Pourquoi France doit rimer avec francophonie

 
Sommet de la Francophonie 2016, une communauté d’intérêts et de culture trop négligée par la France.

Sommet de la Francophonie 2016, une communauté d’intérêts et de culture trop négligée par la France.

 

1539. Par l'édit de Villers-Cotterêts, François Ier impose le français en remplacement du latin comme langue officielle dans les tribunaux et les actes notariés. Pourtant, la grande majorité des sujets du roi ne parle alors pas un traître mot de la langue de Molière. Sous l'égide de ce dernier et de ses illustres contemporains, notre jargon se développe dans le pays et supplante peu à peu les dialectes régionaux. L'âge d'or culturel français hisse même notre parler au sommet du monde avec le traité de Rastatt de 1714, premier traité international rédigé entièrement en français qui entérine son usage prééminent en diplomatie.

Près de deux siècles plus tard, force est de constater que la situation a largement évoluée. S'il n'est un continent où l'on ne puisse ouïr les circonvolutions propres à notre langage natal, ce dernier est dorénavant boudé dans le registre international, devancé par un anglais que l'on qualifiera rageusement de pauvre et simpliste. Davantage préoccupée par le « free market » et la « worldwide globalisation », la France a délaissé celle qui a pourtant fait son unité et sa grandeur. De la suprématie du français ne reste que les racines culturelles calcinées par les flammes d'un libéralisme enragé que d'indulgents « talk show » américains ne manquent pas de raviver sporadiquement sur fond de « romantisme à la française ».

Passée cette grandiloquente hâblerie, est-il nécessaire d'affirmer qu'une langue forte est bénéfique à son pays ? Une énumération des grandes civilisations ayant (à raison) diffusé leur dialecte sur un maximum de territoires serait superfétatoire. D'Alexandre le Grand entérinant l'action des colons et marchands grecs, au Royaume-Uni avec l'appui du Commonwealth, tous y ont tiré profit.

Mais comparaison n'est pas raison, et il ne s'agit ici pas d'éveiller de lointaines prétentions expansionnistes en appliquant littéralement ces cas de figure à la France. Pour autant, quelles que soient ses ambitions, cette dernière n'a que très peu de raisons de ne pas soutenir le développement de sa propre langue.

Et si ce constat est simple et issu d'une rhétorique des plus primaires, nos dirigeants au cours des décennies précédentes n'ont pas daigné le considérer en profondeur. Les rapports montrant un recul affligeant du niveau de maîtrise du français se suivent et se ressemblent. Peu à peu le nivellement par le bas de l'éducation poursuit son œuvre destructrice et partout les anglicismes viennent supplanter les carences de la pratique du français.

Toutefois le français a une chance : il s'est abondamment diffusé hors d'une métropole qui le néglige, principalement en Afrique où son développement est exponentiel, intimement lié à l'explosion démographique que connaît le continent. Ainsi, l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) affirme que, sur les 300 millions de locuteurs français dans le monde (ce qui hisse la langue au cinquième rang mondial), 59% sont africains. Selon les estimations du même organisme, la part de locuteurs africains s'élèvera à 85 % en 2050, pour près de 800 millions de locuteurs français.

Si la fiabilité de ces chiffres reste discutable compte tenu du grand nombre d'aléas possibles, le potentiel d'expansion de la langue française semble lui absolument réel.

Afin d'en favoriser l'occurrence, il semble en premier lieu sage de régler les problèmes touchant le cœur du sujet : la déliquescence de notre langue. Jadis puissante et influente institution, l'Académie Française tient désormais davantage d'un ensemble de vieux écrivains certes respectés mais dont les orientations n'existent que par la considération dont on veut bien les gratifier du fait de leurs œuvres passées. On le constate, le français se développe principalement hors de notre métropole, et il se propage surtout en présence de nombreux autres dialectes, qui exercent une influence variable sur son évolution. Le risque existe ainsi de voir apparaître de nouvelles langues bien distinctes du français, morcelant se dernier selon des paramètres purement territoriaux, qui le feraient perdre son seul atout : réunir des millions d'individus bien différents sous un seul et même mode de communication.

Un modèle fort et stable s'érige donc comme une condition sine qua non du bon développement de la langue de Molière. Malheureusement les principales initiatives n'émanent essentiellement que d'associations et autres Organisations Non Gouvernementales, avec en chef de file l'OIF. L'action de l'Etat n'est que très peu effective, et l'on s'est jusqu'alors contenté d'envoyer de grands messages de rassemblement et de fraternité aux pays francophones, un moyen d'action redoutablement inutile. Le titre XIV de notre Constitution et ses articles 87 : « La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. » et 88 sonnent aussi creux que les nombreux discours prônant le partage et la collaboration avec « nos frères de langue ».

Alors qu'une formidable opportunité semble poindre, l'heure est à l'action concrète, et la France ne peut se permettre de passer à côté si elle ne veut sombrer dans l'inexorable déclin qu'on lui promet ainsi qu'à la vieille Europe.

Source :

Le français dans le monde, OIF :

https://www.francophonie.org/la-langue-francaise-dans-le-monde-305