnes hospitaliers ne peuvent pas soigner tous les malades. En Italie c’est ce qui se passe depuis des semaines. Ce phénomène est aussi visible en Espagne, en France (notamment dans le Grand Est) et ailleurs dans le monde. Comme d’autres avant eux, certains pays comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas (qui ont fait le choix de la stratégie de l’immunité collective) ne se sentaient pas concernés tant qu’ils n’avaient beaucoup de cas détectés chez eux et alors que la propagation était très rapide. Les Britanniques ont finalement décidé de confiner leur population, et les Pays-Bas durcissent leurs mesures. La Suède semble rester à part pour le moment. En Amérique du Nord, les États-Unis et le Canada commencent à s’inquiéter sérieusement au fur et à mesure que le nombre de cas dépistés augmente.

La tournure des événements montre que le coronavirus n’est pas comparable à la grippe. On ne met pas des villes entières, des régions entières ou des pays entiers en confinement pour une simple grippe. Le COVID-19, c’est une maladie très contagieuse qui nécessite une hospitalisation pour une part non négligeable de gens.



Des éléments de comparaisons biaisés

Avant que l’épidémie ne touche sévèrement l’Europe occidentale, beaucoup de gens minimisaient la dangerosité du virus en faisant la comparaison avec la grippe. L’argument le plus fréquent, c’était de dire que “la grippe fait bien plus de morts chaque année”. Mais il faut replacer ça dans le temps. Début janvier, fin février ou début mars, c’était bien trop tôt pour faire une comparaison solide avec la grippe saisonnière, puisque cela revenait à comparer des chiffres basés sur 1, 2 ou 3 mois avec des chiffres annuels pour une maladie bien connue.

Si les différentes autorités de santé pouvaient faire des estimations plutôt correctes pour la grippe saisonnière, il est très hasardeux de faire des estimations pour le COVID-19. Il y a des simulations qui ont été faites, avec des hypothèses hautes et des hypothèses basses, mais il y a énormément de facteurs qui rentrent en jeu, notamment les choix politiques des gouvernements. Si des pays comme l’Italie, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni s’étaient mieux préparés, l’épidémie aurait fait probablement moins de morts en Europe depuis le début de l’année. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas avaient annoncé faire le choix de “l’immunité collective” avant de prendre des mesures plus strictes. Le Royaume-Uni a décidé de confiner sa population, comme l’Italie, l’Espagne et la France.

Et rappelons encore une fois que pour la grippe saisonnière, on ne met pas des pays entiers en confinement. Pour la grippe saisonnière, on ne ferme pas les bars, les restaurants et les cinémas, on ne ferme pas les parcs, les salles de sport et les magasins non alimentaires, on n’oblige pas les gens à rester chez eux. Si on ne faisait aucun confinement lors de la première année pour ce coronavirus, le nombre de morts serait probablement beaucoup plus élevés, d’une part parce que beaucoup plus de gens auraient été infectés, mais aussi parce que les services hospitaliers auraient été encore plus débordés et bien plus tôt.

Enfin, ce qu’il faut rappeler, c’est que pour la grippe, on a des traitements connus : on a des médicaments (par exemple des antiviraux) et surtout il y a des vaccins. Pour le coronavirus, à l’heure actuelle, il n’y a aucun vaccin sur le marché. Des vaccins sont en cours de développement dans plusieurs pays, mais il faudra de nombreux essais cliniques avant une approbation par les autorités sanitaires. En toute logique, sauf surprise et validation expresse, on peut s’attendre à ce qu’il faille encore plusieurs mois au moins pour qu’un vaccin soit disponible. Pour le moment, le virus continue à faire de nombreuses victimes partout dans le monde, et notamment en Europe et aux États-Unis.

Article publié le 27 Mars 2020 sur https://medium.com, republié sur TerraBellum à la demande de l’auteur.